On ne se dirige plus vers une dictature. On est en dictature. Le Sénégal, cette République jadis applaudie et ovationnée par la communauté internationale pour sa solide démocratie, a basculé depuis quelques années dans une dictature qui ne dit pas son nom où désormais, même le droit de manifester, pourtant garanti par la Constitution, est passible de peines de prison.
En effet, il y a un peu plus d’une semaine, la Sénélec, la société nationale de distribution, avait annoncé une augmentation de 10% du prix de l’électricité. Une hausse dénoncée par plusieurs sénégalais qui ont du mal à joindre les deux bouts dans un pays où la corruption a atteint son paroxysme ces dernières années.
Juste après l’annonce, des militants patriotes ont arpenté les rues de la capitale pour protester contre cette hausse qui affectera très durement le portefeuille du sénégalais moyen qui survit avec un misérable salaire qui ne lui garantit même plus une vie digne dans son propre pays.
Plusieurs manifestants ont été arrêtés ce fin novembre lors de cette première manifestation. Parmi eux, Guy Marius Sagna, activiste engagé qui, ces dernières années, s’est fait connaître grâce à son engagement sans limite dans la lutte contre la corruption et contre la dilapidation des ressources naturelles du pays.
Désormais, le régime en place ne cible plus des militants qui mettent leur vie en danger pour défendre un pays à genoux, tué par une élite mafieuse qui a tout bradé. Il s’attaque à toutes celles et ceux qui osent le défier. En effet, ce vendredi, des centaines de sénégalais avaient prévu de rejoindre le mouvement « Gno Lank, Gno Bagn » dans une grande manifestation prévue au niveau de la Place de l’Indépendance.
Cette manifestation pacifique, à laquelle devait prendre part une jeunesse désespérée, à bout et qui n’a plus confiance envers ses dirigeants, a été interdite par Alioune Badar Samb, le préfet de Dakar, nous dit-on. Pour justifier une décision totalitaire, le préfet évoque des risques de trouble à l’ordre publique. Car, ce qu’il faut savoir est qu’une contremarche a été organisée par les partisans du régime en place pour discréditer celles et ceux qui en ont marre de devoir toujours mettre la main à la poche.
Le régime en place qui a reconnu avoir gaspillé 307 milliards de FCFA dans l’achat de voitures depuis son arrivée au pouvoir en 2012 n’a plus les moyens d’assurer la défense des citoyens contribuables qui veulent faire entendre leurs voix pacifiquement à travers les rues de la capitale ?
Ces manifestants ne sont ni des criminels, ni des terroristes, encore moins des casseurs. On parle de centaines de jeunes patriotes qui ne peuvent plus cautionner les dérives d’un régime qui s’est éloigné de la voie démocratique, en contraignant à l’exil un potentiel rival à la présidentielle, en ordonnant l’arrestation d’un maire considéré comme une menace à la réélection d’un président qui flirte désormais avec un troisième mandat, en muselant toutes les voix dissidentes (Moustapha Diakhaté) et en radiant de la fonction publique un candidat dont le tort est d’être devenu la voix d’une jeunesse désespérée.
Les droits les plus élémentaires du peuple sénégalais ont été piétinés par un régime sourd qui a confondu autorité et autoritarisme, qui cautionne ouvertement les plus grosses dérives commises par ses partisans (Aliou Sall, Moustapha Cissé et autres) mais qui condamne avec la plus grande fermeté et sans aucune complaisance toute erreur commise par des hommes politiques du camp adverse.
Quand le régime en place parle de dialogue national, il faut savoir lire entre les lignes et bien comprendre sa communication. La réalité est qu’il ne tend la main qu’aux opposants qui acceptent de vendre le peu de dignité qui leur reste pour se soumettre totalement à lui, en échange d’un piteux poste de conseiller, de ministre ou que sais-je.
La jeunesse sénégalaise vit dans une psychose existentielle. Elle est terrorisée car il ne lui est plus permis de manifester son courroux face à l’incurie d’un Etat totalement corrompu et désormais totalitaire. La justice n’est plus du côté du peuple. Elle est carrément entre les mains d’un Exécutif qui, depuis le palais présidentiel, tire les ficelles.
Aucun Etat ne peut prétendre aller de l’avant dans des conditions pareilles. Aucun pays ne peut non plus avancer sans une jeunesse libre. En élisant ce régime en 2012, le peuple sénégalais, notamment la jeunesse, pensait avoir tourné une page obscure de notre Histoire. Apparemment, non. Le peuple s’était tiré une balle dans le pied et le régime qu’il a réélu le 28 février 2019 est en train de l’achever. Sans état d’âme.
Si l’on n’est plus en mesure de manifester notre colère avec l’unique objectif de faire bouger les lignes, c’est qu’on n’est tout simplement plus en démocratie.