Trois fichiers remis aux forces de l’ordre par l’Etat sèment la polémique en France. Les associations de défense des libertés privées dénoncent une tentative de ficher les opinions politiques des citoyens
Le fichage massif risque d’être bientôt normalisé en France si rien n’est fait pour s’y opposer. C’est en tout cas la révélation faite par plusieurs médias qui dénoncent la publication secrète de 3 décrets vendredi dernier. Lecourrier-du-soir.com a pu retrouver les trois décrets en question.
Qu’est-ce qu’on y trouve? Dans la presse, on parle de fichiers contenant 40 000 personnes chacun et concernent les individus constituant une menace pour « la sécurité publique », selon Le Monde. « Il s’agit du fichier Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), du fichier Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) et du fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), ce dernier étant utilisé pour réaliser les enquêtes administratives préalables à certains recrutements dans la fonction publique », ajoute le média français.
Le ministère de l’Intérieur loue l’utilité de ces trois fichiers dans la lutte contre le terrorisme. Mais, ses explications n’arrivent pas à convaincre les organisations de défense des libertés privées qui y voient une façon de ficher aussi les opinions politiques. « Nous sommes extrêmement choqués que le gouvernement ait fait ça sans débat public, en catimini », a réagi Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net, ONG spécialisée dans la défense des libertés publiques.
« Nous sommes inquiets »
Et d’ajouter : « nous sommes aussi inquiets : tout ce qui avait été enlevé du fichier Edvig (qui avait fait polémique en 2008), à savoir le fichage des opinions politiques et religieuses, et non plus seulement des activités politiques et religieuses, a été remis. Comme pour la loi sur le renseignement, on a une pratique jusqu’ici illégale que la police convainc le gouvernement de légaliser a posteriori ».
Arthur Messaud dément formellement les arguments de l’Etat selon lequel ces fichiers s’adressent aux terroristes. « Les fichiers de police dont on parle ne sont pas des fichiers judiciaires, ce sont des fichiers qui sont gérés par la police, seule, pour la police. Ce ne sont pas non plus des fichiers de contre-terrorisme. On est dans la lutte contre les sectes, la lutte contre les hooligans et la lutte contre les violences autour des trafics de drogue, mais aussi toutes les luttes, les violences ou les manifestations non déclarées autour des mouvements idéologiques. Il faut bien comprendre que là, quand je dis violence, c’est tel qu’interprété par la police », déplore-t-il.
Rappelons que cette affaire intervient au moment où le gouvernement déclare la guerre aux contenus haineux sur les réseaux sociaux. La loi Avia avait été remise à l’ordre du jour juste après l’assassinat abject de Samuel Paty et la dissolution du CCIF, actée il y a une semaine par Gérald Darmanin, entre dans cette logique de neutraliser tout ce qui pourrait représenter un danger pour la République.