En plein été, l’Etat français a autorisé, dans un décret, la privatisation de kilomètres de nationales aux grands groupes tels que Vinci et Eiffage. Un deal dénoncé par le Sénat dans un rapport paru ce 18 septembre
L’Etat français a autorisé, en plein été, la privatisation de kilomètres de nationales dans un décret passé inaperçu et publié au Journal Officiel le 14 août dernier. C’est en tout cas la révélation faite par Le Monde ce 18 septembre. Cette nouvelle privatisation intervient plus de 15 ans après celle en vigueur en 2002, date à laquelle Lionel Jospin, à l’époque Premier ministre de la France, avait décidé d’ouvrir le capital des autoroutes du Sud de la France (ASF) pour financer le fonds de réserve des retraites.
D’après Le Monde, l’accord secret passé entre l’Etat et les concessionnaires (Vinci et Effage) est très simple à comprendre. L’Etat leur confie certaines portions, les derniers kilomètres avant l’autoroute et les concessionnaires (grands groupes) vont se charger de les entretenir, d’y investir en échange d’un prolongement de leurs contrats.
Mais, d’après Le Monde, c’est au niveau du prolongement des contrats qui se situe le vrai problème. Car, c’est une manière de rentabiliser de manière indécente les concessionnaires et dans ce cas, la perte pour l’Etat est estimée à des milliards d’euros. C’est d’ailleurs ce qu’a déploré un rapport du Sénat lu par Lecourrier-du-soir.com.
« En 2015, Eiffage a touché 400 millions d’euros »
En effet, d’après ce rapport rendu public ce 18 septembre, le manque à gagner pour l’Etat s’élève à 6,5 milliards d’euros. « Prolonger la durée de concessions reviendrait à priver l’Etat de nouvelles recettes car plus une concession est vieille, plus elle est rentable », estime d’ailleurs un fin connaisseur du dossier interrogé par Le Monde.
Les exemples cités par Le Monde sont alarmants et témoignent d’un business extrêmement lucratif pour les grands groupes tels que Eiffage et Vinci. Ainsi, en 2015, l’A480 qui a été transféré à AREA, une filiale d’Eiffage, a permis à ce grand groupe, en échange de la remise en état de la voie rapide et de la création d’une voie réservée aux bus et au covoiturage, de voir sa concession rallongée de 4 ans et le transfert a rapporté à Eiffage 400 millions d’euros.
« Des dividendes estimées à 40 milliards d’euros »
Les sénateurs sont en colère. En effet, dans son rapport, le Sénat dénonce « un choix politique ». « Une critique récurrente formulée au sujet de la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ‘historiques’ portent sur le moment choisi. Après s’être lourdement endettées pour construire leur réseau et avoir longtemps été déficitaires, ces sociétés étaient devenues depuis quelques années rentables et allaient voir leurs revenus augmenter considérablement par la suite conformément au modèle économique des concessions autoroutières », dénonce le rapport.
En tout cas, du côté des concessionnaires, on ne se plaint pas car d’après Libération qui cite le même rapport, rien qu’entre 2002 et 2006, les principales sociétés d’autoroutes ont distribué 24,3 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires et les dividendes atteindraient les 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage.
Rappelons qu’en 2019, Eiffage avait versé une « prime Macron » à 41 000 collaborateurs comme l’avait rapporté en son temps le média Lemoniteur.fr. Les salariés percevant un salaire mensuel inférieur ou égal à 2 250 euros avaient perçu 500 euros, les salariés percevant une rémunération mensuelle supérieure à 2 250 et inférieure ou égale à 3 400 euros avaient touché 250 euros.
Reste à savoir désormais les recommandations du Sénat seront suivies par l’Etat.
Pour lire le rapport du Sénat dans sa version originale, cliquez ici : Sénat