(Article de Abdel Doukoure)
La société civile comme les autorités ivoiriennes misent sur la sensibilisation de la population aux dangers de l’immigration illégale, et espèrent une coopération entre l’Union africaine et l’Union européenne pour endiguer le phénomène.
On le savait depuis longtemps : le rêve européen de beaucoup d’Africains candidats à l’immigration vire souvent au cauchemar. Un constat qui s’est renforcé avec la récente mise en lumière des cas de mise en esclavage de migrants en Libye. Les sévices des passeurs n’empêchent pas les migrants de prendre le risque de traverser la Méditerranée. Depuis le début des années 90, près de 30 000 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre les côtes européennes.
Comment répondre, dès lors, au fléau de l’immigration clandestine, qui profite à la fois de la porosité des frontières et de la croyance, souvent excessive et aveugle, que l’Europe est un eldorado ? C’est la question sur laquelle s’est penchée la Côte d’Ivoire, le 16 novembre dernier, lors de la troisième édition du colloque sur l’immigration clandestine, à Abidjan. Les participants, acteurs du privé comme du public — l’ambassade libyenne était notamment partenaire de l’événement —, ont répondu à l’appel du cabinet international Pkd World, dont le but est de faire émerger des solutions pragmatiques et participatives à la problématique. Une façon de débattre et faire émerger des solutions entre acteurs de la société civile et les organismes étatiques afin d’épargner ce calvaire aux jeunes africains.
« Mesures urgentes et coordonnées »
Les autorités ivoiriennes ont choisi de s’engager massivement dans la sensibilisation de la population, pour l’avertir des dangers de l’immigration clandestine et l’en dissuader. Outre la tenue de ce colloque à Abidjan le 16 novembre dernier, la capitale ivoirienne accueillait du 11 au 18 novembre une campagne autour du thème « Migrations : loin de chez moi ? », organisée par la Fondation Friedrich Naumann et soutenue par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Au menu, notamment : la projection de plusieurs films sur l’immigration, des débats, une exposition photographique et même un concours d’art oratoire.
Pour Yacouba Sangaré, le coordonnateur du festival, « la Côte d’Ivoire fait partie des pays où il y a le plus de départs […] c’est pourquoi il est important de multiplier les campagnes pour freiner ce phénomène. » Le bilan de la semaine ? Il est « positif » selon lui, aussi bien du côté de l’organisation que du public accueilli. « On a eu une bonne mobilisation sur l’ensemble des sites » où les visiteurs ont pu assister à « des plaidoyers très forts avec une interpellation des autorités sur les questions des droits humains et de la migration irrégulière ». Signe que la société civile ivoirienne est consciente des enjeux.
Du 29 au 30 novembre prochains, le gouvernement ivoirien pourra d’ailleurs exposer aux autres pays africains ses avancées en matière de sensibilisation sur la question migratoire. Abidjan abritera le cinquième sommet Union européenne (UE) — Union africaine (UA), où 83 chefs d’État et de gouvernement débattront de cette problématique. Avec, en point d’orgue, le sujet sur les ventes aux enchères d’êtres humains en Libye, révélées par la chaine américaine CNN il y a quelques semaines. Le président de la commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, ayant d’ores et déjà appelé à « des mesures urgentes et coordonnées entre les autorités libyennes, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies ».
Pour l’instant, seules des mesures « à court terme » et conjoncturelles peuvent être prises. Ainsi, le 21 novembre dernier, la Côte d’Ivoire a rapatrié 155 des siens qui se trouvaient en détention à Zouara, dans l’ouest de la Libye, et se prépare à répéter l’opération pour plus de 400 Ivoiriens. À l’arrivée, indique Issiaka Konaté : des programmes de réinsertion notamment grâce à l’aide économique européenne. Un soutien indispensable pour des jeunes hommes souvent traumatisés et très affaiblis après des semaines de voyages et de mauvais traitements.
(Article de Adel Doukoure)