Une obsession envers la Chine qui frise un trouble psychique qu’il faudra, un jour ou l’autre, déceler et traiter chez Trump. En effet, depuis son accession à la tête des Etats-Unis en novembre 2016, le président américain a fait de la Chine sa cible privilégiée. Son objectif est clair et net : empêcher à tout prix que l’Empire du Milieu devienne la première puissance économique du monde, comme l’ont plusieurs fois prédit des économistes ces dernières années.
Trump bafoue littéralement les principes du « Free Market » (le marché libre, pilier du capitalisme américain tant vanté par les élites néolibérales) lorsqu’il constate que la Chine est sur le point de tirer profit d’une transaction économique sur le sol américain, ce qui, du point de vue américain, est tout à fait compréhensible. Car, pour Trump, président des Etats-Unis, toute ascension économique de Pékin est un danger pour l’Occident, notamment l’Amérique du Nord.
Je dois ajouter que la terrible guerre commerciale qu’il avait déclenchée contre la Chine en 2018 en imposant à Pékin des droits de douane d’une valeur de 250 milliards de dollars entre toujours dans cette logique de bloquer la route à un géant économique et démographique, devenu ces dernières années, une véritable menace à l’Amérique du Nord.
Et il n’y pas que Trump à s’en offusquer ! Je dois en effet souligner que l’influence de plus en plus grandissante de la Chine en Afrique sort l’Europe de ses gonds, notamment la France qui craint de se faire détrôner par Pékin dans un continent où Paris a d’énormes intérêts géopolitiques et géostratégiques à préserver.
Cette obsession envers tout ce qui est lié de près ou de loin à la Chine est devenue effrayante, quoi qu’utile pour Trump qui semble trouver un moyen efficace de masquer sa gestion calamiteuse du Coronavirus mais aussi pour l’Europe, dont la mort se précise de plus en plus, et qui y trouve un moyen de détourner l’attention de sa population sur les récentes crises qui ont secoué l’Union Européenne.
La réalité actuelle, n’en déplaise à certains, est que l’Europe n’existe plus sur le plan économique et technologique. Le terrain est désormais totalement conquis par deux puissances : les Etats-Unis, grâce aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et la Chine, propriétaire de Huawei, géant technologique chinois et redoutable concurrent de Google.
Les Américains ont parfaitement compris que la bataille technologique est la seule aujourd’hui pour laquelle une civilisation doit accepter de mourir. On la gagne ou on la perd. Mais, elle est fondamentale pour la survie de toute civilisation à une époque où l’Intelligence Artificielle est pressentie pour devenir le futur moteur de l’économie mondiale.
L’Europe, très fortement divisée par plusieurs crises internes (Islam, Immigration, la question de l’Euro…), s’est auto-exclue de cette guerre technologique dans laquelle elle aurait pourtant pu jouer un rôle majeur. A l’instar de l’Afrique ou l’inde ou l’Amérique du Sud, le vieux continent assiste, impuissant, à l’invasion, sur son sol, de la technologie nord-américaine et chinoise, faisant de l’Europe une puissance de plus en plus fragile qui semble n’avoir plus aucune perspective pour l’avenir.
La guerre technologique qui oppose la Chine à l’Amérique du Nord, très frappée par le Coronavirus avec une dette nationale estimée 26 000 milliards de dollars, est l’ultime terrain d’affrontement qui risque de nous mener tout droit vers une guerre militaire. En effet, consciente de la chute inévitable du dollar qui, jusqu’ici, représentait une arme fatale des Etats-Unis contre ses concurrents, l’Amérique de Trump s’est désormais orientée vers la guerre numérique, le dernier bastion qui lui reste pour éviter de perdre sa place de première puissance économique du monde.
Sauf que dans cette guerre, les méthodes appliquées par le pays de l’Oncle pour contrer la Chine sont loin d’être transparentes, ni démocratiques, ni justes. On a affaire à un gendarme du monde qui, pour empêcher que son plus redoutable rival prenne le dessus sur lui, n’hésite plus à recourir aux sabotages aussi bien sur le plan politique, économique que technologique.
