Dans une interview accordée au média LaDépêche.fr publiée ce 02 novembre, Olivier Véran, ministre français de la Santé, prévient des risques d’une nouvelle vague cette automne
Lecourrier-du-soir.com vous propose la lecture intégrale de l’interview
Excellente lecture!
Certains départements de la région, comme l’Aveyron ou la Lozère, connaissent une accélération importante des cas de contamination du Covid. Faut-il craindre une cinquième vague ?
Au 31 octobre, le taux d’incidence nationale était de 56,9 cas pour 100 000 habitants, en augmentation de 11% sur les 7 derniers jours. Depuis plusieurs jours, il y a aussi un peu plus d’hospitalisations. Donc oui le virus circule plus en ce moment. La région Occitanie illustre bien cette situation : l’Aveyron présente un des taux d’incidence les plus élevés de l’Hexagone avec 95 cas pour 100 000 habitants, en hausse de 12% sur les 7 derniers jours et la Lozère 70 cas pour 100 000, en augmentation de 46% sur les 7 derniers jours. Mais il faut dire que dans ces départements peu peuplés, le taux d’incidence correspond à peu de nouveaux cas, de petites variations de patients suffisent à rendre les évolutions en pourcentage importantes. Cette situation globale n’est pas étonnante, il y a un effet saisonnier très marqué avec la baisse des températures et l’augmentation de l’humidité qui favorisent la multiplication du virus dont la circulation est accélérée par le fait qu’on sort moins à l’extérieur dans cette période.
Une nouvelle vague est donc possible pendant cette automne-hiver, regardez certains de nos voisins. Le Royaume uni a des niveaux d’incidence élevée. On voit aussi que le Danemark, qui a levé son pass sanitaire depuis la mi-septembre, subit une hausse importante des nouveaux cas. Bref, la vigilance est de mise, mais nous avons plusieurs cordes à notre arc pour négocier au mieux cette évolution et la transformer en simple vaguelette pour le système de soins si tout le monde est solidaire. Nous sommes l’un des pays les mieux vaccinés au monde avec 88 % de la population éligible et 76% de la population totale, et le pass sanitaire est un outil souple et très protecteur, que nous conserverons tant que la situation restera à risque mais que nous allégerons dès que nous le pourrons.
Aujourd’hui, l’enjeu majeur est de continuer à agir pour diminuer la circulation du virus et ses conséquences pour l’hôpital et pour les personnes qui peuvent tomber gravement malades. Pour cela, il est essentiel que toutes les personnes éligibles, je pense en particulier aux personnes âgées, fassent leur rappel de vaccin Covid ainsi que leur vaccination contre la grippe. Il est également essentiel que chacun d’entre nous continue à respecter les gestes barrières, se laver les mains, porter le masque dès que c’est nécessaire, c’est efficace contre le Covid mais aussi contre tous les virus de l’hiver, je pense à la bronchiolite qui menace les tout-petits.
Concernant le pass sanitaire, au-delà du débat sur les dates, le Sénat a voté pour sa territorialisation. Pourquoi n’êtes-vous pas d’accord avec cette position ?
La question de la territorialisation du pass sanitaire et plus largement d’autres mesures se pose depuis le début de l’épidémie. C’est ce que nous faisons d’ailleurs pour le port du masque à l’école pour les enfants de moins de 12 ans : on l’enlève dans les départements avec un taux d’incidence de moins de 50 pendant plusieurs jours, on le garde pour les autres départements. Je comprends donc la logique mais, en pratique, pour le pass sanitaire, cela complexifierait beaucoup son application. Surtout sur les zones « frontières » à la maille régionale ou départementale, cela donnerait des incohérences et un sentiment d’injustice. Dans un département le pass serait demandé pour le restaurant, et dans un autre, à quelques kilomètres, il ne serait pas exigé. Cela ne me paraît pas juste et ce n’est donc pas la voie que nous avons prise.
Vous entamez une tournée des régions pour détailler le plan d’investissement du Ségur de la Santé, comment va se répartir cet investissement dans notre région ?
J’ai commencé une tournée des régions pour annoncer les investissements financés grâce au Ségur de la santé pour plus de 3 000 établissements de santé et médico-sociaux. Près de 1 300 établissements du service public hospitalier bénéficieront d’un assainissement financier et près de 500 d’un projet structurant accompagné par le Ségur. C’est une modernisation inédite de notre système de santé, et c’est au bénéfice de la proximité territoriale. Le Premier ministre annoncera vendredi l’ensemble des investissements dont bénéficiera l’Occitanie. Pour ma part, je suis venu sans attendre dans le Tarn pour donner le feu vert à la 2ème phase du projet de modernisation du centre hospitalier d’Albi, avec notamment la création d’un plateau de consultation pour faciliter le circuit du patient dans l’hôpital, l’installation d’un 2ème scanner, et l’extension des blocs opératoires et du service de réanimation qui aura 4 lits de plus qu’aujourd’hui.
