La Macronie vient de franchir une nouvelle étape. Après avoir clairement identifié ses préférences dans cette crise sanitaire qui a plongé la France dans la pire récession que le pays n’ait jamais connue depuis 1945 en se rangeant ouvertement du côté des plus riches (refusant le rétablissement de l’ISF, allouant un prêt de 7 milliards d’euros à Air France, 5 milliards à Renault tout en laissant pourrir les hôpitaux) au détriment des plus démunis, sa cible est désormais l’Assemblée Nationale, là où doit résonner la voix du peuple.
La France ne mérite pas la situation exceptionnelle qu’elle est en train de traverser et qui semble totalement voulue par des députés de la majorité qui, après avoir essuyé un revers cuisant dans leur gestion de la crise, sont en train de faire tomber les derniers fondements de la démocratie.
Comment peut-on expliquer la décision fast-track d’Edouard Philippe de chambouler tout d’un coup le plan des députés en précipitant un vote sans que ces derniers n’aient eu le temps de réflexion nécessaire dont ils ont besoin pour répondre à des questions cruciales sur l’avenir de la France ?
En effet, contre toute attente, nous avons appris, ces dernières heures, que les députés n’auront plus à débattre et voter à deux reprises comme prévu. Ils devaient débattre et voter ce mardi sur la très controversée application StopCovid et le mardi suivant sur un plan de déconfinement qui divise fortement la classe politique.
Les deux questions (traçage et déconfinement) sont cruciales pour la France à l’heure actuelle. La première concerne les libertés individuelles et la vie privée de millions de citoyens et la seconde concerne la santé des Français dans un contexte de crise sanitaire marquée par la propagation du Covid-19.
Dans la première, plusieurs organisations de défense des libertés individuelles (Cnil, LDH…) ont déjà fait part de leur crainte que les données privées des citoyens soient transmises plus tard à des organisations étatiques. Dans la seconde, le pays semble ne pas encore être prêt à un retour à une vie normale. « La réalité, c’est que le plan du gouvernement n’est pas encore prêt, que rien n’est prêt pour le 11 mai, y compris sur l’application Stop Covid, et que nous aurons à voter à des généralités », a d’ailleurs déploré Olivier Faure, chef de file du Parti Socialiste (PS).
En plein confinement, le gouvernement est en totale contradiction avec le Conseil Scientifique sur des questions d’une importance cruciale, notamment sur l’ouverture des écoles. Sur cette question précise, le gouvernement veut renvoyer les enfants dans les salles de classe, tandis que le Conseil préconise l’ouverture des établissements en septembre.
Il n’est pas difficile de comprendre l’attitude du gouvernement en ces temps de crise. Macron et Philippe ne veulent surtout pas plonger le pays dans une crise économique sans précédent d’autant plus que le confinement a déjà coûté à l’Etat 120 milliards d’euros en deux semaines et que le taux de chômage vient d’enregistrer une hausse de +7,2% en mars, du jamais vu.
Les Français, à qui la Banque de France demande de rembourser la dette colossale du pays (115% du PIB) et à qui l’OCDE propose de consommer son épargne, doivent retourner au travail très vite pour relancer l’économie. Oui ! Mais, à quel prix ? Surtout, lorsqu’une note du gouvernement citée dans la presse reconnaît qu’il n’y aura pas suffisamment de masques le 11 mai. Nous assistons une nouvelle fois au scénario des municipales lorsque des assesseurs et présidents de bureaux de vote ont été sacrifiés au nom d’un scrutin dont la tenue n’était pas une priorité pour les Français.
Imposer le retour au travail à des millions de Français dans de telles circonstances revient à faire d’eux les cobayes d’un déconfinement auquel le pays n’est pas préparé et qui terrorise sérieusement les parents de familles, les enseignants et les salariés qui doivent prendre des risques énormes face à la propagation d’un virus qui n’est pas encore totalement vaincu.
La loi d’urgence a été votée dans des circonstances exceptionnelles afin de permettre au gouvernement, dans un contexte de guerre sanitaire, d’avoir les coudées franches et de pouvoir épargner des morts. Elle ne doit en aucun cas servir de prétexte pour tuer le débat démocratique dans un pays qui s’est soulevé en 1789 pour éviter justement d’en arriver là.
Demain, à 15 heures, il y aura un seul vote finalement, un vote global sur le déconfinement, nous dit-on, et le débat crucial sur le StopCovid qui concerne les libertés individuelles des Français ne sera même pas abordé. Mais, de qui se moque-t-on ? De quoi a-t-il peur ce gouvernement ?
L’échec cuisant dans l’acquisition de masques a très fortement fragilisé l’Etat et aurait dû servir de leçon pour ne surtout pas offrir à l’opposition une victoire aussi facile. Les deux débats et votes prévus pour se tenir à l’Assemblée National ne devaient en aucun cas être repoussés ni reportés, ni décalés. Il y va de la Démocratie.
J’ai une énorme admiration pour Emmanuel Macron et son gouvernement qui, qu’on le veuille ou pas, est en train de faire de son mieux pour sortir dès que possible d’une crise que personne ne voyait venir. Beaucoup dans l’opposition qui se sont récemment transformés en fervents détracteurs du pouvoir n’auraient certainement pas fait mieux.
Mais là, les méthodes du gouvernement deviennent assez troublantes. La gestion de la crise est une vaste plaisanterie, les libertés individuelles des Français ne sont plus respectées et pire, tout récemment, la réforme des retraites a été imposée au peuple par l’activation du 49.3 et là, on profite d’une situation exceptionnelle pour bâillonner les représentants de la Nation au moment où les Français exigent des explications de la part de leurs dirigeants.
Macron et Philippe veulent que nous allions au charbon dès le 11 mai, quitte à museler des centaines de députés pour que prévale leur désidérata, alors que le pays n’est pas encore prêt à faire face à un tel scénario. Si jamais il arrive quoi que ce soit aux Français, ils en seront les seuls et uniques responsables.