Et je m’explique. Donald Trump a récemment signé un décret présidentiel interdisant l’utilisation de TikTok, un réseau social appartenant à ByteDance. Les deux appartiennent à la Chine et le récent succès de TikTok, dont le nombre d’abonnés a dépassé les 100 millions, est un coup dur pour Trump, notamment lorsque le réseau social chinois jouit d’une immense popularité aux Etats-Unis.
Dans le décret en question, Trump accuse le réseau social chinois de voler des données privées de ses utilisateurs américains. « TikTok collecte automatiquement d’importantes quantités d’informations de la part de ses utilisateurs, mais aussi des informations en provenance d’internet y compris la localisation des données », peut-on lire.
Dans une interview accordée à Fox News, la chaîne qui défend sa réélection, le président américain n’a pas mâché ses mots quand il est interpellé sur le vol de données privées par la Chine. Sur ce, il dira : « ils nous volent nos données privées depuis des années, ils volent tout ». Trump ira plus loin, en faisant clairement du chantage à Pékin qui n’a désormais que deux options : voir son réseau social complètement banni aux Etats-Unis ou le vendre à un géant des GAFAM qui va gérer les données privées de ses utilisateurs.
En effet, Donald Trump pose une condition à la Chine : soit les Etats-Unis interdisent TikTok de fonctionner sur son sol ou bien la Chine sera contrainte d’accepter qu’une entreprise américaine finalise un deal avec le géant chinois afin de s’occuper de toutes les opérations liées à la très sensible question des données privées.
Le réseau social chinois a désormais le couteau sous la gorge d’autant plus que l’administration Trump ne lui a accordé qu’un délai de 45 jours pour prendre une décision. Pour le moment, un concurrent américain frappe déjà à la porte. En effet, Microsoft s’est dit prêt à débourser entre 10 millions et 30 millions de dollars pour s’occuper des données de TikTok.
Mais, TikTok ne s’avoue pas vaincu. Dans un communiqué publié ces dernières heures, il a annoncé qu’il fera appel de la décision de l’administration Trump devant les tribunaux américains. « C’est de la pure spéculation. Ce décret ne se base sur rien, il ne fait que répéter un discours sur la Chine qui commence à gagner du terrain », dénonce une source proche du réseau social cité par le média américain NPR.
Donc, il nous reste 40 jours pour savoir ce qui va réellement se passer, si TikTok va prendre l’énorme risque de quitter le territoire américain en perdant des millions d’abonnés (d’autant plus qu’il vient de dépenser 200 millions de dollars dans un programme destiné à rémunérer ses utilisateurs) ou s’il choisira finalement de courber l’échine en poursuivant ses activités sur le sol américain tout en perdant le contrôle sur la gestion des données privées de son entreprise. Quoi qu’il en soit, les deux options sont dangereuses pour sa survie.
Le chantage de Trump ira plus loin lorsqu’il avance l’idée que Microsoft (ou toute autre entreprise américaine qui veut acheter une partie de TikTok) devrait verser une part au Trésor Public américain. Autrement dit, il incite implicitement les entreprises américaines à acheter intégralement l’entreprise chinoise, ce qui serait un autre coup de massue asséné à la Chine.
Il est évident à partir de là que le souci majeur des Américains n’est pas lié à la question des données privées mais ils cherchent à barrer la route à la Chine à chaque fois qu’ils se rendent compte qu’elle représente une menace à leurs intérêts aussi bien sur le plan économique, militaire que politique.
Il y a tout de même un détail intéressant à souligner. C’est que quand Trump reproche à la Chine de voler des données privées des Américains dans le cadre d’une guerre économique mondiale, il n’a peut-être pas tort. L’Amérique du Nord est en effet devenue une véritable menace à la Chine qui la surveille comme le lait sur le feu afin d’exploiter ses moindres failles pour mieux l’achever. Sur ce point, les Américains ont parfaitement raison de se méfier d’un ex régime communiste, de surcroît un concurrent, aux méthodes totalitaires qui espionne sa propre population pour museler toute dissidence.
Par contre, la mauvaise foi des Etats-Unis se manifeste au grand jour lorsqu’ils évoquent des risques de vol de données privées par la Chine via TikTok. En effet, aujourd’hui, il est clair et net que tous les GAFAM volent les données privées de leurs utilisateurs, et ce dans les tous les pays où ils opèrent, aux Etats-Unis, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie…Et les GAFAM qui collectent des millions de données privées sans l’aval des utilisateurs sont pour le moment tous Américains. Et comme par hasard, cela ne semble pas poser trop de soucis à Donald Trump.
