(Une analyse de Cheikh DIENG, journaliste basé à Paris)
Le spectre Benalla plane à nouveau sur la tête de Macron. Vous avez certainement entendu parler d’Alexandre Benalla, cet omnipotent et omniprésent collaborateur de Macron qui, en juillet 2018, avait défrayé la chronique après la publication d’une vidéo dans laquelle on le voyait violenter un couple de manifestants en plein cœur de Paris.
L’Affaire Benalla, comme l’avait titré la presse, venait de secouer, pour la première fois, le gouvernement Macron. L’affaire, en delà de sa gravité extrême, avait mis à nu une certaine pratique du pouvoir, des divergences au plus haut sommet de l’Etat et un laxisme qui avait choqué plus d’un. L’Affaire Benalla a été le coup de grâce qui a mis fin à un quinquennat qui, il faut bien le reconnaître, n’a plus aucun sens.
Je pensais sérieusement que cette affaire dont Macron a courageusement endossé la responsabilité était un de coup de semonce, un avertissement brutal adressé à Macron qui, depuis cette affaire, avait définitivement cessé d’être le chouchou des médias. Macron aurait dû en tirer une leçon, tenir complètement Benalla à l’écart afin d’éviter de donner du grain à moudre à ses détracteurs.
Cependant, cela n’a pas été le cas. Et le fait de n’avoir tiré aucune leçon de cet épisode dramatique est malheureusement révélateur de l’inexpérience politique du plus jeune président de la Vème République qui, en pleine crise des gilets jaunes, est à nouveau empêtré dans une « Affaire Benalla », épisode 2.
Ces dernières heures, les médias sont revenus à la charge. Ils accusent Alexandre Benalla d’avoir effectué un voyage au Tchad, pays où Emmanuel Macron a fêté le réveillon au côté des soldats français. Dans la presse, aucun chiffre n’est fourni sur les dépenses de ce voyage. Toutefois, la facture devrait être très salée. En avion privé, Benalla se serait rendu au Tchad peu avant Macron. Il devait y rencontrer son frère en charge des achats d’armes, nous dit-on.
L’information secoue une nouvelle fois la classe politique française et les réactions, comme en juillet dernier, ont été légion. « Benalla était à une manifestation, on nous disait en tant qu’observateur, avec une radio en train de taper des manifestants. Maintenant, on le retrouve avec un avion privé au Tchad. Benalla ne compte pas, soi-disant, mais il est toujours là où il ne faut pas être », a twitté Eric Coquerel de la France Insoumise.
Certains ironisent en republiant la phrase prononcée en juillet 2018 par Bruno Petit, porte-parole de l’Elysée. C’est notamment le cas de Jean Messiha du Rassemblement National. « Alexandre Benalla a écopé de la plus grande sanction jamais prise à l’encontre d’un employé de l’Elysée. C’est la dernière étape avant son licenciement », twitte Messiha ce mercredi.
Personnellement, je pensais que Benalla avait été définitivement écarté de l’Elysée, comme nous le disait Bruno Petit en juillet dernier. Le fait que l’ex collaborateur de Macron se soit rendu au Tchad quelques jours avant l’arrivée de Macron dans ce pays ne veut absolument pas dire qu’il agit toujours au nom de l’Elysée.
D’ailleurs, le gouvernement a réagi ce mardi niant avoir mandaté Benalla au pays d’Idriss Déby. « Quelles que soient les démarches qu’entreprend M. Bennalla, il n’est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République. S’il se présentait comme tel, il est dans le faux », a précisé un communiqué de la présidence publié mardi.
Evidemment, rien n’indique que l’ « ex collaborateur » de Macron était mandaté par ce dernier. Mais, qu’on arrête quand même de nous prendre pour des cons. La coïncidence est assez troublante et tout laisse croire qu’il effectuait bien un voyage pour le compte de l’Elysée.
En pleine crise des gilets jaunes, Macron a intérêt à éviter toute erreur qui pourrait lui coûter très chère. Et celle-ci en fait partie. Je signale que Benalla représente tout ce que détestent les gilets jaunes : un type hyperpuissant et intouchable, un petit bourgeois qui perçoit 6 000 euros par mois, hyper protégé…En gros, il incarne l’arrogance que beaucoup reprochent à Macron. Et tout ceci se passe au moment où la France compte 9 millions de pauvres.
Ce 2ème épisode Benalla est la confirmation que les médias qui ont porté Macron au pouvoir l’ont complètement lâché. Macron est certes perçu comme un chef d’Etat jeune, intelligent et charismatique à l’étranger, mais chez lui, il est qualifié d’arrogant et d’inexpérimenté.
En un an et demi, Macron a fait pire que tous ses prédécesseurs. En pleine crise des gilets jaunes, il peut désormais mettre fin à tout rêve d’un second mandat. J’ai de sérieux doutes d’ailleurs qu’il puisse finir le premier. Peut-être que je me trompe, mais pour moi, la page Macron est tournée.