L’Amérique Latine est entrée en transe et tout cela risque de très mal finir. En effet, il y a tout juste un mois, le président chilien, Sebastian Pinera, avait annoncé l’annulation de deux événements majeurs que devait accueillir son pays : la COP25 et le Sommet de l’Asie Pacifique auquel devaient participer les présidents des Etats-Unis et de la Chine.
Quelques mots plutôt, en janvier dernier plus précisément, le Venezuela était en ébullition. En effet, l’opposant Juan Guaido, soutien des Etats-Unis contre le régime de Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez, s’était autoproclamé président du pays et avait été reconnu officiellement par l’administration Trump.
Il y a 12 jours, l’ex président bolivien, Evo Morales, était contraint à l’exil au Mexique alors qu’il cherchait désespérément à briguer un 4ème mandat, après avoir dirigé le pays pendant 13 ans. Depuis son arrivée au Mexique où il a trouvé refuge, l’ex président dénonce un coup d’Etat contre lui et prévient des risques de guerre civile sur fond d’extermination de la communauté indigène (à laquelle il appartient) en Bolivie.
Ce vendredi, c’est la Colombie qui est secouée par une vague de protestations extrêmement violentes qui risquent d’affaiblir considérablement Ivan Duque, actuel président du pays qui avait promis durant sa campagne présidentielle de réformer la Colombie. Toutefois, la réalité est tout autre car, à peine arrivé au pouvoir, il est très vite sanctionné par un peuple à bout.
Dans les quatre pays que je viens de citer, même si la nature des manifestations contre le régime est différente, personne ne nie qu’il y a un malaise vis-à-vis des dirigeants. Dans le cas du Chili, le régime de Pinera fait face à une vague de protestations contre la hausse des prix des billets de métro et l’inégalité sociale qui gagne du terrain ; au Venezuela, l’opposition dénonce un Maduro ivre de pouvoir qui refuse toute succession ; dans le cas de la Bolivie, Evo Morales a été victime de sa politique de nationalisation des ressources naturelles du pays (le lithium) et en Colombie, la politique sociale du président est à l’origine de la colère.
Dans les quatre cas de figure (Chili, Venezuela, Bolivie et Colombie), il y a tout de même un point commun : l’entrée en lice de l’armée pour résoudre des problèmes purement politiques, même s’il faut bien préciser que, sauf dans le cas de la Bolivie, l’armée a été sollicitée par les dirigeants politiques pour réprimer dans le sang toute tentative de défier le pouvoir. Au Venezuela, Maduro a besoin de l’armée pour assurer sa continuité au pouvoir, en Chili, Pinera a fait appel à l’armée afin de sauver son pouvoir et en Colombie, le pouvoir dit avoir alerté l’armée en cas de débordement.
Certains verront dans ces différentes crises qui secouent l’Amérique Latine la main des Etats-Unis, le gendarme du continent, la puissance politique et militaire qui, depuis la Doctrine Monroe de 1823, avait fait de l’Amérique sa chasse gardée. Dans le cas de la Bolivie et du Venezuela, l’ingérence des Etats-Unis pour faire tomber des régimes qui ne sont pas à leur goût a été claire et nette. Pour ce qui est du Chili et de la Colombie, j’ai encore des doutes.
Une chose est sûre : ces vagues de protestations qui secouent l’Amérique du Sud depuis bientôt quelques mois et de manière très intense doivent nous alerter sur les dangers que courent ces régimes pour la plupart totalement corrompus, soumis aux forces étrangères et clairement désavoués par leur peuple. La ressemblance avec l’Afrique est assez frappante. S’il y a une seule différence, elle se trouve dans la réactivité du peuple sud-américain à déclarer la guerre à ses dirigeants quitte à mettre en danger sa propre vie.
Dans les quatre cas que j’ai cités dans cette analyse (Chili, Venezuela, Bolivie et Colombie), il est évident que le peuple n’exige pas seulement un changement de régime ou de politique. Il veut aussi vivre dignement des ressources naturelles (pétrole, lithium, gaz…) que la nature lui a offertes. Qu’on le veuille ou pas, les multinationales occidentales ont une énorme part de responsabilité dans les crises qui frappent ces pays. Et il arrive un moment où il ne faut surtout pas s’étonner que le peuple réponde avec violence.
La mondialisation et le capitalisme sauvage sont en train de provoquer, partout où ils passent, colère, déception, marasme économique et précarité. Et, après plusieurs décennies d’accalmie, l’Amérique Latine n’est plus épargnée. Comme en Afrique, cette partie du continent américain en a marre des inégalités sociales, de la violence, de l’impunité face aux narcotrafiquants, de la corruption systémique, du népotisme et d’une élite politique qui ne veut surtout pas abandonner ses privilèges.
Cette colère peut très mal finir si des solutions ne sont pas trouvées.