Les événements de ce 5 septembre ont cueilli tous les analystes politiques à froid.
Ce qui s’est produit ce dimanche en Guinée, pays où un coup d’Etat militaire a été mené par l’armée pour évincer Alpha Condé du pouvoir, ne pouvait être prédit que par les hommes du groupement des forces spéciales guinéennes (GFS), les seuls qui ont su le concocter dans le plus grand secret.
Alpha Condé a donc été évincé du pouvoir par une unité d’élite, dirigée par Mamady Doumbouya, un homme jusqu’ici méconnu du grand public, du moins à l’étranger. Formé par la France, il a été rappelé pour commander le groupement des forces spéciales du pays. C’est en 2018 que les Guinéens le découvrent lors d’un défilé militaire.
Nul besoin d’entrer dans les détails de ce putsch savamment orchestré. En tout cas, toute l’Afrique a pu consulter les images de l’arrestation surréaliste du président Condé, l’air hagard et entouré de soldats encagoulés et lourdement armés. Des images dignes d’un film de Hollywood.
Mais, derrière cette scène surréaliste à laquelle nous avons eu droit, il y a une toute autre réalité. En effet, le coup d’Etat militaire (à se demander si l’on peut vraiment parler de coup d’Etat dans ce contexte précis) semble être l’aboutissement de plusieurs années de luttes en Guinée pour libérer ce pays des griffes d’un régime corrompu, despotique et autoritaire qui a fini par instaurer le culte de la personnalité, en faisant d’Alpha Condé le seul et unique centre de gravité autour duquel tournent toutes les forces du pays.
Le message (de l’armée) adressé aux forces vives de la nation quelques heures après l’arrestation du président sonne comme un coup de semonce adressé aux chefs d’Etat africains qui rêvent de briguer un troisième mandat, en violant ostensiblement la Constitution de leur pays. En Afrique de l’Ouest, Macky Sall et Alassane Ouattara ne doivent pas être insensibles aux événements de ce dimanche.
En effet, dans un discours prononcé depuis la radio nationale, le nouvel homme fort de la Guinée, Mamady Doumbouya, n’a pas mâché ses mots. « La personnalisation de la vie politique est terminée », a-t-il martelé. Et de poursuivre plus loin : « nous allons engager une concertation nationale pour une transition inclusive et apaisée. Plus personne ne doit mourir pour rien ».
Il faut rappeler que le 18 août dernier, nous avons eu droit à un scénario similaire au Mali où une partie de l’armée est allée cueillir le président IBK (Ibrahim Boubakar Keïta) chez lui avant de le contraindre à démissionner. Au Sénégal, l’armée ne s’est toujours pas manifestée publiquement alors que les rumeurs sur un éventuel troisième mandat de Macky Sall provoquent un vif tollé dans la sphère politico-médiatique. Cependant, suite à ce qui vient de se produire au Mali et en Guinée, Macky Sall, qui a été très fragilisé par les événements de mars dernier, aurait intérêt à mettre de côté toute velléité de s’éterniser au pouvoir.
La réalité actuelle est celle-ci : en Afrique, la nouvelle génération de militaires (patriotes) en a marre de cautionner les dérives anti-démocratiques et totalitaires des pouvoirs auxquels elle est soumise. Désormais, le message est clair : tout chef d’Etat qui s’entête à s’agripper au pouvoir devra s’attendre à le perdre, et de la plus vile des manières.