(Un édito de la Rédaction)
Vouloir réformer un pays nécessite-t-il de prendre autant de risques, au point de diviser son propre peuple ? Deux ans après l’arrivée de Macron à la tête de la France, la réalité est celle-ci : une grande partie du peuple ne lui fait pas confiance en raison d’une politique très libérale dans une France qui veut encore conserver ses acquis sociaux.
A son arrivée au pouvoir, Macron avait montré son vrai visage en supprimant l’ISF (Impôt sur la Fortune). Il justifiait cette décision par le fait de ne plus faire fuir les gros patrimoines de la France. Une telle décision lui avait valu aussitôt le surnom de « Président des Riches » dont il a beaucoup de mal à se débarrasser.
Sans susciter une mobilisation dans les rues, la suppression de l’ISF avait fait grincer des dents dans une France où les inégalités sociales sont de plus en plus fortes. En effet, beaucoup voyaient dans cette suppression « un cadeau considérable fait aux plus riches ». Et le président n’a rien fait pour démentir ces détracteurs. Pis, il a aggravé sa situation en refusant catégoriquement de revenir sur cette suppression.
Un an plus tard, dans son obsession de réformer le pays, le président et son gouvernement vont trop loin, annonçant une hausse de la taxe carbone et l’assumant totalement en dépit d’un rejet presque unanime des Français. « On ne va pas annuler la hausse des carburants. Non, on ne va pas annuler la taxe carbone. On s’est engagé pendant la campagne présidentielle à organiser un système dans lequel on va progressivement peser sur le pétrole, et donc sur le carbone et donc sur la pollution, une partie des prélèvements fiscaux, plutôt que sur le travail », disait Edouard Philippe le 14 novembre 2018, quatre jours avant le déclenchement du premier acte Gilets Jaunes.
Il convient de rappeler que dès début février, la stratégie de l’Exécutif a été d’imposer la force afin de parvenir à la réforme de la France, un projet très cher au plus jeune président de la Vème République. Ainsi, le 26 février 2018, le gouvernement contre toute attente annonce la fin du statut des cheminots. « Le statut à la SNCF est particulièrement rigide. Or, le monde change. La SNCF doit changer aussi. Face à ses concurrents, la SNCF ne peut rester seule à recruter au statut », déclarait le premier ministre dans une allocution en direct depuis Matignon.
En mai 2018, sur la dette de la SNCF estimée à quelque 35 milliards d’euros, la position du gouvernement avait exaspéré plus d’un, annonçant que c’est le contribuable français qui la paiera. Répondant à la crise de la SNCF, la seule réponse de Philippe a été de dire : « on ira jusqu’au bout ».
Macron n’a jamais été dans la ligne du compromis. Il a toujours préféré imposer plutôt qu’écouter le peuple en colère. Et après avoir installé un climat de méfiance entre gouvernants et gouvernés, le voilà désormais entrer dans un terrain extrêmement périlleux qu’est celui de la réforme des retraites. Ce projet qui lui tient à cœur a déjà suscité un rejet massif de la population. CRS, pompiers, policiers, étudiants, universitaires, agents des hôpitaux…ont manifesté leur profond désaccord et promettent de bloquer le pays.
Ce climat de méfiance provoqué par un Exécutif arrogant est à l’origine d’une Grève Générale que la France n’a pas connue depuis des décennies. Cette grève générale qui commence ce 5 décembre va bloquer tout le pays et les conséquences seront désastreuses pour l’économie française. Déjà, on parle de pénurie d’essence dans plusieurs endroits du pays.
A cela s’ajoute, la grosse colère du peuple qui monte et qui manifeste tous les samedis dans les actes Gilets Jaunes. La mort du mouvement avait été annoncée il y a quelques mois par les médias très proches du pouvoir, mais compte tenu de la situation actuelle, il y a fort à parier qu’il renaisse de ses cendres.
Macron, qui avait qualifié les Français de « Gaulois réfractaires au changement » en août 2018, n’avait certainement pas pris en compte la difficulté de réformer en profondeur un pays aussi complexe que la France. Chirac, Sarkozy, Hollande…avaient tous tenté de recourir à la force avant de faire marche arrière.
La seule différence entre eux et Macron est que ce dernier (certes très grand économiste doté d’une brillante carrière de banquier) s’est donné, à son corps défendant, une image de président arrogant dotée d’une mission qui est celle de réformer la France, quelles qu’en soient les conséquences.
Pour Macron, le dialogue politique n’a aucun sens et seul le rapport de force permet de mener en profondeur des réformes. Son refus d’écouter le peuple va lui coûter très cher.