La France catholique est-elle en train de s’extrême-droitiser ? C’est en tout cas le sentiment du journaliste Henri Tincq, grand spécialiste des religions au journal Le Monde et désormais chroniqueur sur Slate et dans Le Monde des religions. Dans une interview accordée au journal Le Point, le journaliste parle de son nouveau livre « La Grande Peur des Catholiques de France ». Dans l’interview, le journaliste s’inquiète de l’extrême-droitisation de l’Eglise catholique en France
S’expliquant sur un passage de son livre où il écrit : « je ne reconnais plus l’église catholique », il dira : « j’appartiens à une génération de catholiques élevés à l’âge d’or de ces fameux mouvements d’Action catholique qui voulaient témoigner de leur foi dans la société, sans recherche excessive de la visibilité et sans prosélytisme. »
Et d’ajouter : « (…) un catholicisme missionnaire, social, progressiste, œcuménique qui a fait émerger des générations de militants syndicalistes, politiques, associatifs, a forgé des personnalités comme Jacques Delors, Michel Debatisse dans le monde agricole, Edmond Maire dans le monde syndical. »
Sur le vote à droite de plus en plus de catholiques (en 2017, 48% de catholiques ont voté pour François Fillon, 38% ont voté pour Marine Le Pen), Henri Tincq se dit « surpris ». « Ce sont des chiffres qui m’ont surpris, et comme croyant, m’ont agacé », reconnaît le journaliste.
« Montée en puissance des électeurs catholiques dans le camp FN »
Et d’ajouter : « je n’ignore pas que l’électorat catholique a toujours voté très majoritairement au centre ou pour une droite gaulliste et modérée. Mais qu’une grande majorité de catholiques pratiquants se soit reportée sur la candidature d’un Fillon dont l’image ‘morale’ s’est dégradée en 2017 et qui défendait un programme d’austérité jugé plutôt anti-social est un fait qui a suscité beaucoup d’interrogations. »
Sur le vote FN de catholiques français, il dira : « plus encore quand on sait que, au second tour, 38% des catholiques pratiquants (près de 4 sur 10) ont voté pour Marine Le Pen. Quinze ans auparavant, ils n’étaient que 17% à avoir donné leur voix à Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac. Il s’est produit une incontestable montée en puissance des électeurs catholiques dans le camp frontiste. »
« Marine Le Pen est beaucoup plus laïque »
A la question de savoir comment il explique cette montée en en puissance des électeurs catholiques dans le camp frontiste, il répond : « il y a toujours eu au Front National, un fort courant ‘national catholique’, illustré par une Marion Maréchal-Le Pen ‘catholique pratiquante’ qui a manifesté contre le mariage pour tous et l’avortement, plus ‘catho-compatible’ que sa tante. »
« Marine Le Pen est beaucoup plus laïque, mais sa politique de ‘dédiabolisation’ a pu rassurer un électorat catholique traditionnel. Il est clair aussi que la candidature d’Emmanuel Macron n’était pas la bienvenue dans certains milieux catholiques de l’ultra-droite comme Sens commun. Il n’entendait pas revenir sur la Loi Taubira instaurant le mariage pour tous et envisageait l’extension de la PMA et de la GPA », ajoute Henri Tincq.
« L’extrême-droitisation d’un certain nombre de fidèles »
Le journaliste s’est dit surpris de l’attitude de la conférence épiscopale française lors de la présidentielle de 2017. « Ce qui m’a davantage surpris et peiné, c’est le fait que la conférence épiscopale française entre les deux tours n’a pas été capable d’appeler à faire barrage à la candidature Le Pen, alors même que François Fillon avait dit qu’il fallait tout faire pour éliminer la représentante du Front National », s’étonne-t-il.
Henri Tincq a dénoncé la « pusillanimité » des évêques. « Que vingt, trente ans plus tard, des évêques fassent preuve d’une telle pusillanimité face au vote FN ne cesse de m’étonner. Ils ne sont bien sûr pas complices des idées frontistes, mais ils sont tétanisés par la peur des divisions au sein d’une population catholique qui ne cesse de se rétrécir. Tétanisés devant la droitisation, voire l’extrême-droitisation d’un certain nombre de fidèles (…) », déplore-t-il.
Pour lire l’interview dans son intégralité, cliquez ici : Le Point