Après Tillerson et Pompeo, ce fut au tour de Blinken de draguer l’Afrique. Le nouveau secrétaire d’Etat américain et chef de la diplomatie sous Biden vient d’effectuer sa première visite officielle dans un continent tant convoité par l’Occident, la Russie mais aussi l’Empire du Milieu (la Chine).
Anthony Blinken était donc en tournée en Afrique où il a visité trois pays : le Nigeria, le Kenya et le Sénégal. Deux pays anglophones, culturellement très proches des Etats-Unis et un pays francophone qui ne partage aucun lien culturel ni historique avec le Pays de l’Oncle Sam.
Cependant, s’il y a un point sur lequel nous sommes d’accord, c’est que cette visite est très stratégique et le choix des trois pays n’est pas anodin. Le Nigeria car il est pressenti pour devenir, dans quelques années, la première puissance économique du continent. Le Kenya, en raison de sa position géographique dans une Corne de l’Afrique en proie à une instabilité politique sans précédent et le Sénégal, en raison de ses importants gisements de gaz et de sa stabilité politique dans une Afrique subsaharienne en pleine ébullition.
Mais, il y a un détail très important à souligner. C’est que dans cette visite de Blinken en Afrique, l’ombre de Pékin (la Chine) a bien plané, ce qui confirme l’idée que la stratégie américaine de briser l’élan chinois en Afrique reste la pierre angulaire de la politique américaine, et ce quelle que soit l’administration qui est aux manettes (Démocrate ou Républicain).
Pour en avoir une idée, un petit feedback s’impose. En effet, je dois faire remarquer qu’en 2018, lors de sa tournée dans cinq pays africains (Ethiopie, Djibouti, Tchad, Kenya et Nigeria), Rex Tillerson, à l’époque secrétaire d’Etat américain sous Trump, n’avait pas hésité à ouvrir le feu sur la Chine, l’accusant d’endetter les Etats africains avec lesquels elle coopère.
« L’investissement de la Chine n’a pas le potentiel de réduire le retard de l’Afrique en matière d’infrastructure, mais l’approche de la Chine a été plutôt de mener plusieurs pays à plus de dettes en leur fournissant très peu d’emplois. Quand ceci est accompagné d’une pression politique et fiscale, cela met en danger les ressources naturelles de l’Afrique et son instabilité économique à long-terme », déclarait-il. Tillerson n’avait pas débarqué en Afrique les mains dans les poches. Il avait promis une aide de 533 milliards de dollars au continent.
Le même discours va-t-en-guerre avait été prononcé deux ans plus tard, en 2020, par Mike Pompeo, son successeur. En effet, lors d’une tournée qui l’a mené dans trois pays africains (Sénégal, Angola et l’Ethiopie), il avait tiré à boulets rouges sur le régime communiste chinois sans jamais le citer.
« Les pays doivent se méfier des régimes autoritaires qui colportent des promesses creuses. Ils nourrissent la corruption et le dépendance. Avec eux, il y a des chances que la prospérité et la souveraineté dont l’Afrique a tant besoin ne puissent jamais se réaliser », avait-il prévenu.
Deux ans plus tard, les têtes ont pourtant bien changé à Washington. L’idéologie aussi. Néanmoins, le rejet de la politique chinoise en Afrique est toujours là, comme l’ont confirmé les propos tenus par Blinken. En effet, ce 20 novembre, à Dakar, où les Etats-Unis ont passé des contrats d’une valeur de 1 milliard de dollars avec l’Etat du Sénégal, le chef de la Diplomatie américaine a ostensiblement dévoilé les ambitions de son pays en Afrique, à savoir supplanter la Chine afin de devenir le partenaire de choix du continent noir.
Il est donc clair que les Etats-Unis n’ont toujours pas enterré la hache de guerre et ravivent sans gène les flammes de la « guerre froide » quand cette posture leur convient. Ceci s’explique par le fait que dans ce Nouvel Ordre Mondial qui s’annonce, ils ont parfaitement compris que l’échiquier géopolitique est en train de se transformer et que l’Afrique est sans aucun doute le continent où se décidera l’avenir du monde pour plusieurs raisons : la jeunesse de la sa population, ses gigantesques ressources naturelles et sa démographie, faisant d’elle l’un des marchés les plus stratégiques pour l’Occident.
La question à se poser est celle de savoir si l’Afrique est prête à tirer profit de ses relations avec ces deux puissances étrangères qui se livrent une guerre diplomatique sans merci sur son sol. A mon avis, il serait extrêmement dangereux de lâcher Pékin pour les yeux de Washington, vice-versa.
Les puissances n’ayant pas d’amis mais des intérêts, ouvrons nos portes à celles avec qui nous pourrons nouer des partenariats gagnant-gagnant. L’Afrique détient, dans ses mains, les clés de son développement et devrait s’en servir pour assurer, (et ce pour toujours) son décollage économique et technologique.
Now is the time! (C’est le moment ou jamais!)