(Analyse du journaliste Cheikh DIENG, basé en France)
Les récentes déclarations de Maître Abdoulaye Wade, ex président du Sénégal, suscitent de vives réactions à travers le Sénégal. Elles sont d’autant plus explosives qu’elles ont été prononcées à quelques semaines d’une élection présidentielle cruciale pour l’avenir de notre pays.
Depuis Paris (capitale de la France), face à des journalistes sénégalais, Maître Abdoulaye Wade, voix sénile, a été sans ambages. Il a en effet sévèrement taclé les méthodes de son successeur, Macky Sall, un président qu’il n’a pas hésité à qualifier de « dictateur » dans son allocution.
Je ne m’attaque pas au discours de l’ancien président, une bête politique, expérimenté, aguerri ayant milité plusieurs décennies dans l’opposition avant de remporter enfin la présidentielle de 2000. Abdoulaye Wade est tout sauf un tocard. En dépit de son âgé très avancé, j’ose croire qu’il est et qu’il restera toujours l’un des plus redoutables hommes politiques de notre Histoire.
Dans son discours, je reconnais que le père de Karim a craché des vérités indéniables. L’ex président a en effet entamé son discours en rappelant des faits tragiques sur le continent : la Côte d’Ivoire, le Burundi, la Guinée, le Togo. Des pays africains où des milliers de personnes ont été tuées en période de campagne présidentielle.
Maître Wade a tout à fait raison. En effet, la comparaison a tout son sens. Vu la grosse arnaque du parrainage et les décisions d’un Conseil Constitutionnel devenu un instrument du pouvoir, le Sénégal peut basculer à tout moment vers le chaos. Le guide spirituel du PDS a été particulièrement dur envers le régime en place auquel il reproche d’avoir modifié le code électoral.
Quand Abdoulaye Wade insinue que Macky Sall a confortablement choisi les cinq candidats qu’il affrontera lors de la présidentielle du 24 février, il n’y a certes aucune preuve pour le confirmer. Toutefois, vu les circonstances et les agissements d’un Conseil Constitutionnel totalement acquis à la cause du régime en place, difficile de prouver le contraire.
J’aurais pu développer mon analyse tant le discours de « gorgui » a été pertinent. Toutefois, j’ai malheureusement constaté qu’il a fait fausse route. En tant que bête politique doté d’une expérience politique hors-norme et connaissant parfaitement bien le paysage politique sénégalais, je m’attendais à autre chose.
Dans son discours face à la presse, Abdoulaye Wade, qui a encore du mal à digérer l’élimination de son fils (Karim), a ouvertement appelé à s’opposer à la tenue des élections. Pour cela, il envisage deux scénarii : l’organisation d’une présidentielle libre et démocratique (ce qui est loin d’être le cas) ou le boycott pure et simple de son parti.
Et c’est là que le vieux a tort. Appeler à boycotter la présidentielle est une erreur monumentale qui ne profitera qu’au parti au pouvoir. Le vieux semble oublier que son parti a été au second tour de la présidentielle de 2012. D’ici là, de l’eau a certes coulé sous les ponts. Des dissensions profondes sur la candidature de Karim ont miné le PDS, des cadres du parti ont rejoint Macky. Mais, le boycott serait, à mon avis, le dernier coup de grâce assené au PDS.
« La Guerre de Troie n’aura pas lieu », écrivait Jean Giraudoux. Moi, je dirai (sans risque de mon tromper) que la présidentielle de Macky aura bien lieu. La stratégie du vieux aurait été plus efficace s’il avait appelé à voter pour un candidat déterminé. En effet, vu le stratagème mis en place par le régime Sall, tout candidat politique qui jouit du soutien du PDS a des chances d’aller au second tour, que ce soit Idy, Sonko ou Madické Niang.
Que les militants du Parti Démocratique Sénégalais ne tentent surtout pas de boycotter la présidentielle 2019. Ils perdront deux fois : le parti pourrait davantage être fragilisé et en cas d’une victoire de Macky Sall au premier tour de l’élection, les Sénégalais ne leur pardonneront jamais cette maladresse.
Abdoulaye Wade a conclu sa décision en donnant rendez-vous à ses sympathisants à Dakar, capitale du Sénégal, là où la véritable bataille va se jouer. Moi, je vous dis ceci : son retour à sa terre natale ne changera absolument rien car les dés sont jetés. Il faudra désormais affronter Macky dans les urnes ou disparaître à jamais.