(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG)
En un an au pouvoir, aucun chef d’Etat français n’avait été aussi malmené. Presque tous ont connu une courte période de lune de miel avant de faire face à une opposition d’une rare violence. Et pourtant pour Macron, les ennuis ont très vite commencé. N’est-ce pas le signe qu’il n’a jamais vraiment gagné la confiance de bon nombre de Français qui l’ont toujours considéré comme le président de l’oligarchie financière ? C’est possible que ce soit le cas.
Je rappelle que ce même Macron qui, aujourd’hui, fait face à une farouche opposition en France a été adoubé par la presse internationale avant son élection de 2017. Permettez-moi de revenir sur quelques titres de la presse internationale très flatteurs à l’endroit du plus jeune président de la Vème République.
« Macron assume très vite une attitude présidentielle », titrait le New York Times dans un article datant du 30 mai. Dans un édito du 23 avril rédigé par le journaliste Paul Blake d’ABC, ce dernier voyait deux options pour la France entre Macron et Le Pen. Le premier était, selon lui, la voie du mondialisme européen, tandis que la seconde était celle du nationalisme populiste. Je rappelle que le soir du 7 mai, la chaîne BBC désignait Macron en ces termes : « ambitious man » (homme ambitieux).
Les exemples de soutien de la presse internationale au plus jeune président de la Vème République sont légion. En France, je peux dire, sans risque de me tromper, que tous les médias de masse avaient ouvertement fait campagne pour Emmanuel Macron, un candidat certes charismatique mais inexpérimenté en politique qu’ils ont pourtant imposé au peuple français.
La plus grosse erreur de la presse a été, à mon avis, d’avoir voulu à tout prix imposer aux Français un candidat du système. Oui, nous savons tous, en effet, que Macron a été un banquier d’affaires ayant exercé chez les Rothschild où il a gagné en 18 mois 2,4 millions de d’euros. Son passage dans cette banque suffisait largement pour que l’élite en fasse son candidat de choix.
Par contre, pour les Français, Macron n’est pas la solution à un pays presque malade. Et les Français ne s’étaient pas trompés. En une année, le locataire de l’Elysée a donné raison à ses détracteurs, de droite comme de gauche, qui l’ont toujours perçu comme le représentant de Bruxelles, celui qui a été imposé aux Français avec l’unique objectif de casser le marché de l’emploi. « Macron applique la feuille de route de la Commission Européenne », s’indignait Mélenchon face à Bourdin le 23 mars 2018.
Depuis son accession à la tête de la France, chaque décision économique prise par Macron confirme la thèse qu’il joue le jeu de Bruxelles. Les exemples sont nombreux. Cependant, citons-en quelques uns. En juillet 2017, à peine arrivé au pouvoir, Emmanuel Macron obtient l’autorisation de 270 députés pour réformer par ordonnances la Loi Travail.
L’annonce de l’approbation de cette réforme avait suscité une vive réaction de la gauche qui s’était indignée. Le député socialiste, Jean-Luc Carvounas, dénonçait le 15 juillet « un passage en force » et le fait que la « loi soit votée à 21H15 un 13 juillet au soir ». « Le gouvernement prend tout le monde à la gorge, il avance au pas de charge en détricotant de manière méticuleuse le Code du Travail », s’indignait-il.
Cette attitude de vouloir, à tout prix, imposer la force pour résoudre des questions sociales avait fini par exaspérer certains hommes politiques, dont Nicolas Sarkozy, ex président français. « Je n’ai jamais été partisan des ordonnances qui, par le passé, au lieu de gagner du temps en ont fait perdre. Un gouvernement n’a pas à craindre le dialogue avec le Parlement », réagissait Sarkozy dans un discours prononcé au Sénat en mars 2018.
Le 26 février, Macron défie une bonne partie du peuple en annonçant la fin du statut des cheminots, en ayant recours une fois de plus aux ordonnances. D’un ton arrogant, Edouard Philippe annonce la nouvelle aux Français en direct à la télé. « Le statut de la SNCF est particulièrement rigide. Or, le monde change. La SNCF doit changer. Face aux concurrents, la SNCF ne peut rester la seule à recruter au statut », déclare le premier ministre.
Cette décision qui avait secoué la France était le premier signe qui avait alerté la presse étrangère que Macron n’était pas le messie. C’est à partir de là que la lune de miel a brusquement pris et que l’image du président français commençait à se détériorer sérieusement. Couplée à une chute de popularité dans les sondages d’opinion, la situation devenait périlleuse pour le président.
Plus il fait face à la réalité du pouvoir, plus Macron fait preuve de son incompétence à gérer le pays. Diriger la France, ce n’est pas faire de beaux discours à l’étranger alertant sur les menaces du nationalisme, c’est aussi et avant tout connaître les réalités politico-sociales de ce pays, ce qui semble ne pas être le cas pour l’actuel président de la France.
Je n’insisterai sur l’affaire Benalla qui a été le coup de grâce que la presse française a porté à Emmanuel Macron. Cette affaire a pu révéler au grand jour la fragilité du système Macron. La crise créée par la suppression du statut des cheminots aurait dû le pousser à la circonspection et à la prudence.
Mais, il n’en est rien. Alors que le climat est particulièrement délétère, Emmannuel Macron, dans sa volonté de faire plaisir aux riches, décide d’envenimer la situation, en annonçant le 14 novembre 3 milliards de taxe supplémentaires sur les carburants. Le constat est alarmant. En France où 69,75% des véhicules roulent en diesel, le prix (du diesel) a augmenté de 23% en un an.
Aujourd’hui, la colère a gagné une large partie de la population française qui, depuis le 17 novembre, a pris d’assaut les rues de toutes les villes du pays. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, tous dénoncent en effet une injustice sociale exacerbée par l’arrivée d’un « président des riches ».
Face à la forte contestation sociale tout à fait légitime venant des gilets jaunes, la logique voudrait que le président fasse un petit geste pour apaiser les tensions. Mais là aussi, Macron préfère durcir sa position, en annonçant ce mardi 27 novembre qu’il ne recevra pas les dirigeants du mouvement. N’est-ce pas là le signe d’un président arrogant qui manque d’empathie ? En tout cas, c’est ce que certains de ses détracteurs lui reprochent souvent.
Macron doit savoir que cette grogne populaire qui a gagné les lycées, les universités, les entreprises, les syndicats, la police…ne peut durer éternellement. En moins de deux ans, son gouvernement (qui doit rester 5 ans au pouvoir) a fortement divisé la France entre riches et pauvres et a exacerbé la haine du pouvoir.
Son arrivée au pouvoir n’a eu qu’un seul mérite : celui de libérer les Français de l’emprise totale d’un système médiatique mensonger qui, pendant une décennie, leur a fait croire que tout allait bien et qu’il y avait pire au-delà des frontières (Italie, Espagne, Portugal, Grèce…).
Si Macron tarde à apporter des résultats convaincants, nous risquons d’assister à une fin tragique de ce mandat.