Et ils ne sont pas les seuls. Nous savons tous que le Patriot Act de 2001 mis en place par le gouvernement américain, sous George Walker Bush, a ouvert la voie à une surveillance massive des autorités américaines sur leur propre population, ce qui a plus tard été dénoncée par Edward Snowden, ex agent de la NSA.
En conséquence, l’accusation selon laquelle la Chine vole des données privées, aussi fondée soit-elle, ne suffit pas pour éliminer TikTok du marché mondial des réseaux sociaux. Mais, on aura au moins compris que le but des Etats-Unis, en procédant de la sorte, est de nuire aux intérêts de Pékin et de neutraliser toute entreprise qui est prête à accaparer un marché qu’ils veulent contrôler à tout prix.
Je conclurai cette modeste analyse en soulignant que les Américains font pire que TikTok dont je ne prends pas la défense. En effet, non seulement les Etats-Unis espionnent, via les GAFAM, mais se permettent d’ingérer ouvertement dans les affaires internes de pays souverains. Pour cela, il suffit juste de voir comment ils gèrent la question du Hong-Kong.
En effet, dans ce conflit qui oppose l’Etat central chinois au Hong-Kong, Trump soutient ouvertement un territoire qui aspire à se séparer de la Chine, encourage les manifestants pro-Hong-Kongais à envahir les rues au nom de la liberté d’expression et impose des sanctions à l’encontre de dirigeants politiques chinois.
Pourtant, lorsqu’en 2017, des milliers de manifestants catalans avaient arpenté les rues de la Catalogne pour exiger l’indépendance de leur territoire de l’Espagne, un pays situé au cœur de l’UE, ni Trump, ni aucun dirigeant politique européen les avait soutenus. De même lorsque des centaines de milliers de Gilets Jaunes avaient envahi les rues de la France en novembre 2018 exigeant des meilleures conditions de vie, Trump s’était muré dans un mutisme absolu.
Quel Etat au monde ose ainsi s’ingérer dans les affaires internes des Etats-Unis? Soutenir ouvertement le mouvement Black Lives Matter? Et imposer des sanctions à des autorités américaines pour avoir déployé une partie de l’armée pour réprimer des manifestants qui n’exigent rien d’autre que le respect de leurs droit civiques?
Aucun Etat n’oserait prendre un tel risque sinon, ce serait l’isolement total pendant au moins une décennie suivi probablement d’un « regime change » depuis Washington. Mais, quand le pays de l’Oncle Sam le fait dans un autre territoire et au nom de la liberté et de la démocratie, c’est tout à fait normal. Certains iront même jusqu’à évoquer le « Manifest Destiny », l’ « American Exceptionnalism » ou la « Doctrine Monroe » pour justifier l’ingérence américaine.
Aussi, dois-je rappeler qu’une délégation américaine est arrivée à Taiwan ce 9 août 2020 pour la première fois depuis 1979. Nous savons tous que la volonté des autorités américaines, à travers cette visite, est de mettre en danger les intérêts de la Chine dans ce territoire. C’est une ingérence pure et simple qu’il faut avoir le courage de dénoncer.
L’attitude belliqueuse de Trump envers la Chine, au-delà d’être puérile, confirme, hélas, que l’Occident, dans cette guerre civilisationnelle, n’a plus que la menace et l’intimidation pour mettre ses adversaires à genoux. Les Européens l’avaient aussi fait, à leur temps, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique Latine.
C’est une stratégie certes très efficace, à court terme, pour terroriser l’adverse mais qui, en aucun cas, ne peut prospérer à long terme. Car ce qu’elle révèle, au fond, est que l’Occident (les Etats-Unis en premier lieu) ne peut plus rien obtenir sans le recours à la force.
Ceci est la preuve que le realpolitik qui a permis à l’Occident de contrôler la planète toute entière pendant au moins trois siècles est à bout de souffle. Il est désormais remplacé par un banditisme diplomatique qui nous mène aujourd’hui à la guerre commerciale et qui, demain, nous mènera inévitablement à une guerre militaire que l’Occident a déjà perdue.