Dans un post que j’ai publié sur Facebook il y a moins de 48 heures, j’ai rappelé une citation de Paul Valéry, grand intellectuel français du 20ème siècle qui, en 1919 dans « La Crise de l’Esprit » écrivait ceci : « nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortels ».
Je disais que cette affirmation de l’un des plus grands écrivains français de l’Histoire n’a jamais été aussi véridique qu’aujourd’hui, au moment où l’Occident (la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Portugal…) est dans une course contre la montre pour éliminer la présence d’un virus mortel qui a déjà décimé, en un temps record, des milliers d’êtres humains.
Je tiens à préciser que les taux de mortalité très élevés enregistrés ces dernières heures ne nous proviennent pas d’Afrique, ni du Moyen-Orient, encore moins de l’Amérique Latine ou d’une partie de l’Asie, des endroits du monde longtemps oubliés du partage des richesses, totalement marginalisés et où la pauvreté, la misère et la vulnérabilité des Etats font que la moindre épidémie peut facilement emporter des milliers de vies humaines.
Pour la première fois depuis plusieurs décennies (je dirais même plusieurs siècles), l’Occident tremble. Le virus se propage avec une rapidité impressionnante. Désormais, il n’épargne personne : ni enfants, ni adolescents, ni adultes et chez les personnes âgées, il sévit violemment. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, l’Homme occidental en arrive à la conclusion qu’il est tout aussi vulnérable que toute la misère du monde qu’il refuse d’accueillir chez lui.
En effet, l’Occident a toujours regardé ces détresses et ces angoisses face à la mort de très loin. Et la misère et les malheurs quotidiens des peuples marginalisés, l’Homme occidental les a toujours regardés sous un angle très égoïste. Ainsi, pour beaucoup d’Occidentaux, tant que la mort ne touchait que les « pays de merdre » (pour reprendre une expression attribuée à Trump), tout allait bien.
Que ces gens meurent par centaines ou par milliers écrasés par des bombes fabriquées et vendues par le complexe militaro-industriel occidental était le cadet de ses soucis. Et quand il réagissait à ces malheurs quotidiens des peuples marginalisés, c’est souvent pour exiger avec arrogance que son gouvernement ferme toutes les frontières et qu’on laisse « ces gens-là » se démerder tous seuls entre eux. Ironie du sort, aujourd’hui, un certain nombre de pays dont les Etats-Unis lui interdisent l’entrée à son territoire. Qui l’aurait cru ?
L’exemple le plus récent de cette arrogance de l’Homme occidental a été sa réaction au tout début de la naissance du Coronavirus. En effet, lorsque la Chine enterrait toute seule ses morts et confinait une partie du pays dans des conditions parfois inhumaines afin d’éliminer le danger, la réaction de beaucoup de puissances occidentales a été de rapatrier les siens. Je ne dis pas que ce fut une mauvaise idée. Toutefois, je déplore que très peu de pays, voire aucun, n’ait apporté son soutien logistique ou moral à la Chine. Le HashTag « Je suis Chinois », s’il a été promu, a tout de même eu un retentissement médiatique très, très faible.
En 2015, quand Charlie Hebdo a été frappé par un attentat terroriste, le HashTag « Je suis Charlie » avait fait le tour du monde en moins de 24 heures. Et celles et ceux qui osaient exprimer une opinion différente (les Anti-Charlies) étaient pointés du doigt et très vite jugés et condamnés à mort socialement. Ainsi, des journalistes, des chercheurs et autres y ont perdu leur travail. Mais, la consigne était simple à comprendre : quand l’Occident est touché, le monde doit en pleurer.
Quand la Chine a été touchée par le Coronavirus, il y a eu très peu de soutiens apportés à ce pays. Et pire, les Chinois qui vivaient en Occident et qui étaient en aucun cas porteurs du virus ont été immédiatement ostracisés, isolés et victimes d’insultes racistes d’une rare violence. L’Homme occidental avait aussi réagi de la sorte en 2015 envers les Africains au tout début de l’épidémie d’Ebola.
Depuis plus de 50 ans, depuis l’Occident, on a regardé, avec une indifférence presque totale, les malheurs des autres. Leurs guerres contre l’ennemi venu de l’extérieur, leurs guerres contre les virus qui sont souvent introduits dans leur territoire dans une logique de guerre biologique, leurs guerres contre le terrorisme… ont suscité très peu d’indignations en Occident et les médias les ont volontairement oubliés.
L’arrogance est le pire défaut de l’Homme occidental et, certainement elle le mènera à sa chute. L’Egypte, Babylone, l’Empire Romain, l’Union Soviétique, l’Allemagne nazie… ont été des puissances mondiales ayant dominé le monde ou une partie de celle-ci pendant plusieurs décennies. Et malgré tout cela, elles ne sont pas restées des puissances éternelles. L’Histoire nous a appris comment elles ont fini.
Doté des plus grands laboratoires du monde, des plus grands scientifiques (mathématiciens, physiciens, chimistes, biologistes) au monde et d’une impressionnante avancée technologique qu’aucun peuple au monde n’avait réalisée, l’Occident pensait avoir la maîtrise de tout et la réponse à tout. Il se croyait infaillible jusqu’à ce qu’un virus vienne remettre en question le sentiment de supériorité sur les autres qu’il a toujours entretenue.
Face à la mort, nous sommes tous logés à la même enseigne. Et c’est ce que le Coronavirus nous apprend. De cette pandémie qui fait trembler le monde entier, nous avons l’obligation d’en tirer des leçons. A partir d’aujourd’hui, nous devons être plus humains, moins égoïstes et plus altruistes.
Nous ne devons jamais nous réjouir du malheur des autres comme nous l’avons fait à plusieurs reprises et nous avons l’obligation de les écouter, de comprendre les vraies raisons qui expliquent qu’ils décident d’abandonner leurs pays à la recherche d’une vie meilleure en Occident. Nous sommes tous dans le même bateau et si jamais il coule, il risque de n’avoir aucun survivant. Apprenons à nous aimer, à nous respecter, à nous entre-aider. N’est-ce pas l’essence même de notre existence sur terre ?
L’Occident sait désormais à quoi ressemble la vie des pauvres peuples qu’il a toujours méprisés, qui se battent quotidiennement dans des conditions inhumaines pour manger, boire, trouver de quoi nourrir leurs enfants et qui, lorsque des épidémies font rage, sans trop de choix, n’ont que la prière et l’espoir pour se consoler.
Leurs cris, leurs pleurs, leurs angoisses quotidiennes et leurs larmes ont longtemps totalement occultés par les médias qui n’en parlent que pour répondre à un agenda mis en place par leurs maîtres. Le Coronavirus nous apprend que nous devons nous mettre un peu à leur place. Peut-être, aurions-nous la chance de faire de ce monde un endroit meilleur.