L’attitude d’Emmanuel Macron envers la classe politique libanaise est indigne d’un homme politique occidental. Elle donne clairement l’idée qu’il n’agit plus en tant qu’ « ami du Liban » (comme il l’a toujours prétendu), mais plutôt en tant qu’administrateur colonial qui règle ses comptes avec une ancienne colonie qui traverse l’une des pires crises socio-économiques depuis la fin de la guerre civile libanaise.
En effet, à écouter les phrases proférées par le président français lors de son allocution ce dimanche 27 septembre sur la démission de Moustapha Adib (technocrate désigné pour former un gouvernement), on a le sentiment qu’Emmanuel Macron considère toujours le Liban comme un protectorat français, ce qu’il n’est plus depuis 1943, date à laquelle le pays a obtenu son indépendance.
Ce dimanche, le président français n’a pas brillé par une sagesse politique (qui aurait voulu qu’il soit plus circonspect) mais plutôt par une arrogance qui risque de mettre sérieusement en danger la diplomatie française. Pour avoir une idée de sa maladresse politique, il faudra se focaliser sur certaines phrases de son discours qui ne sont pas passées inaperçues.
« J’ai honte, j’ai honte pour vos dirigeants, j’ai honte pour eux », « Personne n’a été à la hauteur des engagements pris le 1er septembre dernier », « Aucun d’entre eux ne peut gagner contre les autres », « je décide donc de prendre acte de cette trahison collective et du refus des responsables libanais de s’engager de bonne foi dans le contrat que la France leur a proposé le 1er septembre », « Ils en portent l’entière responsabilité et elle sera lourde ».
La colère d’Emmanuel Macron, mandaté par le Fonds Monétaire International pour imposer des réformes au Liban, se comprend. Le président français, qui traverse une crise politique sans précédent au niveau national, pensait pouvoir grapiller quelques points dans une crise politique qui se déroule à des milliers de kilomètres de la France et dont les Français semblent se ficher royalement.
Il convient de rappeler que le président français a effectué deux visites très médiatisées au Liban lors desquelles il a pris des risques politiques et physiques énormes en se baladant dans les rues de Beyrouth allant jusqu’à se substituer carrément aux dirigeants politiques libanais qui n’ont certainement jamais dirigé une telle humiliation.
Macron pensait avoir remporté une bataille politique spectaculaire dans un pays qui compte énormément pour la France en raison de la présence d’une forte communauté chrétienne. Pourtant, il n’a fallu que deux semaines pour que sa victoire politique se transforme en un fiasco sans appel lorsque Moustapha Adib, chouchou de Macron et de Merkel désigné pour former un gouvernement, jette l’éponge.
Au Liban, le fiasco de Macron est d’autant plus terrible qu’il jouait sa survie politique sur la scène internationale après avoir échoué à imposer ses marques sur la scène européenne à la suite de la crise des Gilets Jaunes qui avait très vite fait apparaître les limites de son pouvoir. En Europe, il n’est plus perçu comme un sauveur. Et il l’a très bien compris.
La démission d’Adib a été coup de massue asséné au président français qui a déployé une énergie spectaculaire pour au final s’attribuer les retombées politiques et économiques d’une crise extrêmement profonde. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Au Liban, son échec a été cuisant.
Ceci dit, les propos tenus par le plus jeune président de la Vème République française confirment l’inexpérience politique d’un chef d’Etat qui semble n’avoir pas trop saisi la complexité des dossiers internationaux. Il n’a qu’à demander à Nicolas Sarkozy qui, malgré son immense expérience politique, s’est aussi embourbé dans le guêpier libyen avant de prendre la poudre d’escampette.
Les propos tenus par Emmanuel Macron sont non seulement dangereux pour lui mais pour la diplomatie française. En effet, son discours de ce dimanche ne le positionne plus en tant que simple ami du peuple libanais mais plutôt en tant que chef d’Etat occidental qui reproche aux dirigeants de sa colonie de n’avoir pas effectué le travail qu’il attendait d’eux. Je rappelle que cette même attitude lui était reprochée il y a un an lorsqu’il avait convoqué les dirigeants du G5 Sahel en France leur demandant des explications sur le bilan de la lutte contre le terrorisme en Afrique
La France qui entretient des relations diplomatiques avec des Etats du Moyen-Orient et d’Afrique ne peut pas se permettre d’avoir à sa tête un chef d’Etat qui traite ses homologues de « traitres » et qui les menace publiquement de sanctions économiques ou politiques pour n’avoir pas fait ce qu’il attendait d’eux.
Cette attitude digne d’un colon du 18ème siècle met sérieusement en danger les intérêts géopolitiques de la France au moment où l’Hexagone est en concurrence avec les Etats-Unis, la Chine et la Russie dans des zones où son influence est de plus en plus contestée.
Macron a peut-être le droit de se plaindre après avoir fourni des efforts colossaux indéniables pour remettre le Liban sur les rails. Cependant, ses attaques acerbes dirigées à la classe politique libanaise qui n’a pas su respecter ses engagements vis-à-vis de la France auraient dû être faites de manière plus subtile. C’est d’ailleurs cela le charme de la diplomatie.
Ce dimanche, il ne s’est pas comporté comme un chef d’Etat. Sur le dossier libanais, il a agi comme un colon.