« Si vous avions eu la confiance que le président n’avait pas clairement commis un crime, nous l’aurions dit ». Cette phrase prononcée par Robert Mueller dans un discours prononcé ce mercredi 29 mai et qui a été suivi par plusieurs millions d’Américains, restera à jamais gravée dans la mémoire collective.
La déclaration de Robert Mueller était largement attendue par des millions d’Américains tenus en haleine par la fameuse affaire « Russian Dossier » (Dossier Russe). Mueller avait en effet été nommé il y a deux ans au poste de procureur spécial pour mener une enquête sur une éventuelle collusion entre Donald Trump et la Russie accusée d’avoir favorisé la victoire de Trump à la présidentielle américaine de 2016.
Le rapport final d’une enquête ayant duré deux ans avait été finalement soumis au ministère de la Justice par Robert Mueller le vendredi 22 mars 2019. Plus d’un mois plus tard, le rapport a été partiellement publié et les premières conclusions de l’enquête donnaient une victoire aux Républicains qui, dans leur interprétation dudit rapport, affirmaient qu’il n’y avait ni « collusion, ni obstruction ».
« Nous avions dit qu’il n’y avait aucune collusion entre la campagne de Trump et la Russie et nous avions eu raison. Nous avions également dit qu’il n’y avait pas d’obstruction et cela est vrai. Nous sommes très, très heureux. Nous pensons que ceci est une victoire totale pour le président », avaient réagi les avocats de Trump.
Pendant presque deux mois, les Républicains n’ont cessé de crier victoire, dénonçant une volonté des Démocrates de vouloir à tout prix destituer un président démocratiquement élu en se basant sur des allégations mensongères. Mais, la joie ne pouvait être que de courte durée. Désormais, le soulagement a carrément changé de camp.
En effet, ce mercredi, après la déclaration de Mueller, les interprétations sont allées bon train. Quand Mueller dit : « si vous avions la confiance que le président n’avait pas clairement commis un crime, nous l’aurons dit », Robert Mueller n’insinue-t-il pas qu’il dispose de preuves suffisantes que Trump a bien commis un crime ? Cette question est d’autant plus légitime que Mueller a lui-même fait savoir qu’il était impossible pour son équipe de poursuivre Trump en raison de son immunité présidentielle.
Autrement dit, si Trump n’avait pas été président, il aurait été poursuivi. En tout cas, telle est l’interprétation des Démocrates qui, depuis deux ans, ont tout fait pour empêcher Trump de gouverner. La déclaration de Mueller marque une étape charnière dans un conflit qui a opposé Démocrates et Républicains depuis le début du mandat. Sa déclaration pourrait en effet donner lieu à un « Impeachment » pour destituer Trump.
Les démocrates jubilent. Mueller a offert aux Démocrates une immense opportunité pour neutraliser le président. « Le procureur général (Mueller) a clairement démontré que le président ment. Il ment sur les conclusions du rapport Mueller, il ment sur les témoignages clés dans le rapport du procureur et surtout il ment en disant que le procureur général n’a trouvé ni obstruction, ni collusion », a déclaré Jerry Nadler, président du comité judiciaire de la Chambre des Représentants.
Dans son discours, Nadler souligne que les choses sont désormais entre les mains du Congrès, un congrès où les Démocrates n’ont qu’une seule volonté : destituer Donald Trump. « Il revient au Congrès de répondre aux crimes, aux mensonges et autres délits commis par le président Trump. Nous le ferons. Détrompez-vous. Personne, ni même le président des Etats-Unis, n’est au-dessus de la loi », a-t-il indiqué.
Parlant d’une éventuelle destitution de Trump, Nadler est clair : « en ce qui concerne la destitution de Trump, toutes les options sont sur la table et rien n’est écarté ». Cette destitution a aussi été évoquée par Nancy Pelosi, speaker de la Chambre. « Beaucoup veulent destituer le président, mais nous voulons bien faire les choses et obtenir des résultats », a-t-elle fait savoir ce mercredi.
Le discours de Mueller a créé ce mercredi une véritable guerre médiatique entre médias pro-Trump et anti-Trump. En tout cas, pour Fox News, média pro-Trump, il n’y a aucun doute que Mueller invite le Congrès à enclencher la procédure de destitution du 45ème président des Etats-Unis.
En effet, dans un édito publié ce mercredi et intitulé : « Mueller veut que les Américains croient que Trump est un criminel et qu’il revient au Congrès de le destituer », le journaliste de Fox News Joseph diGenova s’est sévèrement attaqué à Mueller. « Ce qu’il faut retenir du discours de Mueller est qu’il a désespérément voulu abattre Trump, sauf qu’il n’a pas trouvé le moyen de le faire », s’agace-t-il.
Et d’ajouter : « (…) Mueller a essayé de convaincre le peuple américain que leur président démocratiquement élu est un criminel qui ne pouvait être poursuivi en raison d’un détail technique, et qu’il revient en conséquence au Congrès de le destituter ». Le journaliste accuse Mueller d’avoir enclenché la procédure de destitution de Trump.
Dans la presse anti-Trump, on reproche aux Démocrates leur lâcheté en refusant de destituer le président alors qu’ils ont désormais toutes les armes pour le faire. En effet, dans un édito intitulé : « les déclarations de Robert Mueller font passer les Démocrates pour des lâches », le journaliste de NBC News, Kurt Bardella, reproche aux Démocrates leur pusillanimité.
« Le peuple américain a donné aux Démocrates au Congrès une majorité en novembre dernier pour faire plein de choses. Ils ont de nombreux pouvoirs (…) dont celui de destituer le président. (…) Mais, en gros, le rapport de Mueller a souligné la lâcheté des Démocrates quand il s’agit d’utiliser ces pouvoirs que les électeurs leur ont conférés », écrit Kurt Bardella.
La déclaration de Mueller, la première depuis le début de l’investigation, est d’autant plus dangereuse pour Trump que le procureur général a évoqué dans son discours que le Congrès a désormais la voie libre pour destituer le président. « La Constitution exige une procédure autre que le système juridique pour formellement accuser un président en exercice de délit », dit Mueller.
Autrement dit, il donne au Congrès le feu vert pour abattre Trump. Les Démocrates enclencheront-ils la procédure pour destituer le 45ème président américain ? Le temps nous le dira. Une chose est sûre : la déclaration publique de Mueller (qui a démissionné de son poste ce mercredi) peut bien marquer la fin de Trump, un Trump qui pensait avoir remporté une bataille ardue contre l’opposition démocrate.