Israël a été cette semaine le lieu de rencontre des personnalités politiques les plus importantes de la planète venues commémorer une page noire de l’Histoire de l’humanité : l’holocauste. Ainsi, Jérusalem a été le point de convergence des hommes les plus puissants du monde qui, cette année, au-delà de la commémoration de la libération d’Auschwitz, ont décidé de déclarer une guerre mondiale à un fléau qui met sérieusement en danger la vie de nombreux juifs vivant sur le sol européen : l’antisémitisme.
En effet, depuis une semaine, plusieurs statistiques ont été mises à la disposition du public sur la montée spectaculaire du phénomène en Occident. Ainsi, selon Moshe Kantor, Président du Forum Mondial de l’Holocauste et président du Congrès des juifs européens, « plus de 80% des juifs vivant en Europe ne se sentent pas en sécurité ».
En Israël, la guerre mondiale contre l’antisémitisme est déclarée et les leaders politiques invités à la commémoration du 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz veulent se donner tous les moyens à leur disposition pour éliminer ce qu’ils appellent ouvertement « un cancer mortel ».
D’ailleurs, dans une lettre publiée dans la presse, le Pape François, Donald Trump et Vladimir Poutine ont promis de livrer une guerre sans merci à toute forme d’antisémitisme et le candidat américain, Pete Buttigieg, est quant à lui allé plus loin, promettant, s’il est élu président des Etats-Unis, de consacrer un budget de 1 milliard de dollar pour lutter contre l’antisémitisme.
Cependant, en marge de la commémoration du 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz, un pays semble avoir attiré l’attention de tous : la France. Un pays où la haine des juifs est de plus en plus vive et où ces derniers mois, plusieurs cimetières juifs ont été vandalisés.
Il faut dire que l’attention toute particulière portée sur la France est assez frappante. Et la montée de l’antisémitisme dans ce pays suscite désormais l’inquiétude des organisations juives internationales qui tirent la sonnette d’alarme. Ainsi, dans une étude menée par le Comité Juif Américain et publiée cette semaine, 70% des juifs vivant en France ont une fois été victime de l’antisémitisme, 59% ont été agressés dans les écoles parce que juifs et 46% d’entre eux ont été verbalement visés dans leur lieu de travail en raison de leur judéité. D’après la même étude, les juifs français âgés entre 18 et 24 ans sont les plus ciblés. Face à cette situation, le Comité Juif Américain en arrive à la conclusion que la hausse de l’antisémitisme en France est désormais un problème mondial.
L’existence de l’antisémitisme en France est une réalité que personne ne peut nier. Et condamner avec la plus grande fermeté tout acte antisémite est une obligation pour les autorités. Car il n’y aucune raison qu’un juif parce que juif soit insulté ou agressé ou même tué. Les exemples sont légion : Ilan Halimi, Sarah Halimi, Mireille Knoll…Ces crimes abjects ne peuvent rester impunis et toute personne impliquée de près ou de loin dans la disparition de ces nobles âmes qui n’ont rien fait pour mériter un tel châtiment doit en subir toutes les conséquences.
Cependant, il est évident que lors de cette rencontre qui a réuni 40 dirigeants politiques du monde entier en Israël cette semaine, la France a servi de laboratoire pour mener une guerre juste mais qui, au fond, suscite de véritables interrogations. En effet, il y a en France une certaine doxa qui voudrait que la définition de l’antisémitisme ne se limite plus la haine des juifs, mais à toute critique visant l’Etat d’Israël. Et c’est là que se trouve le problème.
Il convient de rappeler qu’il y a tout juste un mois, un député de LREM, Sylvain Maillard, avait voté une proposition de résolution au Parlement visant à associer l’antisionisme à de l’antisémitisme. Autrement dit, il ne suffit plus d’insulter ou de cracher sur un juif pour être antisémite. Mais, le seul fait de s’attaquer à l’Etat d’Israël en dénonçant sa politique au Moyen-Orient suffit à s’attirer les foudres des organisations juives.
Cette définition qui voudrait que les intellectuels se taisent quand des crimes sont commis par un Etat dans une partie du monde est une perversion qu’il faut dénoncer ouvertement. Et malheureusement tout laisse à croire que nous nous acheminons vers ce scénario. D’ailleurs, rappelons les déclarations de Macron tenues en Israël cette semaine lors de sa rencontre avec le président israélien Reuven Rivlin : « l’antisionisme n’est pas différent de l’antisémitisme », disait le président français.
La France est en voie de devenir le laboratoire de cette guerre mondiale contre l’antisémitisme. Il n’y a aucun doute là-dessus. Une guerre à laquelle tous les gouvernements doivent prendre part. Néanmoins, si cette guerre est une stratégie déguisée pour museler des voix et taire toute critique à l’égard du gouvernement israélien, nous sommes déjà mal barrés.
Dans une démocratie telle que la France, l’Etat doit pouvoir garantir à chaque citoyen la liberté totale de critiquer un régime politique israélien (qui, récemment, a fait l’objet d’une enquête de la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre) sans être taxé d’antisémite. Ainsi, associer l’antisionisme (la critique de l’Etat d’Israélien et de sa politique) à de l’antisémitisme n’est rien d’autre qu’un crime que tout intellectuel doit combattre avec la dernière énergie.