(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG, basé à Paris)
En France, la situation va de mal en pis. Ce 27 novembre, j’avais prédit, dans un édito, la fin tragique du Mandat d’Emmanuel Macron. Je tiens à préciser ici que je ne souhaite à la France ni la guerre civile, ni un coup d’Etat militaire. Cependant, les récents événements qui ont bousculé l’agenda politique français depuis novembre (Gilets Jaunes, Affaire Benalla) sont en train de me donner raison.
Aujourd’hui, il faut être de très mauvaise foi pour ne pas voir cette rage du peuple qui veut une seule chose : se débarrasser de son président de la République, même si les méthodes (pour se débarrasser de Macron) diffèrent. En effet, certains veulent que le changement se fasse dans la douceur. Tandis que les plus durs veulent en finir avec Macron, quitte à « rentrer dans l’Elysée » (pour reprendre les mots d’un gilet jaune).
La crise politique que traverse la France a atteint son paroxysme. Elle est devenue tout simplement insoutenable. Les récentes manifestations des GJ (Gilets Jaunes) qui ont mis à sac Paris et certaines villes du pays ont fini par mettre à nu la haine du pouvoir. Avant d’être une guerre contre le capitalisme, cette crise est avant tout une guerre contre un système totalement inapte à diriger la deuxième puissance économique européenne.
S’il n’y avait que la crise des Gilets Jaunes, mon inquiétude serait plutôt mesurée. Mais, hélas, ce n’est pas le seul péché originel commis par Macron. En pleine crise des GJ, le gouvernement est empêtré dans une autre affaire d’une extrême gravité : l’Affaire Benalla. Ce collaborateur omniprésent et omnipotent de Macron qui en réalité n’avait jamais été licencié par l’Elysée.
Pourtant, en juillet dernier, en pleine affaire Benalla, Bruno Roger-Petit, porte-parole du gouvernement, avait annoncé le limogeage de Benalla. Sauf que six mois plus tard, les Français font face à la triste réalité. Non seulement Benalla n’est toujours pas loin de l’Elysée, mais il se balade librement d’un pays à l’autre avec un passeport diplomatique, référence 17CD09254.
Dans cette affaire Benalla épisode 2, j’en fais deux déductions :
- Macron a mandaté Benalla au Tchad peu avant son arrivée dans ce pays où il a rencontré les troupes françaises avec l’unique objectif d’aggraver la crise. Une situation qui lui permettrait, parce qu’il n’arrive plus à diriger la France, d’attiser la colère des Français et de quitter le navire, en précipitant sa chute.
- Macron, parce qu’il ne dirige plus rien du tout et parce qu’il expose ses ministres et d’importantes personnalités de son gouvernement au danger et à la colère du peuple, est en train de se faire trahir par les siens. Si Médiapart et de nombreux médias ont été informés que Benalla n’avait jamais quitté l’Elysée et qu’il détenait un passeport diplomatique, c’est qu’il y a une taupe dans l’entourage proche de Macron. Qui cela peut-bien être ? Telle est ma question.
Quoi qu’il en soit, Macron aura réussi à prouver une seule chose : que de tous les présidents de la Vème République, il est le seul à n’avoir jamais rien contrôlé. Il a été depuis son élection complètement dépassé par la fonction présidentielle dont il n’a jamais saisi la portée. Et ce n’est pas pour rien que, quelques heures avant l’acte 4 des Gilets Jaunes, il a secrètement rencontré Nicolas Sarkozy.
Cette impuissance dont a fait preuve le gouvernement Macron rappelle celle du gouvernement de Pierre Pflimlin (la 4ème République). Un gouvernement totalement dépassé par la situation en Algérie et qui, en 1958, avait suscité le courroux des hauts généraux de l’armée, ces fameux séditieux qui tramaient un coup d’Etat.
Je ne compare pas la situation de 58 à celle d’aujourd’hui. Néanmoins, nul n’ignore qu’il y a des points de convergence. Comme en 2018, en 1958, la colère du peuple contre son gouvernement avait atteint la cime. En 58, le gouvernement général à Alger avait été occupé par des activistes. En 2018, en France, sans une intervention musclée de l’armée, les gilets jaunes auraient pris d’assaut l’Elysée lors de l’acte 3.
En 58, il a fallu l’intervention d’un général de l’armée, un homme providentiel du nom de Charles De Gaulle pour éviter le coup d’Etat militaire et la perte de l’Algérie par la France. La seule différence est qu’en 58, il y avait De Gaulle pour sauver la République. Là, il n’y a personne pour éviter un bain de sang et sauver la France, ni dans la majorité, ni dans l’opposition.
Face à un gouvernement totalement désaxé, il va falloir trouver très vite un homme fort pour calmer le peuple. L’épisode 2 de l’Affaire Benalla qui éclate en pleine crise n’arrange absolument pas les affaires d’Emmanuel Macron. Je crains d’ailleurs que l’impunité totale dont bénéficie Benalla n’exacerbe la colère des GJ qui, ces dernières semaines, ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre.
Nul doute que la crise qui secoue le gouvernement Macron est plus grave que l’affaire Bygmalion et l’affaire Cahuzac qui avaient fini par écorner l’image de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Macron porte sur ses épaules la plus périlleuse crise depuis mai 68 et tout indique clairement qu’il n’est pas l’homme de la situation.
Je rappelle que le gouvernement a très vite réagi à la grève de la police pour éviter que les forces de l’ordre ne le lâchent. Mais, cela risque d’arriver à tout moment vu le retour inattendu de l’épisode 2 de l’Affaire Benalla. Macron aura beau satisfaire toutes les revendications des grévistes français, il ne regagnera plus sa crédibilité car il l’a définitivement perdue.
Je ne vois que trois issues possibles à cette crise : la destitution pure et simple de Macron qui sera suivie par la tenue d’une élection dans les plus brefs délais, la prise du pouvoir par des hauts gradés de l’armée ou la guerre civile.