Le président syrien, Bachar al-Assad, a accordé une interview exclusive à l’agence française de presse AFP ce jeudi 13 avril 2017. Le président syrien a nié catégoriquement avoir ordonné l’attaque chimique qui s’est produite à Khan Sheikoun il y a une semaine
Bachar al-Assad sort de son silence. Plus d’une semaine après l’attaque chimique qui a suscité une condamnation générale de la communauté internationale, le président syrien s’est exprimé sur cet incident pour la première fois. Dans une interview accordée à AFP, Bachar al-Assad parle d’une attaque « totalement fabriquée ».
Sur la question de savoir s’il a lui-même ordonné l’attaque chimique contre la ville de Khan Sheikhoun mardi dernier, il rétorque : « en fait, personne n’a enquêté sur ce qui s’est passé ce jour-là jusqu’à présent. Comme vous le savez, Khan Sheikhoun est sous le contrôle du Front Al-Nosra, une branche d’Al-Qaida. Donc, la seule information que le monde avait jusqu’à maintenant est publiée par Al-Qaida ».
Bachar al-Assad continue : « personne ne dispose d’aucune autre information. Nous ne savons pas si les photos et vidéos que nous voyons sont vraies ou si elles sont fabriquées. C’est pour cela que nous avons demandé des enquêtes sur ce qui s’est passé à Khan Sheikhoun. C’est la première chose ».
« Ils ont fabriqué toute l’histoire afin d’avoir un prétexte pour attaquer
« Ensuite, les sources d’Al-Qaida ont affirmé que l’attaque s’est produit à 6H30 du matin tandis qu’on a nous dit que l’attaque de l’armée syrienne dans cette ville a eu lieu entre 11h30 et 12H00. Donc, ils parlent de deux histoires différentes et d’autres événements. Alors, il n’y avait aucun ordre donné pour mener une attaque, nous n’avons pas d’armes chimiques, nous avons renoncé à notre arsenal il y a quelques années. Même si nous les avons, nous ne les utilisons pas et nous n’avons jamais utilisé notre arsenal dans notre histoire », soutient Assad.
Le journaliste insiste et lui pose une nouvelle fois la même question : donc que s’est-il passé ? Et Bachar de répondre : « comme je l’ai dit, la seule source est Al-Qaida, nous ne pouvons pas la prendre au sérieux ». Pour le président syrien, l’attaque est une histoire fabriquée pour trouver le prétexte d’attaquer la Syrie. « Ils ont fabriqué toute l’histoire afin d’avoir un prétexte pour attaquer. Ce n’était pas une attaque pour ce qui s’est passé à Khan Sheikoun », martèle-t-il.
« Pour nous, c’est une fabrication à 100% »
« C’est un événement. C’est l’acte 1 d’un scénario que nous avons vu sur les réseaux sociaux et sur les chaînes de télévision, la propagande. Et l’acte 2 a été l’attaque militaire. C’est ce que nous pensons être en train de se passer car entre le scénario et l’attaque, il ne s’est écoulé que 48 heures et aucune enquête, aucune preuve concrète sur quoi que ce soit n’a été montré. Il n’y a que des allégations, une propagande et ensuite une frappe », dit-il.
Sur la question de savoir qui est responsable de ces attaques, Bachar al-Assad est droit dans ses bottes. Il accuse Al-Qaida et le Front al-Nosra, deux groupes terroristes qui opèrent en Syrie. Bachar al-Assad persiste et signe. Pour lui, il s’agit bel et bien d’une fabrication. « Pour nous, c’est une fabrication à 100% ». Pour Bachar, si l’armée syrienne avait eu envie d’utiliser des armes chimiques, elle l’aurait fait au moment où elle était dans une situation difficile et pas au moment les groupes commencent à s’effondrer.
« Tout président aux USA, s’il veut devenir leader, devra plus tard manger ses mots »
L’ombre de Trump a bien plané dans cette interview. Sur la question de savoir s’il perçoit toujours Trump comme un partenaire, il dira : « si les Etats-Unis sont sérieux dans la lutte contre le terrorisme, nous allons être partenaires. (…) C’est un principe de base. Ce qu’on a vu récemment, comme je l’ai dit tantôt, est qu’ils sont main dans la main avec les terroristes. Les Etats-Unis et les Occidentaux ne luttent contre le terrorisme ».
Dans l’interview, le président syrien n’a pas été tendre avec les Etats-Unis qu’il a qualifiés de « régime ». « Nous avons la preuve qu’il ne s’agit pas du président des Etats-Unis, il s’agit du régime, de l’Etat profond ou du régime profond des Etats-Unis qui est le même. Le président est juste un des acteurs du théâtre. (…) Trump a voulu être leader, mais tout président aux USA, s’il veut devenir leader, il devra plus tard manger ses mots, avaler sa fierté, s’il en a d’ailleurs et faire un virage à 180 degrés, sinon il risque de payer le prix politiquement ».
« Cela peut se produire à tout moment, partout, pas seulement en Syrie »
Dans l’interview, Bachar al-Assad n’exclut pas l’idée que d’autres attaques chimiques soient commises en Syrie si les Etats-Unis sont toujours gouvernés par un complexe militaro-industriel, les entreprises financières, les banques. « Cela peut se produire à tout moment, partout, pas seulement en Syrie », précise-t-il. Pour Bachar al-Assad, il ne s’agit pas pour la Syrie de mener des représailles, mais plutôt de réagir face à la menace terroriste dans le pays.
Sur la question de savoir s’il quitterait le pouvoir si jamais les résultats de l’enquête sur l’attaque chimique l’accusaient d’être le responsable, il dira : « s’ils accusent ou s’ils le prouvent ? », s’interroge-t-il. Et d’ajouter : « Non, ils accusent déjà le gouvernement et si vous voulez dire par « eux », par l’occident, nous nous en fichons de l’occident. Si vous dites par l’agence atomique, si elle peut prouver qu’il y a une attaque, on doit prouver qui a ordonné l’attaque ».
« Il n’y a pas de règne de la famille Assad nulle part en Syrie »
Bachar al-Assad affirme n’avoir pas été informé par la Russie des attaques menées ce jeudi 6 avril au soir par l’armée américaine. Il a expliqué que les Américains en ont informé les Russes qu’à la dernière minute. Toutefois, Bachar al-Assad ajoute que son armée était préparée, en prenant toutes ses dispositions car elle savait que quelque chose allait se produire.
S’adressant à AFP, Bachar al-Assad a tenu à répondre à Rex Tillerson, secrétaire d’Etat américain, qui a annoncé ce mardi quelques heures avant sa visite à Moscou que le « règne de la famille Assad tirait à sa fin ». Pour le président syrien, le secrétaire d’Etat américain est en train d’halluciner.
« Il n’y a pas de règne de la famille Assad nulle part en Syrie. Il rêve, il hallucine. Donc, nous ne perdons pas de temps avec cette déclaration. En réalité, non. Ces six dernières années, les Etats-Unis ont activement soutenu les terroristes partout en Syrie, dont Etat Islamique, le Front Al-Nosra et d’autres factions du genre. Cela est clair et cela est prouvé en Syrie ».
Bachar rejette catégoriquement l’idée que les attaques chimiques de Khan Sheikhoun ont été un revers pour lui.
Pour lire l’interview exclusive, cliquez ici : Sana.sy