(Cheikh DIENG, journaliste en France)
Un grand coup vient d’être porté à la démocratie. Dans cette analyse, je prends le contrepied de la plupart des médias de masse européens qui, ce mardi, ont sauté de joie après le rejet du Brexit par le parlement britannique. En effet, sans grande surprise, la chambre des communes a refusé l’accord de divorce proposé par Theresa May, première ministre britannique. 432 voix se sont opposées à l’accord contre 202 qui l’ont voté.
Je n’entrerai pas dans les détails de ce vote historique qui met Theresa May sur une chaise éjectable. En effet, l’opposition de gauche, dirigée par Jeremy Corbyn, a promis de faire passer une motion de censure. Si elle passe, le gouvernement tombe et tout change dans les relations entre la Grande-Bretagne et l’Union Européenne.
Je regrette personnellement que la volonté du peuple britannique soit bafouée. N’oublions pas qu’en 2016 les Britanniques s’étaient démocratiquement prononcés sur la question de leur avenir en Europe. Dans un référendum approuvé par David Cameron, ex premier ministre britannique, 51,9% de la population avait voté « oui » contre 48,1%.
Depuis cette date, l’Union Européenne n’a ménagé aucun effort pour empêcher que le peuple exerce ses droits les plus élémentaires. Soucieux du grand danger que poserait le départ de la Grande-Bretagne de l’Union, Bruxelles a posé sur la table des négociations des conditions surréalistes pour tout saboter.
Des sabotages d’ailleurs maintes fois dénoncées par Theresa May. Je rappelle qu’en 2018, l’actuelle première ministre britannique avait ouvertement accusé Tony Blair, ex premier ministre du pays et farouche opposant au Brexit, de tenter de saboter la volonté des Britanniques de sortir de l’UE.
« Il y a beaucoup de personnes qui veulent saboter le processus de négociation pour leurs propres intérêts politiques plutôt que d’agir dans le sens de l’intérêt national. Le fait que Tony Blair se rende à Bruxelles et cherche à miner nos négociations en prônant un second référendum est une insulte à la fonction qu’il a déjà occupée et au peuple qu’il a déjà servi », se plaignait May.
Dans un discours prononcé devant le Buckingham Palace en mai 2017 avant son élection, Theresa May avait ouvertement dénoncé les attaques médiatiques dont faisait l’objet les partisans d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, mais aussi les menaces provenant des autorités de l’UE.
« Ces derniers jours, nous avons vu à quel point ces négociations semblent être dures. Les négociateurs britanniques ont été mal représentés sur le plan médiatique. Les positions des négociateurs européens se sont durcies. Des politiciens européens ont proféré des menaces à l’endroit de la Grande-Bretagne. Tout ceci a été volontairement programmé pour porter atteinte aux résultats des élections générales qui se tiendront le 8 juin. »
May n’a pas tort. En effet, nous avions tous vu ce sabotage orchestré par Jean-Claude Junker et Michel Barnier. La stratégie était double : compliquer la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE mais aussi semer la dissension au sein du gouvernement May à travers des questions telles que l’Irlande du Nord ou la dette britanniques pour ne citer que ces deux-là.
Sur la question de l’Irlande du Nord, la proposition britannique de maintenir cette région dans le juron britannique est plus crédible, contrairement à la volonté de l’UE de considérer l’Irlande du Nord comme membre (de l’UE) et où les tarifs de l’Union seront appliqués sur les produits commerciaux.
L’autre point d’achoppement est la dette britannique envers l’UE. D’après Business Insider, la Grande-Bretagne doit à l’Union Européenne 37,1 milliards de pound. D’après la même source, cette somme ne sera entièrement remboursée qu’en 2064. En 2019-2020, la Grande-Bretagne remboursera 16,4 milliards ; 18,2 milliards entre 2021 et 2028 et 2,5 milliards entre 2019 et 2064.
Là, également, le remboursement fait grincer des dents. Pour certains, notamment William Hague, c’est une arnaque. « L’explication est que l’Union Européenne a besoin que nous lui fournissions beaucoup de sous parce qu’elle en a besoin. Elle veut nous utiliser pour gérer sa grosse dette », a-t-il fait savoir.
La stratégie de l’UE a merveilleusement porté ses fruits. L’UE a en effet réussi à installer le doute dans le camp May en poussant des personnalités clés du gouvernement britannique à démissionner. C’est notamment le cas de David Davis, ex ministre du Brexit et de Boris Johnson, ex ministre des Affaires étrangères qui, ce 9 juillet, ont tous deux annoncé leur démission du gouvernement. Les deux ont fortement critiqué la politique de Theresa May sur le Brexit.
La situation s’est aggravée lorsque ce 15 septembre, Dominic Raab, ministre du Brexit qui avait succédé à David Davis, avait à son tout démissionné de son poste, dénonçant les termes de l’accord signé entre le gouvernement britannique et l’Union Européenne. Dans sa lettre de démission, l’on retient ceci : « je ne peux pas apporter un soutien à un accord d’arrangement dans lequel l’UE détient son droit de véto sur la capacité du Royaume-Uni à quitter (l’Union Européenne) ».
Depuis le vote du Brexit jusqu’à ce 15 janvier, date du rejet du Brexit par le parlement britannique, l’Union Européenne s’est éperdument moquée de la volonté des Britanniques. Le plus grave dans tout cela est qu’elle n’a pas voulu tenir compte du résultat des urnes qui, en 2016, avait donné gagnant aux partisans du « non ».
L’Union Européenne exige désormais la tenue d’un second vote sur le Brexit après s’être rassurée que son travail de sabotage a porté ses fruits et qu’en cas de second référendum, il n’y a aucune chance que le « non » l’emporte. Est-ce cela la démocratie tant vantée par les dirigeants européens ? Comment expliquer ce manque de respect vis-à-vis du peuple britannique ?
Quand le vote ne vous arrange pas, vous bafouez les droits des peuples. Par contre, quand cela vous arrange (et gêne le peuple), vous applaudissez. Je rappelle qu’en France, beaucoup regrettent aujourd’hui avoir voté oui à Maastricht. Et pourtant, l’Union Européenne n’a jamais fait pression pour qu’il y ait un second vote.
Ce qui s’est produit hier en Grande-Bretagne est certes un coup dur pour un gouvernement démocratiquement élu. Toutefois, ce n’est pas une défaite pour May et ses ministres. La vraie défaite est du côté de l’Europe, cette Europe des riches qui piétine le droit des peuples et qui n’en fait qu’à sa tête.
En Europe, la démocratie vit ses dernières heures.