Un scandale d’Etat. Le rapport d’enquête sur le Parquet National Financier (PNF) qui a, pendant six ans, tenté d’identifier la « taupe » qui a informé Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoute, n’aura abouti à rien, malgré la gravité des faits. Car pour identifier cette « taupe », le PNF a outrepassé ses prérogatives en épluchant les fadettes (relevés téléphoniques) d’avocats dont Eric Dupont-Moretti, actuel ministre de la Justice qui avait déposé une plainte le 1er juillet contre X auprès du Procureur de Paris.
Pourtant, une semaine plus tard, le 7 juillet, l’actuel Garde des Sceaux annoncera le retrait de sa plainte après avoir été nommé ministre par Emmanuel Macron. Pire, une enquête sur les méthodes du PNF a finalement été menée par l’Inspection Générale de la Justice qui a communiqué ses résultats au Ministère de la Justice en début de semaine, comme le révèle Le Point.
Et le ministère de la Justice, après y avoir jeté un coup d’œil, l’a rendu public ce 15 septembre. Le rapport conclu, sans surprise, que rien d’illégal n’a été fait par le PNF dans le cadre de cette enquête pour identifier une taupe. Le ministère de la Justice s’est juste contenté de souligner quelques dysfonctionnements. Et l’affaire est close.
En gros, il ne fallait surtout pas s’attendre à ce que le ministère de la Justice sanctionne une institution (PNF) dont les pratiques sont loin de faire l’unanimité et qui est accusé d’avoir participé à l’élimination de François Fillon face à Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle 2017.
Pour avoir une idée des pratiques du Parquet National Financier, il faudra se pencher sur les déclarations d’Eliane Houlette, ex procureure du PNF qui, ce 10 juin, face à une commission d’enquête, faisait état des pressions qu’elle subissait pour accélérer le dossier Fillon en vue certainement de nuire au candidat LR.
“je l’ai personnellement vécue, avec des demandes parfois, deux ou trois demandes dans la même journée. Les demandes de transmission rapide des éléments sur les dernières investigations, les premiers éléments sur les actes de la veille avant 11 heures, les demandes de précision, les demandes de chronologie générale…Et tout ça, à deux jours d’intervalle ou à trois jours. Donc, quand je dis que c’est un contrôle étroit, c’est un contrôle extrêmement étroit”, avait-elle révélé aux députés ce 10 juin.
Et d’ajouter : « J’ai été convoquée (…) parce que le choix que j’avais adopté ne convenait pas. On m’engageait à changer de voie procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une information judiciaire. J’ai reçu une dépêche du procureur général en ce sens”.
Pourtant, fin juin, lorsqu’il a été informé que ses relevés téléphoniques avaient été épluchés par le PNF, Eric Dupont-Moretti, en colère, n’avait pas hésité à s’attaquer à cette institution dénonçant vigoureusement ses méthodes qu’il qualifiait de « barbouzardes ». Mais, une fois nommé ministre, il n’a pas non plus hésité une seule seconde à retirer sa plainte.
Alors, pourquoi n’a-t-il pas voulu aller jusqu’au bout de sa plainte? Qui a fait pression sur lui pour qu’il la retire? En le nommant ministre de la Justice (sachant qu’il avait de nombreux dossiers entre les mains), Macron n’a-t-il pas voulu éteindre un incendie qui allait lui coûter très cher à moins de deux ans d’une élection présidentielle cruciale?
Rappelons que le 8 juillet dernier, deux jours après la nomination de Dupont-Moretti au poste de ministre de la Justice, Jean Castex, actuel premier ministre, avait craché le morceau en révélant sur le plateau de BFMTV que c’est le président de la République qui a eu l’idée de nommer Dupont-Moretti Garde des Sceaux.
Tout le reste n’est que littérature. Ce qui est désormais sûr, c’est que le Parquet National Financier dont les pratiques sont assez troubles a besoin d’une profonde restructuration car en l’état actuel, tout laisse à croire qu’il s’agit d’une véritable arme politique que le pouvoir utilise contre les opposants.