Une semaine après l’Affaire Benalla qui secoue la classe politique française, le principal responsable brise le silence. Ce jeudi 26 juillet, Alexandre Benalla, ex garde du corps d’Emmanuel Macron, a accordé une interview exclusive au journal Le Monde sur une affaire qui est devenue un véritable scandale d’Etat
L’homme qui a été filmé en train d’agresser violemment des individus lors de la manifestation du 1er mai dit avoir compris les propos d’Emmanuel Macron qui a parlé de « trahison ». « Ce sont des déclarations que je comprends parce qu’il y a un problème autour du président de la République. Il ne doit pas être provoqué par un collaborateur. (…) Au vu de ce que cette histoire a déclenché, je ne vois pas quels autres termes il aurait pu employer pour qualifier la situation. Donc, forcément qu’il y a de la déception, forcément qu’il doit y avoir un sentiment de trahison », dit-il.
A la question de savoir s’il a le sentiment d’avoir trahi Emmanuel Macron, il répond : « moi, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi le président de la République, j’ai le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise et d’avoir commis une faute. Mais, cette faute, elle est plus d’un point de vue politique : je n’aurais jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu’observateur, puis j’aurais, peut-être, dû rester en retrait ».
« Mes fonctions, c’est de l’organisation pure et simple »
Dans l’entretien accordé au Monde, Alexandre Benalla est revenu sur ses relations avec Emmanuel Macron. Il dit avoir rencontré Macron en 2016. « Au départ, à l’été 2016, un copain m’appelle et me dit : ‘Alexandre, Emmanuel Macron va sans doute se lancer dans la bataille présidentielle’. On est à une période, après sa démission, le 30 août, où le gouvernement lui refuse de pouvoir conserver ses officiers de sécurité », explique-t-il.
Et d’ajouter : « or, c’est une personnalité quand même exposée. Progressivement, je m’oriente vers de nouvelles fonctions : directeur de la sûreté et de la sécurité du mouvement En Marche ! Il y a les premiers meetings à monter, Strasbourg, Le Mans…En fait, mes fonctions, c’est de l’organisation pure et simple car les gens d’En Marche ! sont inexpérimentés ».
« J’ai fait la campagne de François Hollande »
Au journal Le Monde, Alexandre Benalla dit avoir appris ce métier au Parti Socialiste dont il a été membre du service d’ordre entre 2009 et 2012. Il dit avoir été formé par Éric Plumer (à l’époque chef du service d’ordre, ndlr). « J’ai fait la campagne de François Hollande », assure Benalla.
A la question de savoir s’il était armé avant l’élection, il rétorque : « je fais une première demande au ministère de l’intérieur, fin 2016. On me répond que ce n’est pas possible. Mais, il y a deux cents personnes qui bossent au QG, représentant une ‘cible molle’. Comment les protéger à la menace terroriste ou même d’un fou ? Donc, on fait la demande d’acquérir et de détenir des armes dans le QG. Et on obtient enfin de la préfecture de police l’autorisation de détenir des armes, des Glock 17 de mémoire, mais dans le QG uniquement », précise-t-il.
« Je suis un réserviste de la gendarmerie »
A la question de savoir s’il a les compétences pour porter une arme, il répond : « biens sûr. Je suis inscrit dans un club de tir depuis des années et je suis un réserviste de la gendarmerie. Il n’y a pas d’amateurisme là-dedans, au contraire. Et si le préfet de police a accordé l’autorisation, c’est qu’il estimait bien qu’il y avait une menace ».
Alexandre Benalla dit avoir intégré le cabinet du président de la République sur demande de Patrick Strozda (directeur du cabinet du président). Il décroche un contrat de cinq ans et touche un salaire de 6 000 euros net. « C’est le salaire de tous les chargés de mission », précise Benalla. Sa mission : s’occuper des affaires privées du président.
« Ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens »
Dans l’entretien accordé au Monde, Alexandre Benalla s’est aussi prononcé sur ses relations fratricides avec son entourage. « (…) La vérité, c’est que ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens. Parce qu’un gamin de 25 ans, qui n’a pas fait l’ENA, qui n’est pas sous-préfet et en plus qui dit les choses, là où il n’y a que des non-dits, évidemment ça suscite des rancœurs », dénonce-t-il.
