La France vient d’annoncer ce 20 mai une décision certes symbolique mais qui risque de ne susciter aucun engouement chez la jeunesse africaine qui s’est levée, ces dernières années, comme un seul homme, exigeant la fin sans condition de la mainmise de la France sur sa monnaie nationale.
Le message de la jeunesse africaine a été entendu par Paris qui semble, néanmoins, ne l’avoir pas bien compris. Et je m’explique. La France a officiellement acté ce 20 mai 2020 la fin du FCFA, nous dit la presse française citant un projet de loi annoncé par Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement.
Je vais faire simple. Qu’apprend-on de ce projet de loi qui vise à transformer le CFA en Eco ? On y apprend en effet que la France renonce au dépôt du Trésor français de la moitié des réserves de change de la Banque centrale de la zone et se retire des instances de gouvernance.
Autrement dit, comme il a été annoncé en décembre 2019 lors du déplacement d’Emmanuel Macron en Côte d’Ivoire, le nom de la devise va changer. Elle ne s’appellera plus FCFA, mais Eco. Ensuite, les 50% des réserves de change des pays de la zone CFA déposés au trésor français n’auront plus lieu. Le compte d’opération sera fermé et les représentants français qui siégeaient auprès des instances de décisions et de gestion de l’UEMOA seront retirés.
Néanmoins, le cœur du problème semble avoir échappé à la France ou alors celle-ci feint de ne l’avoir pas compris. En effet, à en croire Le Monde, la France continuera de jouer son rôle de garant de la monnaie qui maintiendra une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,96 FCFA). Autrement dit, la nouvelle monnaie Eco sera totalement arrimée à l’euro avec tout ce que cela signifie comme avantages certes, mais aussi comme conséquences désastreuses pour les 8 pays qui l’utilisent.
Avec la politique de parité fixe, les pays de la zone CFA n’ont pas la possibilité de dévaluer cette monnaie et le CFA, qui sera baptisé ECO, facilitera les investissements des entreprises étrangères tout en pénalisant très sérieusement les exportations des pays qui l’utilisent que sont : le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Togo.
Sans entrer dans des détails techniques (ce travail revient aux spécialistes en la matière), je crois que la France n’a pas compris que sa stratégie, très subtile d’ailleurs, de maintenir le FCFA tout en faisant croire qu’elle n’en a plus le contrôle exaspère la jeunesse africaine. La réalité est que les Africains ne refusent pas la naissance de l’ECO. Ils en sont très fiers d’ailleurs. Mais, leur message est que cette nouvelle monnaie doit exister et fonctionner sans aucune ingérence étrangère, ni de la France, ni d’aucune autre puissance étrangère.
Je dois signaler que les pays africains anglophones et arabes frappent leur monnaie, décident de ses fluctuations sur les marchés internationaux sans que les pays qui les ont colonisés n’aient leur mot à dire. Et pourtant, certains d’entre eux (le Nigeria et l’Afrique du Sud pour ne citer que ceux-là) s’en sortent plutôt mieux.
L’entêtement de la France à vouloir à tout prix garantir cette monnaie africaine (alors que les peuples qui l’utilisent s’y opposent formellement) pose un sérieux problème qu’il faudra nous expliquer un jour. Car, cette infantilisation des Africains qu’on considère comme des êtres incapables de prendre en mains leur propre destin devient sérieusement troublante.