La France est en train de perdre son influence politique et économique en Afrique. C’est un secret de polichinelle et les récents événements qui se déroulent sur ce continent ne font que le confirmer.
Chronologie des faits. Le 18 août 2020 : un coup d’Etat militaire au Mali avait évincé l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qui sera substitué par un gouvernement militaire dirigé aujourd’hui par Assimi Goîta. Le 23 janvier 2022 : un coup d’Etat militaire au Burkina Faso renverse l’ancien président Marc-Christian Kaboré qui sera destitué et remplacé par le soldat Ibrahim Traoré. Et ce 27 juillet 2023, un coup d’Etat perpétré contre le président du Niger, Mohamed Bazoum, prend de court la communauté internationale.
Cueillies à froid, l’Union Européenne et la France annonceront immédiatement une série de sanctions contre les commanditaires. Mais, trop tard! Le président Mohamed Bazoum, très proche de la France, est évincé et le Niger est désormais totalement contrôlé par un gouvernement militaire dirigé par le général Abdourahmane Tchiani. Entre-temps, les relations entre la France et la Centrafrique sont carrément au bord de la rupture.
Tous ces coups d’Etat militaires susmentionnés ont un point commun : le rejet de la présence militaire française sur leur sol. Au Mali et au Burkina Faso, des dirigeants politiques de premier plan sont allés jusqu’à accuser la France (sans fournir de preuves) d’être en connivence avec les terroristes présents sur leur territoire. Des accusations extrêmement graves qui insinuent que Paris chercherait ainsi à instaurer le chaos pour ensuite faire main basse sur les ressources naturelles dont regorgent ces pays. En Centrafrique, depuis deux ans, le gouvernement dirigé par Faustin-Archange Touadéra se vante d’avoir tissé d’excellentes relations avec la Russie de Poutine et reproche à la France de Macron de vouloir l’infantiliser en tentant, à tout prix, de saborder ses liens avec Moscou.
Jusque-là, tout va bien. Les putschistes arrivés au pouvoir à coups de fusils tentent de légitimer leur mandat politique face à une colère d’une partie de leur population et de la communauté internationale qui leur demande de rejoindre les casernes et de céder leur place aux civils. Au Mali et au Burkina Faso, en faisant jouer la fibre patriotique, ils ont réussi à se maintenir au pouvoir et à chasser les militaires français qu’ils accusent ouvertement de faire le jeu des Djihadistes. La France n’a jamais su digérer ses humiliations, mais a préféré avaler des couleuvres pour garder ses intérêts dans un continent qui est stratégique pour sa survie.
Toutefois, le coup d’Etat survenu ce 27 juillet 2023 contre le président Bazoum du Niger est celui qui a le plus fait mal à la France pour deux raisons :
- chassés du Mali et du Burkina Faso au profit des soldats russes de Wagner, les militaires français avaient trouvé refuge au Niger où ils ont été invités par le président Bazoum pour lui prêter main forte dans sa lutte contre le terrorisme qui gagne du terrain au Sahel. La présence de l’armée française dans ce pays d’Afrique était hautement stratégique pour la France en raison de son positionnement géographique. En effet, entouré au Nord par la Libye (en guerre depuis 2012), au Sud par le Nigeria (où règne le groupuscule terroriste Boko Haram), à l’Ouest par le Mali (où des groupes armés sèment la terreur depuis 2012) et à l’Est par le Tchad (en proie à une instabilité politique depuis plusieurs années), le Niger peut très vite se transformer en une poudrière. Et un tel scénario n’arrange guère les affaires de la France qui compte énormément sur l’urinium de ce pays pour alimenter ses 56 réacteurs nucléaires répartis dans 18 centrales.
- L’uranium. Il faut dire que le putsch orchestré par un quarteron de militaires pour évincer le président Bazoum est un coup de massue porté à Emmanuel Macron qui a d’ailleurs très vite réagi en convoquant un conseil de Défense, ce qui n’arrive que lorsque l’Etat français fait face à une grave menace. En effet, il convient de préciser que le Niger reste l’un des pays les plus stratégiques dans l’approvisionnement de l’uranium pour Paris et l’Europe. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, l’approvisionnement de l’uranium du Niger à l’Europe représentait 24,26%, loin devant le Kazakhstan (22,99%) ou encore la Russie (19,69%). Concernant l’approvisionnement de l’uranim pour la France, la dépendance de l’Hexagone est indéniable. Sur les 6 286 tonnes d’uranium importées en France en 2020, 34,7% provenaient du Niger. Le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et l’Australie représentent respectivement 28,9%, 24,6% et 9,9%.
Nul besoin d’aller plus loin. La réaction épidermique de Macron qui a très vite annoncé des sanctions contre les militaires au pouvoir est la confirmation que Paris a compris qu’il risque gros dans cette affaire, d’autant plus que les putschistes nigériens se sont très clairement présentés comme hostiles à la France qu’ils accusent ouvertement d’avoir violé l’espace aérien de leur pays.
Depuis quelques heures, en France, les médias et le pouvoir tentent de minimiser les faits en produisant un narratif fallacieux destiné à apaiser l’opinion publique, en lui faisant croire que la perte de l’uranium du Niger ne pourrait en aucun cas constituer une grave menace pour le pays et que Paris pourrait facilement, s’il le souhaite, trouver d’autres partenaires ailleurs à des prix plus abordables. Pourtant, la réalité dit tout le contraire.
La perte de l’uranium du Niger impactera-t-elle négativement l’économie française? Les putschistes au pouvoir suivront-ils l’exemple du Mali et du Burkina Faso en se tournant vers la Russie de Poutine, devenu le nouveau chouchou de la jeunesse africaine anti-impérialiste? En perdant ses alliés clés en Afrique, la France ne court-elle pas le risque de passer d’une puissance mondiale à un Etat normal totalement isolé de la scène politique internationale?
Le temps nous le dira.