Il y a deux semaines, les médias occidentaux, déguisés d’un humanisme assez étrange d’ailleurs, avaient jeté leur dévolu sur l’Afrique, prédisant des millions de morts si les géants de la pharmacie tardaient à trouver un vaccin pour sauver les Africains. Ce que ses oiseaux de mauvais augure n’avaient probablement pas compris est que le problème numéro 1 de l’Afrique dans la lutte contre le Covid-19 est plutôt le confinement, mesure imposée à des millions de populations en Occident pour ralentir la propagation du virus dans le monde.
Pris de panique et en manque de solutions (comme dans tous les problèmes auxquels le continent est confronté), les dirigeants africains n’ont pas voulu chercher de midi à 14 heures. Ils ont très vite avalé, sans se poser mille questions, les méthodes occidentales pensant que l’unique remède contre le Covid-19 était, comme l’ont fait l’Italie, l’Espagne, la France et la Grande-Bretagne, d’imposer une mise en quarantaine dans un continent où des millions d’individus se démènent quotidiennement pour joindre les deux bouts.
L’Afrique a commencé à confiner ses populations sous la pression de l’OMS (Organisation Mondiale de Santé) mais aussi de l’ONU, deux institutions qui n’ont d’ailleurs pas hésité à appuyer sur le bouton « panique » lorsque les premiers cas de Covid-19 ont fait leur apparition sur le continent.
Ce confinement est nécessaire en Afrique. Je dirai même obligatoire pour juguler la propagation rapide du virus et sauver ainsi des milliers, voire des millions de vies. Cependant, il est loin d’être la panacée. En effet, le nombre de cas se multiplie presque tous les jours sur le continent et le taux de mortalité va grandissant.
Le confinement inflige à l’Afrique une double peine : sur le plan sanitaire mais aussi économique. Mais surtout économique. Car, dans un continent où des millions d’âmes doivent s’échiner pour assurer le quotidien dans des conditions parfois surréalistes, leur imposer une mise en quarantaine totale suivie de mesures de dissuasions (couvre-feu, patrouilles militaires dans certains villages, amendes, peines de prison) revient à les réduire à la portion congrue. Sans pouvoir se nourrir, ni nourrir les siens, ce sont des milliers de familles qui sont ainsi condamnées à subir les affres de la famine.
Il faut oser le dire : les Etats africains, en faillite financière et cueillis à froid, n’ont pas les moyens de fournir des vivres à des millions de personnes. D’ailleurs, dans plusieurs pays tels que le Sénégal, les premiers scandales liés à la distribution des nourritures sont constatés. Des hommes d’affaires véreux ont en effet fini par transformer une aide alimentaire destinée aux pauvres en business pour s’enrichir sur le dos du peuple, des hommes politiques de premier l’ont transformée en un véritable outil de propagande politico-médiatique au détriment d’une population en détresse qui attend d’être fixée sur son sort.
Les premiers effets du confinement se font déjà sentir dans plusieurs pays, poussant les autorités à faire marche sur un confinement total du territoire. Au Nigeria, le président Buhari a commencé à assouplir le confinement dans les grandes villes du pays afin de permettre à des millions de Nigérians de reprendre le chemin du travail ; au Kenya, le président, Uhurru Kenyatta, a catégoriquement refusé un confinement total du pays pour les mêmes raisons ; au Ghana, il y a une semaine, le confinement total a été en partie levé et l’Afrique du Sud a annoncé qu’elle lèvera les restrictions liées au confinement dès le mois de mai.
Dans les trois cas cités (Nigeria, Kenya et Afrique du Sud), les dirigeants politiques ne s’en cachent pas. Ils ont décidé d’assouplir les règles du confinement afin de ne pas plonger leurs économies dans une crise plus profonde, mais aussi et surtout afin de ne surtout pas accentuer la pauvreté dans des confrontés, ces dernières années, à des difficultés économiques majeures.
Le confinement est un luxe qu’aucun Etat africain ne peut s’offrir. Il demande, de la part de l’Etat, des moyens colossaux pour assister une population contrainte d’abandonner son lieu de travail, donc son gagne-pain, pour une durée indéterminée. Des nations plus solides économiquement en ont payé le prix. Je peux ainsi citer comme exemple les Etats-Unis où il y a deux semaines, des milliers d’Américains ont défié leurs Etats, exigeant la réouverture immédiate des entreprises.
En Afrique, le confinement n’a pas encore fait ses preuves. Les cas se multiplient et le taux de mortalité connaît une hausse. Si à cette situation, s’ajoute le cauchemar de millions de familles pauvres contraintes de ne plus sortir de chez elles et condamnées à attendre une aide providentielle (qui pourrait ne jamais arriver d’ailleurs), l’équation devient extrêmement difficile à résoudre.
Des économies entières sont en train de s’effondrer. Le Kenya a enregistré un PIB de 2,5% en 2020 mais les économistes prédisent un ralentissement de celui-ci en raison de la pandémie. La chute drastique des cours du pétrole est en train de plonger le Nigeria, géant économique africain, dans la pire récession que le pays n’ait jamais connue depuis 30 ans, à en croire le FMI. En Afrique du Sud, le PIB connaitra une contraction de 6,5% en raison du Covid-19 et la dette publique du pays pourrait atteindre les 90% du PIB. Et dans l’espace de l’UEMOA, une récession n’est plus écartée. D’ailleurs, dans ce même espace, le PIB sera en baisse de 2,7% en 2020. Quant au Sénégal où la pandémie gagne du terrain, la dette publique est estimée à 8 231 milliards de FCFA.
Aucun de ces Etats n’est capable d’assumer un confinement de plusieurs semaines au nom de la lutte contre le Covid-19. Si tel est le cas, les dettes vont exploser en un temps record, le taux de chômage aussi et on ne parlera plus de pauvreté mais plutôt de famine qui va décimer des millions de personnes. La situation, à l’heure actuelle, est insoutenable et il faudra rapidement que les Etats africains trouvent une alternative à ce confinement, sinon il va tuer l’Afrique.