Grosse révélation de la femme de Bill Gates : « pas de vie normale tant que le monde entier ne sera pas vacciné »

Mélinda Gates, épouse de Bill Gates, a accordé une interview exclusive au Journal Du Dimanche publiée ce 30 janvier et intégralement lue par Lecourrier-du-soir.com. Pour elle, tant que le monde entier ne sera pas vacciné, il n’y aura pas de vie normale

Lecourrier-du-soir.com vous fait lire gratuitement l’intégralité de l’interview. 

Très bonne lecture!

Le rythme actuel des campagnes vaccinales peut-il permettre de prendre le virus de vitesse?
C’est évidemment aux chefs d’Etat et de gouvernement de décider de ce rythme, mais le simple fait d’avoir donné la priorité aux personnels soignants en première ligne et aux personnes les plus vulnérables est une bonne chose. Cela étant, nous devons avoir accès à bien plus de doses dans le monde entier. Les investissements ont été réalisés suffisamment tôt pour que nous puissions profiter de cet incroyable sursaut de la recherche et de la science. Les laboratoires pharmaceutiques vont aussi vite qu’ils le peuvent pour la fabrication. Mais il faut s’assurer que des vaccins à faible coût pourront parvenir aux pays les plus pauvres et pas uniquement aux plus riches.

L’arrivée des variants risque-t-elle de retarder la vaccination?
Les virus mutent ; nous en avons fait l’expérience face aux maladies et aux épidémies durant les deux dernières décennies. La communauté scientifique doit être agile pour repérer ces mutations mais, grâce à la technique de l’ARN messager, le délai d’adaptation aux mutants peut être réduit à six à huit semaines. En attendant que les vaccins s’adaptent, il n’y a d’autre choix que de multiplier les gestes barrière.

Les pays les plus démunis, en particulier africains, sont-ils approvisionnés assez vite?
Le rythme d’acheminement n’est pas assez rapide. Mais de nouveaux vaccins sont en voie d’être certifiés et, d’ici trois à six mois, il y aura plus d’options. Il faut aussi que les pays riches participent davantage, en particulier les Etats-Unis, aux mécanismes mis en place comme le Gavi et le Covax, qui s’approvisionnent pour en faire profiter les pays pauvres. Les Etats-Unis viennent de mettre 4 milliards de dollars sur la table, mais tous les pays riches, européens notamment, doivent se joindre à cet effort. Les besoins sont estimés à 28 milliards de dollars. Il en manque donc encore 16.

Comment y parvenir?
Par la persuasion. Les Etats doivent comprendre que si l’on veut revenir à une économie mondiale en état de marche, il faut participer à ces investissements au profit des pays pauvres. Si la France, par exemple, souhaite retrouver sa capacité industrielle ou ses recettes touristiques d’avant la pandémie, il faut se débarrasser du Covid partout dans le monde, parce que le virus ne connaît pas de frontières. Nous ne retrouverons pas une vie normale tant que tout le monde ne sera pas vacciné.

Ce message a-t-il été compris? On assiste à des poussées de nationalisme vaccinal un peu partout…
Ce discours commence à être entendu. L’Inde, par exemple, a commencé à vacciner sa population tout en offrant le vaccin à neuf autres pays en Asie du Sud-Est et au Brésil. Il y a deux grandes usines en Inde qui tournent à plein régime pour fabriquer le vaccin d’AstraZeneca. Cela devrait servir d’exemple à d’autres grands pays partout ailleurs.

N’est-il pas contre-productif d’avoir des populations vaccinées dans l’hémisphère Nord d’ici à l’été alors qu’il faudra attendre bien plus longtemps pour l’hémisphère Sud?
Bien sûr : la vaccination doit être menée de front partout en même temps. Notre fondation se bat pour que l’accès aux soins soit plus équitable afin d’éloigner la menace des maladies contagieuses. C’est pourquoi, depuis vingt ans, nous avons axé nos efforts sur les vaccins. Il n’y a pas si longtemps, il fallait vingt-cinq ans pour qu’un vaccin conçu en France parvienne au Sénégal. Notre objectif était de réduire ce délai à moins d’un an. Y sommes-nous parvenus? Pas encore, mais on y est presque.

