L’Afghanistan est en train de tomber entre les mains des Taliban. C’est un événement certes tragique mais inéluctable. D’ailleurs, la chute de Kaboul, capitale de l’Afghanistan, ne serait qu’une question d’heures et non pas de jours comme on peut l’entendre dans la presse. Depuis trois jours, nous assistons, impuissants, à la chute des grandes villes afghanes aux mains des Taliban. Et si Kaboul tombe, le pays est à eux.
Cette situation que personne n’avait vu venir il y a un mois et demi a suscité une onde de choc en Occident où les médias, complètement déconnectés des réalités de ce pays, jouent la carte de l’émotion pour nous dépeindre un pays à terre où dans les jours qui viennent, la population civile, notamment les femmes, vont connaître une vie infernale.
Et le véritable danger de cette effervescence médiatique (à la con depuis trois jours) est qu’elle sape toute analyse objective de la situation actuelle en laissant très peu de place aux véritables et légitimes questions qui doivent être posées et que les médias en Occident esquivent à dessein.
Comment en sommes-nous arrivés là? A quoi ont servi les années de présence américaine en Afghanistan? Qui finance les Taliban? Et pourquoi, tout d’un coup, les Américains, qui ont régné en maîtres dans ce pays pendant plus de 20 ans, prennent la poudre d’escampette et abandonnent lâchement une population civile qui doit s’attendre à vivre dans une République Islamique où la Charia fera la loi?
La triste réalité à laquelle nous faisons face est que l’Occident a le sang sur les mains. Et je m’explique. Au lendemain des attentats du 11 septembre, les Etats-Unis ne se sont pas trompés de cible. Pour George W. Bush et ses amis néo-cons, les responsables sont : Al-Qaida et les Taliban.
Dans la foulée, une croisade contre l’islamisme est née, pilotée par Washington. Le résultat, nous le connaissons. En Irak, Saddam Hussein a été capturé et pendu. Une invasion militaire a été menée en Afghanistan pour briser l’influence des Talibans qui y règnent en maitres depuis 1996, date à laquelle ils se sont emparés de Kaboul après avoir renversé le leader Moudjahidine, Burhanuddin Rabbani. Son pouvoir n’était pas mort, car reconnu par l’Occident, mais en réalité, Rabbani ne valait plus rien.
En 2001, il a été remplacé par Hamid Karzaï et c’est avec cette marionnette que tout le malheur du peuple afghan a commencé. En effet, jusqu’en 2014, date à laquelle il perd le pouvoir au profit d’Ashraf Ghani, les Etats-Unis ont normalisé la corruption dans le pays, finissant par fragiliser toutes les institutions afghanes.
Une élite formée dans les universités américaines et totalement déconnectée des réalités du pays a été désignée par les Etats-Unis pour diriger l’Afghanistan. Mais, à quel prix? Pour les maintenir au pouvoir, Washington se livre ostensiblement à des compromissions avec les différents groupes ethniques, y compris les Taliban.
D’ailleurs, en 2013, l’ex président, Hamid Karzaï, a reconnu que la CIA (Central Intelligence Agency) a acheminé des valises d’argent dans son palais présidentiel. L’objectif était, pour les Etats-Unis, d’y maintenir leur influence. Mais, comme par hasard, la révélation, faite à l’époque par le New York Times, avait suscité très peu d’indignation dans les médias occidentaux qui, certainement, trouvaient cette pratique presque normale.
Cependant, le malheur est que cet argent, estimé à des dizaines de millions de dollars, a servi à gaver un gouvernement inutile et a financé indirectement les Talibans. Les choses sont donc claires : durant les 20 ans que les Etats-Unis ont été en Afghanistan, il n’y a jamais eu la moindre volonté de s’en prendre à ce groupe fondamentaliste qui traite la femme comme un objet.
C’est assez étrange de voir, dans les médias occidentaux, ce brusque émoi que suscite la conquête des grandes villes afghanes par les Talibans. Comme si l’on ne savait pas ce qui se jouait réellement dans ce pays! Comme si l’on avait la certitude totale que les années Bush, Obama, Trump et maintenant Biden ont servi à enrayer le danger Taliban et à neutraliser définitivement un groupe terroriste qui aujourd’hui est en train de retomber sur ses pattes!
« On récolte ce que l’on sème », dit l’adage. Et, hélas, c’est ce qui est en train de se produire. Ce qu’il convient de faire désormais est de mettre fin à ce cirque émotionnel qui consiste à pleurnicher sur les plateaux de télé le sort de ces milliers de femmes et d’enfants dont la vie va inévitablement devenir un enfer.
L’évacuation des troupes occidentales de ce pays au moment où l’ennemi reprend du poil de la bête est un acte criminel. Si l’on aime tant l’Afghanistan et si l’on se soucie tant de sa population civile, notamment les femmes, une invasion militaire occidentale pour mettre fin à cette chienlit devient une obligation morale.
Mais, d’ici là, que les choses soient claires : l’Occident a du sang sur les mains.