Un édito du Financial Times, très puissant média américain, prédit la chute de Macron et l’éventuelle arrivée de Marine Le Pen à la tête de la France en 2022
Très bonne lecture !
« Ses manières impériales et son manque d’intelligence émotionnelle le rendent vulnérable.
Emmanuel Macron vient d’entrer dans la seconde partie de son mandat présidentiel et les élites métropolitaines françaises se font déjà des soucis pour les élections à venir. Comme ils le disent, les signes sont loin d’être encourageants. Car en effet, si, sur le plan international, Macron séduit, il n’est plus applaudi sur le plan national. Macron pourrait perdre les élections de 2022. Et périlleusement, Marine Le Pen, chef de file de l’extrême-droite, pourrait faire son entrée à l’Elysée.
Cela risque d’être un véritable séisme politique. Le choc pourrait être ressenti en dehors de la France. D’ailleurs, à chaque fois que je me rends à Berlin, j’entends les plaintes sur les habitudes du président français et de son agenda. Cela pourrait avoir des conséquences négatives pour l’Allemagne mais aussi pour les ambitions de la France pour une Europe qui est en rivalité avec deux puissances que sont la Chine et les Etats-Unis.
Les touristes qui se rendent en France doivent se rendre compte qu’elle est devenue très peu joyeuse. Ceci dit, cette humeur qu’on note en France en ce moment est particulièrement dyspeptique. Les manifestations Gilets Jaunes, contre le mépris que la France métropolitaine a à l’égard des provinces, se sont essoufflées. Cependant, de profondes rancunes persistent. Cet espace a été occupé par une colère des syndicats contre les réformes.
Les grèves contre les projets de moderniser une réforme des retraites byzantines et coûteuses vont bientôt entrer dans leur troisième mois. Jusqu’à si récemment, Paris a été bloqué par les grèves dans les gares et les routes. Enseignants, infirmiers et avocats ont rejoint les manifestations. Les poubelles sont entassées dans les rues faute d’incinérateurs.
Macron pourrait probablement affronter cette crise, mais ses chances se réduisent. Les concessions du gouvernement ont certes fini par désamorcer l’opposition qui compte quelques syndicalistes modérés, cependant, si Macron peut gagner, c’est à quel prix ? Les grèves ont mis fin à la reprise de la croissance qui avait réduit le taux de chômage pour la première fois depuis une décennie.
La cote de popularité du président est en dessous des 30%. Depuis 1980, seul François Hollande, prédécesseur de Macron, avait atteint une cote de popularité plus basse en deux ans au pouvoir. La confiance s’est effondrée. Plus des 3 quarts des personnes interrogées estiment que la réforme des retraites aurait dû être faite il y a longtemps. Et plus de la moitié soutient les grèvistes.
La République En Marche, mouvement créé en 2017 par Emmanuel Macron, risque de perdre lamentablement les élections municipales de mars prochain. Pire, une guerre interne sur le choix du candidat fait que le parti pourrait même perdre Paris où Macron comptait 90% de soutiens en 2017.
Il faut dire que la plupart des critiques de Macron se focalisent plus sur le style que son le fond. Les réformes du marché du travail, les impôts, l’éducation, la formation et les retraites dont il avait fait une mission politique ont fragilisé les derniers gouvernements de gauche et de droite. Mais, chez lui, ce qui le plus pose problème, ce sont ses manières impériales, son manque d’intelligence émotionnelle et le sentiment qu’il vit sur une autre planète.
Derrière ces critiques se cachent les véritables fractures de la société française entre les grandes villes et les provinces et entre les novices et les vétérans du monde du travail. Mais étrangement, Macron a balisé la voie de l’Elysée à Marine Le Pen. Il a dévasté les partis traditionnels de gauche et de droite en 2017 en plaçant la présidentielle dans le cadre d’une compétition entre progressistes, pro-européens et nationalistes réactionnaires. Ni les Républicains, ni les Socialistes n’ont pu se remettre de ce choc. Cependant, Marine Le Pen pourrait, quant à elle, redessiner les lignes comme étant celle d’une confrontation entre le mondialisme et le nationalisme. C’est un combat qu’elle pense pouvoir gagner.
Les alliés de Macron admettent que ce dernier a perdu un grand de nombre de soutiens de ses électeurs socialistes qui craignent la destruction de l’unique contrat social français. En effet, la réforme des retraites progresse, même si l’on nous dit qu’elle profitera aux plus démunis. Cependant, très peu a été fait par Macron pour contrer le récit populiste selon lequel les réformes représentent la mise en marche du néolibéralisme.
Marine Le Pen a désinfecté son Rassemblement National. Elle se revendique désormais en tant que porte-étendard de la tradition et de la stabilité. Elle s’est éloignée des positions extrêmes défendues par son père. La sympathie envers Vichy et l’antisémitisme ont disparu avec la mise à l’écart de Jean-Marie Le Pen pour céder la place cependant à l’islamophobie. Son hostilité à l’égard de l’euro et de l’Union Européenne s’est tempérée.
D’ailleurs, dans une récente interview accordée à Financial Times, elle faisait savoir que son parti est « profondément raisonnable et pragmatique ». En réalité, c’est loin d’être le cas. Néanmoins, les électeurs qui en ont marre du statu quo pourraient ne pas avoir trop de choix (au moment de voter pour elle).
Il faut dire que Marine Le Pen a obtenu un important soutien de la part du mouvement des Gilets Jaunes et des ex électeurs de Jean-Luc Mélenchon. D’ailleurs, elle continue de pêcher davantage d’électeurs de gauche, suivant à peu près le même modèle que celui de Boris Johnson en Grande-Bretagne. Un tel changement donnerait sans aucun doute à Marine Le Pen les clefs de l’Elysée.
A mon avis, il serait beaucoup trop tôt de désespérer des projets de Le Pen. Ceux qui prédisaient sa mort (politique) se sont trompés en 2017 lorsqu’elle venait de briser l’ancien système. Macron cherchera à tendre la main à la droite traditionnelle et à une partie de la vieille gauche, mais devrait faire très attention.
Il avait raison dans ses prescriptions pour la France mais il s’est trompé dans sa manière de les gérer ».
Cet édito est produit par Philip Stephens, éditorialiste au Financial Times.
L’édito a été intégralement traduit de l’anglais au français par Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com.
Pour lire l’édito dans sa version originale, cliquez ici : The Financial Times