Le peuple sénégalais à nouveau poignardé dans le dos. Aliou Sall, frère du président sénégalais, Macky Sall, a obtenu un non-lieu alors que son nom avait été signé dans un grave scandale de corruption qui, en 2019, avait défrayé la chronique peu avant les élections présidentielles.
L’affaire dite « Petro-Tim », révélée pour la première fois dans un documentaire de la BBC, avait permis à des millions de Sénégalais d’avoir une idée de la dilapidation des ressources naturelles du pays (pétrole et gaz) par le pouvoir en place au profit de géants pétroliers dont BP (British Petroleum).
Les faits étaient d’une gravité extrême car dans la révélation, la chaîne britannique avait dénoncé une transaction de 250 000 dollars de la part de l’entreprise spécialisée dans les hydrocarbures Petro-Tim à la société Agritrans, une société contrôlée par Aliou Sall, le frère du président.
Nous avons tous compris que l’argent versé à cette « Société écran » relève purement de la corruption car l’objectif final a été de soudoyer le frère du président afin d’obtenir l’attribution de deux champs pétroliers et gaziers. Je n’entrerai pas dans les détails d’une transaction extrêmement complexe qui avait alimenté la chronique en 2019. Pour celles et ceux qui veulent en savoir davantage, toutes les informations sont disponibles sur le lien suivant.
Cependant, s’il y a vraiment un détail qui m’attriste dans cette affaire, c’est l’absence notoire de volonté de la justice sénégalaise à faire la lumière sur l’un des plus gros scandales de corruption que le pays ait connu. En effet, sauf erreur de ma part, aucune perquisition n’a été menée chez le mis en cause. Au contraire, pendant tout le scandale, Aliou Sall n’a jamais été inquiété par une justice aujourd’hui totalement à la botte de son frère hyper-président qui, depuis l’avènement du Covidd-19, détient les pleins pouvoirs.
Ce qui est inquiétant dans cette affaire n’est point la démission de la justice, mais plutôt celle des députés de la nation censés défendre les intérêts du peuple. En effet, je tiens juste à faire remarquer que dans les grandes démocraties, il existe des commissions d’enquête dont la mission principale consiste à convoquer tout mis en cause à rendre des comptes au peuple dans une affaire aussi sérieuse.
Les exemples sont légion, mais permettez-moi d’en citer quelques-uns. En France, en 2018, l’audition d’Alexandre Benalla a été retransmise en direct à la télévision, en Espagne, en 2017, le premier ministre, Mariano Rajoy, a été entendu par les juges dans une affaire de corruption dans laquelle son nom a été cité et aux Etats-Unis, en 2019, lorsque Facebook avait été accusé de collecter sans droit des données privées des citoyens sans leur consentement, Mark Zuckerberg a été publiquement entendu par une commission d’enquête du Congrès américain.
Dans ces grandes démocraties, nul n’est au-dessus de la loi et tout citoyen qui l’enfreint est tenu de s’expliquer, ne serait-ce que par respect au peuple qui est l’unique dépositaire du pouvoir. Dans l’affaire Pétro-Tim, je reconnais qu’Aliou Sall a certes été auditionné. Mais, par qui? En tout cas, pas par le peuple, mais plutôt par un cénacle de juges qui mangent dans la main de son frère. D’ailleurs, il ne nous a pas échappé qu’à sa sortie de la salle, il a catégoriquement refusé de s’expliquer face à la presse.
C’est déplorable de constater le mépris du pouvoir actuel à l’endroit du peuple. Aucune information n’a été donnée au peuple sur l’avancée de l’enquête, aucune mesure n’a été prise pour réconforter le peuple dans sa volonté de connaître la vérité. Tout s’est fait entre quatre murs et dans la plus grande opacité car l’objectif final était d’embrouiller les pistes pour finalement obtenir l’acquittement d’un homme dont l’implication dans cette affaire ne fait l’ombre d’aucun doute.
Personnellement, le non-lieu annoncé ne me pose aucun problème d’autant plus que j’étais persuadé que c’était le sens naturel des choses. D’ailleurs, il fallait être très naïf pour penser une seule seconde qu’Aliou Sall finirait derrière les barreaux. Toutefois, ce qui me sidère est que des opposants au pouvoir en place ont été sacrifiés sans que des preuves de ce dont ils ont été accusés ne soient apportées par la même justice. L’affaire Khalifa Sall et Karim Wade reste encore gravée dans les mémoires.
Aliou Sall est donc totalement acquitté par la justice sénégalaise alors qu’il y a des éléments qui attestent qu’il est bien impliqué dans un grave scandale qui aurait valu la prison à vie à tout autre opposant au pouvoir. Pire, dans la presse, on affirme que son frère président cherche à le caser au CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) confié à l’opportuniste Idrissa Seck.
Ce scandale d’Etat qui devait faire tomber des têtes au plus haut sommet de l’Etat est assez révélateur de la crise démocratique dans laquelle est plongé ce pays depuis plusieurs années. En effet, tous les piliers qui sous-tendent la démocratie se sont effondrés en si peu de temps et la justice ne se cache plus de marcher main dans la main avec le pouvoir en place dont elle valide tous les desiderata, y compris les plus odieux.
De toute façon, l’issue finale de cette affaire ne devrait surprendre personne car en février 2020, le ministre de la Justice, Malick Sall, avait annoncé avoir dissout son mouvement MTM pour l’intégrer à l’APR, parti présidentiel. Et cela veut tout dire.
Celles et ceux qui cherchaient encore des preuves de connivence entre le pouvoir et la justice ont désormais la réponse. A chacun d’en tirer les leçons!