Jusqu’à quand va tenir LREM dans une France en pleine crise ? Cette question se pose deux jours seulement après la convocation de la députée Martine Wonner, par la LREM pour avoir voté contre le déconfinement prévu le 11 mai prochain. Telle une police politique, la République En Marche ! exige désormais des explications à tout député qui ose agir au-delà des intérêts du parti. Une aberration totale !
La convocation de Martine Wonner, relayée par plusieurs médias, a été une erreur politique monumentale, d’autant plus que le plan du gouvernement avait été approuvé par l’Assemblée, 368 députés ayant voté « pour » contre 100 qui ont voté « non ». En conséquence, chercher des explications de la part d’une députée dont le « non » n’a absolument rien changé est tout simplement absurde.
Il a été très intéressant de se focaliser sur le cas de Martine Wonner car il est révélateur de la crise très profonde qui fragilise le parti présidentiel depuis bientôt deux ans. D’ailleurs, la vague de démissions de députés et sénateurs du parti est la preuve évidente qu’il y a une véritable guerre idéologique au sein de la LREM qui pourrait finir par faire disparaître à jamais ce parti.
Qui sont déjà partis et pourquoi ? En effet, il faut rappeler qu’en deux ans, 14 députés ont définitivement quitté le parti, même si LREM reste toujours majoritaire et a les coudées franches pour faire passer toutes les lois qui trouvent grâce aux yeux d’Emmanuel Macron en pleine période de crise.
Dès septembre 2018, Frédéric Dumas, productrice et ex députée LREM, avait tiré la sonnette d’alarme comparant le parti au Titanic. « La méthode qui repose sur la confrontation d’idées, le débat et l’expérimentation, est essentielle à la réussite. Là, on a plutôt le sentiment d’être sur le Titanic », déplorait-elle.
En novembre 2018, en pleine crise des Gilets Jaunes, le député écologiste Mathieu Orphelin avait abandonné le navire, faisant part de sa grosse déception dans la politique du gouvernement en matière d’écologie. « (…) Je suis inquiet parce que je ne suis pas sûr qu’on soit vraiment dans le rythme qu’il faut. Je suis même persuadé du contraire. Sur la rénovation énergique, on n’est pas du tout au bon rythme », confiait-il dans une interview accordée à RTL.
En janvier 2020, en quittant LREM, Annie Chapelier avait vertement critiqué le parti, dénonçant un « mouvement hors sol ». En abandonnant le parti en mars 2020, le député du Gard Olivier Gaillard justifiait sa décision par le fait de s’être senti comme « un député de seconde zone ». Le 3 mars, après l’activation du 49.3 par le gouvernement, deux députés (Hubert J-Laferrière et et Delphine Bagarry) avaient démissionné.
Le premier dénonçait l’incapacité du gouvernement à convaincre les Français sur une réforme d’une telle importance, tandis que la seconde disait ouvertement qu’elle ne « se retrouvait plus dans la méthode du gouvernement ». Je dois ajouter que quelques heures avant leur démission, le sénateur LREM Michel Amiel avait claqué la porte du parti dénonçant à son tour « un cynisme et une incompétence politique ».
La crise qui secoue la LREM est d’autant plus sévère que désormais, ce ne sont plus des députés qui quittent le navire, mais des hauts responsables en qui Macron avait placé sa confiance. Ainsi, en 2019, Nicolas Hulot, poids lourd du gouvernement, avait tourné le dos à Macron dénonçant l’immixtion des lobbys dans les décisions de président. Ségolène qui avait plusieurs fois pris position en faveur de Macron a été viré de poste de son d’ambassadrice des pôles lorsqu’elle a commencé à s’en prendre sérieusement à la ligne du gouvernement et Agnès Buzyn, ex ministre de la Santé et, de surcroît, candidate LREM aux municipales de mars dernier, n’avait pas hésité à traiter de « mascarade » la décision de l’Exécutif de maintenir les élections alors que le virus venait de faire plusieurs victimes sur le sol français.
En seulement deux ans, le parti présidentiel, confronté à une crise politico-sociale d’une très rare violence, a multiplié les maladresses au moment d’apporter des réponses concrètes aux Français. Hélas ! La crise des Gilets Jaunes, la réforme des retraites et désormais la crise sanitaire risquent d’accentuer cette crise, d’autant plus que celles et ceux qui osent s’opposer à la politique du Premier ministre font face à une espèce de politique idéologique et doivent s’expliquer sur leur choix d’aller à l’encontre des intérêts du parti.
D’ici 2022, les Français auront tout vu. Des désaccords au plus haut sommet de l’Etat, des contradictions, voire des mensonges pour masquer des erreurs politiques d’une gravité extrême dans une France en colère ont fragilisé la Macronie et finiront sans doute par faire imploser le parti où de plus en plus de députés ne se retrouvent plus dans la ligne du parti.
Vu la crise actuelle, il est fort probable que la LREM ne puisse pas tenir longtemps. La triste réalité est que le parti se dirige tout droit vers 2022 mais semble avoir complètement perdu son âme. Frédéric Dumas avait parlé de « Titanic » en 2018. Elle avait vu juste car le naufrage est en train de se produire sous nos yeux.