(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG, basé en France)
Les relations entre la France et l’Algérie n’ont jamais été au beau fixe. Et, hélas, on devra attendre encore plusieurs années pour assister à une éventuelle réconciliation. En effet, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2019) a une nouvelle fois attisé les tensions et réveillé le sentiment de haine entre deux peuples que tout sépare.
Pendant un mois, la plus prestigieuse compétition africaine qui s’est déroulée cette année au Caire a suscité une liesse populaire rarement vue chez les Algériens. Pendant un mois, les Fennecs (l’équipe nationale d’Algérie) ont fait sauter de joie des millions d’Algériens qui, il y a un peu plus d’un mois, se sont soulevés en masse contre un régime dictatorial, militaire qui dirige le pays en main de fer.
La Coupe d’Afrique des Nations a été une immense opportunité pour un peuple meurtri (par une guerre civile en 1990, par une corruption endémique, par le népotisme et le marasme économique) de regagner enfin le sourire. Les Algériens ne s’en sont pas privés. La CAN 2019 a eu des vertus thérapeutiques pour un peuple malade de ses dirigeants.
Mais, vue sous un autre angle, la Coupe d’Afrique des Nations a été un véritable cauchemar pour une partie de la France, notamment l’Extrême-Droite qui n’a jamais cessé de pointer du doigt le manque de patriotisme des citoyens algériens sur son territoire. Pour l’Extrême-Droite, du début jusqu’à la fin de la fin de la CAN 2019, chaque victoire de l’équipe d’Algérie est perçue comme une provocation de plus.
Les vacarmes provoqués par des supporters en liesse, les pillages, les pétards qui retentissent un peu partout dans les villes de France mais aussi et surtout le drapeau algérien, le seul brandi par des milliers de supporters euphoriques sur le sol français ont fini par exaspérer une partie de la France qui en a ras-le-bol des « Arabes ».
Dans la droite, des réactions acerbes, parfois frisant la xénophobie, ont accompagné chaque victoire des Fennecs. « J’étais meurtri de voir des Français arracher le drapeau français et brandir le drapeau algérien. J’ai envie de dire à ces jeunes, minoritaires : la France vous a accueillis, nourris, éduqués, soignés, mais si vous préférez l’Algérie, si c’est mieux que la France, allez-y ! », réagissait Nicolas Dupont-Aignan, le soir même du sacre de l’équipe d’Algérie.
Le soir même de la victoire des Fennecs, Marine Le Pen n’avait pas hésité à s’adresser aux Français dans une vidéo dans laquelle elle dénonçait les violences engendrées par des supporters algériens. Nul besoin de retranscrire l’intégralité de son discours. Les expressions utilisées par la présidente du RN parlent d’elles-mêmes : « agressions », « importation dans les villes françaises des pratiques de non droit », « actes anti-français », « hordes de barbares », « échec de l’intégration »…
Ce qui a le plus retenu mon attention dans son discours a été l’extrapolation faite par Marine Le Pen. En effet, de la dénonciation des actes de violence perpétrés par un groupuscule de supporters algériens, elle passe à la mise en place d’une politique d’immigration efficace en France afin d’éviter que de tels dérapages ne se reproduisent.
« (…) L’anarchie que nous constatons dans certains quartiers, c’est l’échec de l’intégration. Cette intégration qu’on nous a tant vantée, mais qui se retourne aujourd’hui contre la France chez elle. Cette situation appelle à un arrêt immédiat de toute nouvelle immigration et un changement strict de politique. Les fauteurs de trouble étrangers doivent être expulsés. Les binationaux qui se livrent à des actes anti-français doivent être déchus de leur nationalité et renvoyés. (…) Il est temps de siffler la fin de cette partie, de cette inadmissible troisième mi-temps que nous ne voulons pas revoir », déclare-t-elle.
Je note que la victoire des Algériens pose d’autant plus de problèmes qu’au-delà des innombrables actes de vandalisme notés dans quelques villes de France, des citoyens lambda y ont perdu la vie. Des morts attribuées à des supporters algériens. En effet, le 12 juillet, une famille a été fauchée à Montpelier par un supporter que les médias ont présenté comme un ressortissant algérien. Une femme accompagnée de ses enfants y a perdu la vie.
Et ce ne fut pas le seul drame qui indigne les Français. Ce 20 juillet, la mort de Mamoudou Barry, un brillant universitaire africain d’origine guinéenne, aurait également été causée par un supporter algérien qui l’aurait traité de « sale nègre » avant d’écraser sa tête contre le sol. L’enquête est en cours et on en saura un peu plus dans les jours qui viennent.
Nulle loi n’interdit que des citoyens d’origine étrangère puissent célébrer leur joie dans les rues de la France. Toutefois, personne n’est prêt à cautionner des débordements et des dérapages qui sont du fait de quelques chenapans qui profitent de ces moments uniques (et qui se produisent qu’une fois sur vingt ans) pour transformer les rues de ce pays en une jungle ouverte où les lois de la République sont bafouées, où les forces de l’ordre sont insultées et agressées et où le seul fait de brandir le drapeau français ou celui de l’équipe adverse suffit pour mettre sa propre vie en danger.
La CAN 2019 a eu le mérite de confirmer que la plaie béante entre la communauté algérienne vivant en France et population française autochtone ne s’est toujours pas refermée et que, je vous le dis, si rien n’est fait pour mettre de l’ordre, la moindre erreur suffira pour créer l’irréparable.
Une confrontation Algérie vs France lors d’un match décisif d’une Coupe du Monde serait probablement l’occasion rêvée par ces petits brigands pour mettre le pays à feu et à sang et donner du grain à moudre à quelques politiciens véreux qui, depuis plus de deux décennies, ont réussi, par la manipulation et la propagande, à instaurer un climat de tension en mettant tout le monde dans le même panier.
Oui, il faut bien distinguer ces groupuscules de violents supporters algériens de ces milliers d’Algériens très bien intégrés dans ce pays, qui aiment la France plus que leur pays d’origine et qui sont prêts à la défendre en cas de menace. On les trouve dans les administrations publiques ou privées, dans l’armée, dans la police, dans la gendarmerie, dans les entreprises…
La CAN 2019 a réconforté la position du Rassemblement National, non seulement sur la question des relations entre Communauté Algérienne et Français de souche, mais aussi la question de l’immigration musulmane dans ce pays. Les débordements de supporters algériens lors de la CAN ont-ils été un cauchemar pour l’Extrême-Droite ou ont-ils joué en sa faveur ? Les réponses seront légion. Une chose est en tout cas sûre : elle a remis sur la table la question de la difficile coexistence d’un couple divorcé qui partage encore le même appartement.