Alexandre Benalla confirme disposer d’un appartement de fonction dont les clés lui ont été remises le 8 ou le 9 août. Il affirme avoir fait la demande auprès du directeur de cabinet, Patric Strzoda. Toutefois, contrairement aux rumeurs, il s’agit d’un appartement de 80 mètres carrés et non de 800 mètres carrés comme cela a été dit dans la presse.
« Les syndicats de police ne disent que des conneries »
Concernant sa carte d’accès à l’hémicycle de l’Assemblée nationale, l’ex garde du corps de Macron s’explique : « Moi, je ne considère pas cela comme un passe-droit. C’est une demande de ma part, cette carte. J’en avais bénéficié d’une avant Emmanuel Macron, en tant que collaborateur parlementaire bénévole. Je l’ai demandée tout simplement parce que j’aime aller à la salle de sport de l’Assemblée. C’est peut-être un caprice de ma part, je l’admets ».
Alexandre Benalla tient des propos très durs envers les syndicats de police. « Les syndicats de police ne disent que des conneries. Ils ont trouvé le moyen d’exister alors qu’ils sont très affaiblis au sein de la police nationale. Ça ne me touche », dit-il réagissant sur ses relations très tendues avec les syndicats de police.
« Je n’ai pas les codes nucléaires »
A la question de savoir pourquoi il a été habilité secret-défense, là aussi il s’explique : « on a accès à des informations sensibles quand on approche le président. J’ai eu droit à une enquête très poussée de la DGSI, j’ai une habilitation secret-défense, mais je n’ai pas les codes nucléaires ».
Alexandre Benalla dit avoir été victime d’un règlement de comptes internes de la police. « Je fais plus que l’imaginer : on a essayé de m’atteindre, de me ‘tuer’ et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République. Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c’est la réalité », dit-il.
« Il y a des gens qui travaillent autour de lui qui auraient pu »
L’ex garde du corps pointe du doigt des personnalités d’un niveau important. « Des politiques et des politiciens. Et je ne pense pas à Collomb, en qui j’ai confiance, je ne suis personne pour lui. Mais, il y a des gens qui travaillent autour de lui qui auraient pu… », ajoute-t-il.
Sur sa présence lors de la manifestation du 1er mai, Alexandre Benalla dira : « je ne demande pas à être observateur. Je suis invité à être sur place par Laurent Simonin, chef d’Etat-major de la préfecture de police. Il me dit un jour : ‘je te propose de participer sur le terrain au service en tant qu’observateur’… ce sont eux qui me proposent. Contrairement à ce que dit le préfet quand il parle de copinage malsain, je n’ai jamais pris une bière ou mangé au restaurant avec Laurent Simonin ».
« C’est très bien, c’est une bonne expérience »
Et d’ajouter : « le 26 mars, je reçois le SMS de Simonin, puis le 27, je reçois un appel de Simonin qui me demande toutes mes mensurations. Ensuite, je vais voir le directeur de cabinet, Patrick Stzroda, je lui ai dit que j’ai été invité. Il me dit : ‘c’est très bien, c’est une bonne expérience’. En aucun cas, Stzroda ne sait que je vais me retrouver avec un casque sur la tête, à deux pas des casseurs, place de la Contrescarpe. »
Dans l’interview, Benalla a explique l’origine de l’équipement policier qu’il utilisait. « L’officier de liaison de l’Elysée vient deux jours avant la manifestation avec un sac qu’il me remet, avec un casque, un ceinturon en cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cotte bleue marquée police et un grade de capitaine dessus. L’équipement reste dans mon bureau », dit-il.
« Tout le monde est en train de l’attaquer, il fait des réponses maladroites »
Et d’ajouter : « puis, j’ai un kit oreillette et le porte-radio. On me procure aussi des rangers et une radio. Je n’y connais rien, déjà je suis surpris. Je mets le brassard dans ma poche au cas où ça camphre. Je rends la radio pour savoir ce qui se passe, dans la salle, je n’ai pas parlé à la radio. Vous pouvez chercher cet enregistré, je n’ai aucune légitimité à parler ».
Alexandre Benalla dit savoir qu’il était filmé dès le début de la manifestation. Sur les déclarations de Gérard Collomb qui, lors de son audition, disait ne pas connaître Benalla, l’ex garde du corps de Macron, réagit : « je me mets à sa place. Je pense que la connerie vient d’un échelon qui reste à déterminer à la préfecture de police. Il pense que ce n’est pas sa connerie à lui. Tout le monde est en train de l’attaquer, il fait des réponses maladroites ».