Comment expliquez-vous cette lenteur?
Soyons justes. Les pays riches aujourd’hui n’ont pas non plus accès à la totalité des doses de vaccin indispensables. Ici, à Seattle, sur la côte ouest des Etats-Unis, nous venons à peine de finir la vaccination des soignants de la première ligne et nous démarrons celle des plus âgés. Il y a là un problème de fabrication et des délais incompressibles.

Les Etats ne pourraient-ils pas investir plus pour que davantage d’usines de fabrication de vaccins voient le jour?
C’est ce qui a été fait, mais c’est insuffisant. Les gouvernements ont investi des milliards dans ce processus avant même que les vaccins soient découverts et validés. Mais il est possible de faire beaucoup mieux. Si l’on permettait financièrement aux pays africains de planifier leur stratégie vaccinale, ils pourraient vacciner plus vite après avoir reçu le produit.

Il n’y a donc pas eu selon vous de trahison des promesses faites par les pays riches de rendre le vaccin universel?
Il faut placer chacun de ces pays devant ses responsabilités afin qu’il rende des comptes, mais il est souvent plus efficace de le faire en coulisse que sous les projecteurs.

La compétition entre laboratoires et entre gouvernements n’a-t-elle pas transformé cette promesse en vœu pieux?
Nous sommes persuadés à la fondation que la mise en commun des efforts et des volontés est la meilleure des réponses. Mais il faut être réaliste. Il est impossible d’avoir à la même table la Chine, la Russie, l’Inde, tous les Européens et les Etats-Unis. Si cela avait été le cas, on aurait pu assurer une distribution équitable des vaccins. Mais grâce aux interventions d’Emmanuel Macron, de la chancelière Merkel et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la mise sur pied du Covax a été rendue possible alors que les Etats-Unis ne s’y sont pas associés sous la présidence Trump. Auraient-ils pu viser plus haut? Oui, mais ce qu’ils ont réussi à bâtir en si peu de temps est inédit car chacun à l’époque ne pensait qu’à sauver sa propre économie.

Croyez-vous encore que les opinions publiques des pays développés se sentent concernées par le sort des pays pauvres et par ce discours selon lequel nous sommes tous dans le même bateau, livrés au même sort?
Il y a encore quelque temps, beaucoup de gens croyaient qu’il ne servait à rien de se préoccuper de ce qui passait dans les pays sous-développés. C’était l’époque de la poliomyélite, de la malaria. On pensait que la maladie pouvait frapper n’importe qui. Mais la vérité, c’est qu’elle frappait le monde de façon très injuste. Les gens prennent davantage conscience aujourd’hui du fait que nous sommes une communauté globale, et plus seulement des Occidentaux, et que dans ce monde-là, il faut s’occuper de tous, collectivement et individuellement.

Aura-t-on manqué, selon vous, de courage politique pendant cette pandémie?
Il faudra tirer toutes les leçons de cette pandémie. Et surtout se préparer à la prochaine avec des laboratoires bien armés, des systèmes d’alerte plus rapides, une meilleure politique de tests, et des milliers de soignants disponibles dès qu’un premier cas apparaît pour ne pas que le virus passe de pays en pays à toute vitesse.

Etes-vous sûre et certaine qu’à la sortie de cette pandémie nous retrouverons notre économie?
Il y a vingt ans, vous et moi rêvions d’avoir un smartphone. La science et la recherche sont capables aujourd’hui de produire des vaccins à ARN messager. Quand je regarde le monde tel qu’il est, je m’émerveille que le génie humain soit capable de telles innovations. Oui, je crois que notre économie globale reviendra, sans pouvoir prédire dans combien de temps. Peut-être dix ans ou beaucoup moins. Regardez à quelle vitesse le monde s’est reconstruit après la Seconde Guerre mondiale. C’est ce qui me donne plein d’espoir et me rend optimiste.

Pour lire l’interview dans sa version originale, cliquez ici : Le Journal du Dimanche