L’opération albigeoise sera soutenue par le Ségur à hauteur de 16M€. Je viens aussi rencontrer les porteurs du projet pour l’hôpital de proximité de Gaillac, qui va rénover l’un de ses bâtiments pour y installer une maison de santé pluriprofessionnelle en collaboration avec la CPTS du Grand Gaillacois, créer un espace pour de la radiologie et des consultations de médecins spécialistes. C’est un très beau projet qui correspond à ce que l’on cherche à développer pour assurer l’offre de soins dans les territoires. Ce projet sera accompagné à hauteur de 1M€. Enfin, pour Graulhet, il s’agit de soutenir un hôpital de proximité qui développe un secteur de consultations spécialisées, d’activité de psychiatrie, pour un coût de 2,4M€, que nous allons accompagner à hauteur de 1M€, là encore en lien avec la mairie de Graulhet et la CPTS du Centre Tarn.
Le reste des projets, y compris pour le Tarn, seront annoncés par le Premier ministre vendredi à Montpellier.
Quelles sommes vont être consacrées au « quotidien dans les établissements de santé » d’Occitanie ?
L’enveloppe des investissements du quotidien vise à améliorer tout de suite le fonctionnement quotidien des services, améliorer le confort de travail des soignants, améliorer l’accueil des patients. Pour l’Occitanie, cette enveloppe est de 179M€, dont 155M€ pour les hôpitaux !
Cela a permis par exemple dès cette année de renouveler un échographe, d’acheter une baie d’électrophysiologie ou des tables de réanimation pour bébé au centre hospitalier d’Albi ou d’aménager la zone pour le second scanner ainsi que de réaménager les consultations d’anesthésie au centre hospitalier de Castres/Mazamet ou encore d’accélérer la dématérialisation des dossiers de soins d’urgence au centre hospitalier de Lavaur et d’améliorer l’offre de soins en chirurgie ophtalmologique à la clinique Toulouse-Lautrec à Albi.
Quels sont les établissements concernés par le désendettement ? Quel sera le montant accordé et comment cela va-t-il se mettre en place ?
Sans dévoiler toutes les annonces, je peux vous dire que le centre hospitalier de Graulhet bénéficiera d’une aide à ce titre à hauteur de 1,6M€ ; l’hôpital de Castres-Mazamet bénéficiera lui d’un soutien de 18,5M€. Ces hôpitaux recevront ces montants sur 10 ans ce qui leur donnera de l’oxygène pour relancer l’investissement nécessaire au bon fonctionnement quotidien des services.
Quels Ephad vont connaître une modernisation et à quelle hauteur ?
Le travail de l’ARS et des conseils départementaux de l’Occitanie ont permis d’identifier autour de 180 EHPAD qui seront accompagnés dans leurs projets structurants au cours des 5 prochaines années. Les travaux continuent jusqu’au printemps prochain pour finaliser les plans d’investissement. Au niveau national, nous consacrons 1,5Md€ du Ségur pour cela. S’y ajouteront 600 M€ pour accélérer la transformation numérique des EHPAD.
D’ores et déjà, aujourd’hui, j’inaugurerai l’EHPAD Saint-André du centre hospitalier de Gaillac qui a été complètement rénové et mis aux normes. Je donnerai aussi le feu vert à la reconstruction de l’EHPAD St François à Graulhet, à proximité de l’Ehpad du Pré de Millet et de l’hôpital de Graulhet, pour 50 places dans un projet moderne d’accueil, de vie et de prise en soin des résidents, en tenant compte de leurs parcours du vieillissement. Ce projet, qui sera accompagné par le Ségur à hauteur de 1,2M€, correspond parfaitement à la notion d’EHPAD de demain, ouvert sur son environnement, que nous appelons de nos vœux avec Brigitte Bourguignon.
De nombreux autres EHPAD sont d’ores et déjà identifiés dans la stratégie régionale des investissements Ségur pour l’Occitanie que le Premier ministre dévoilera vendredi.
Notre région est particulièrement touchée par le problème des déserts médicaux, le Ségur de la santé est-il la réponse adéquate à ce fléau ?
C’est un sujet majeur qui mobilise toutes nos énergies. Le Tarn démontre qu’il ne faut pas baisser les bras, avec des exemples de réussite remarquables qui permettent d’améliorer considérablement l’offre de soins. Prenons l’exemple de Graulhet : alors qu’il y a trois ans l’hôpital faisait face à un risque majeur de rupture de l’offre de soins, l’ensemble des mesures portées par les acteurs locaux ont renversé la donne.
Un praticien hospitalier d’Albi a d’abord été recruté par l’hôpital, il sera bientôt renforcé par un autre recrutement compte tenu de la demande. L’accès aux avis spécialistes et à l’imagerie médicale, inexistant aujourd’hui sur le Graulhétois, sera assuré grâce au projet porté par les médecins des hôpitaux d’Albi et de Graulhet, pour développer les consultations, la télémédecine de spécialités (dermatologie, endocrinologie, cardiologie, chirurgie orthopédique, infectiologie), avec le centre hospitalier de Lavaur pour des consultations de gynécologie – obstétriques, et la création d’un plateau d’imagerie de proximité. C’est donc le pari réussi d’une équipe médicale diversifiée (médecins libéraux de la CPTS centre Tarn, praticien hospitalier d’Albi, médecin contractuel) soudée et ambitieuse, en lien étroit avec la ville.
Collaboration étroite entre tous acteurs locaux, CPTS, hôpital de proximité, souplesse d’exercice entre ville et hôpital, télémédecine, et des moyens supplémentaires : voilà la boîte à outils que nous avons mise à disposition des acteurs locaux pour qu’ils puissent mener à bien les projets permettant de garantir l’offre de soins dans les territoires.
Quid des « oubliés du Ségur », comme certains professionnels du handicap, de l’aide à domicile ou de la protection de l’enfance ? Pourront-ils être revalorisés ?
Le Ségur a répondu aux problématiques qui sont apparues de façon aiguë à la suite de la 1ère vague du COVID. L’accord majoritaire signé avec les organisations syndicales en juillet 2020 vise les personnels des hôpitaux et des EHPAD. Il n’y a donc pas d’oubliés du Ségur, il y a d’autres revendications, légitimes, qui ont émergé. C’est pourquoi nous avons lancé la mission Laforcade pour les autres établissements médico-sociaux et sociaux.
Suite aux travaux de la mission Laforcade, nous avons étendu le complément indiciaire du Ségur (183 euros nets par mois) aux personnels non médicaux exerçant dans les établissements sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement public de santé ou à un EHPAD, dans les groupements de coopération sociale et médico-sociale et dans les groupements d’intérêt public à « vocation sanitaire », à compter du 1er juin 2021, et aux personnels soignants, aux aides médico-psychologiques, aux auxiliaires de vie sociale et aux accompagnants éducatifs et sociaux exerçant au sein des établissements médico-sociaux publics autonomes, financés pour tout ou partie par l’assurance maladie, à compter du 1er octobre 2021. La mesure de revalorisation est également étendue aux personnels des établissements médico-sociaux du secteur du handicap pour janvier 2022. Il reste bien sûr des revendications, nous travaillons avec les représentants des secteurs concernés.
L’actualité, c’est aussi la pénurie de soignants à l’hôpital : quelles solutions pour endiguer les départs ? (question subsidiaire : Avez-vous des chiffres précis sur cette situation ?)
Nous faisons face à une situation difficile où un certain nombre de professionnels hospitaliers, épuisés par 20 mois de COVID et par une vie professionnelle exigeante, avec des gardes de nuit, les week-ends, souhaitent changer d’horizon professionnel. Par ailleurs, des étudiants en santé ont renoncé à prendre un poste à la fin de leur formation durant ces années COVID. Cela a évidemment un impact sur l’offre de soins, nous y travaillons nuit et jour avec les agences régionales de santé et les hôpitaux, à la fois pour gérer les situations urgentes et pour préparer l’avenir.
Il faut d’abord former plus de professionnels. Nous avons ainsi augmenté le nombre de places dans les instituts de formation, le Ségur de la santé prévoit 6000 places supplémentaires en 3 ans. En Occitanie, l’Etat, en lien avec le conseil régional, permettra de former 600 infirmières de plus par an en 2022 par rapport à 2019 soit une hausse de près de 30%.
Il faut aussi attirer davantage de professionnels de santé à l’hôpital et les fidéliser. Pour cela, le Ségur a revalorisé les carrières hospitalières, avec des rémunérations très nettement augmentées par rapport à la situation antérieure. Il permet aussi aux hôpitaux, par des accords locaux, de proposer des mesures en termes de résorption de la précarité de l’emploi, d’organisation du temps de travail, de valorisation de l’engagement collectif. Le Ségur propose aussi de renforcer le management de proximité, dans les services. J’invite donc vivement les hôpitaux à se saisir de ces outils pour améliorer le cadre de travail des personnels hospitaliers. La solution aux difficultés actuelles passe nécessairement par ces évolutions locales.