Des chercheurs français se penchent sur le stockage de données dans l’ADN humain, une technologie d’archivage pressentie pour devenir le modèle de stockage mondial d’ici 2040
Stocker des données dans l’ADN des Humains. Il y a quelques années, cette idée semblait totalement insensée et celles et ceux qui la défendaient pouvaient être traités de complotistes. Pourtant, en 2020, l’idée est défendue par les plus grands scientifiques du monde qui nous préviennent d’ailleurs que c’est la technologie d’archivage à long-terme par excellence d’ici 2040.
C’est du moins l’avis de François Képès, chercheur auprès de l’Académie des Technologies de France qui, dans une interview accordée au média Journal du Geek, justifie l’importance d’avoir recours au stockage des données dans l’ADN dont il vante ouvertement les avantages.
Sur l’intérêt de stocker nos données dans l’ADN, il dira : « l’Académie des technologies a identifié cinq avantages : la longévité du support, la densité informationnelle, son indépendance des ressources rares (contrairement à la plupart des matériaux électroniques), la facilité avec laquelle il peut être copié et sa capacité à pouvoir être détruit facilement et totalement, si besoin (à l’inverse des données numériques). Conservé à 25°C, la demi-vie de l’ADN (temps nécessaire pour qu’une substance perde 50% de son activité physiologique) a été établie à 52 000 ans. Autrement dit, l’ADN est une molécule extrêmement stable, sur des dizaines de milliers d’années, si on l’écarte de ses ennemis. C’est un excellent médium pour le stockage ».
Et d’ajouter : « le stockage ADN réglerait aussi un sérieux problème de place et de consommation électrique, posé actuellement par les « data-centers » utilisés à travers le monde. Toutes les données numériques créées et stockées par l’humanité en 2018 représentent trente-trois mille milliards de milliards d’octets (ou 33 000 exaoctets). L’ensemble des serveurs renfermant l’ensemble de ces données recouvrait aujourd’hui un millionième de la surface émergée de la planète. Si rien ne change, d’ici 2040 le territoire occupé sera du millième. Certes, un progrès est encore possible mais la marge est fine. L’ADN nous a semblé l’alternative idéale et la plus avancée pour relever ce défi d’ici là ».
« Le stockage ADN pourrait devenir la technologie d’archivage à long-terme »
Le chercheur expliquera le processus de stockage d’ADN qui, selon lui, est « simple ». « Le principe est simple. Il faut suivre cinq étapes pour stocker de l’information numérique sur un support ADN : coder, écrire, stocker, lire et décoder. Pour coder, il est nécessaire de traduire un fichier numérique, composé d’une suite de 0 et de 1 selon le langage binaire des bits, en une séquence ADN, s’appuyant sur un langage quaternaire correspondant aux différents nucléotides qui la composent (A, C, G et T). Pour prendre un exemple, il suffit de convertir une paire de 00 en un A, 01 en C, 10 en G et 11 en T et votre codage est fait. Ensuite, le fichier ainsi traduit en « langage ADN » doit être écrit dans une molécule ADN : pour cela, on synthétise une séquence de nucléotides correspondant exactement à la séquence numérique codée », explique-t-il.
Evoquant les avantages économiques du stockage dans l’ADN, François Képès dira : « en conclusion de notre rapport, nous entrevoyons deux issues économiques majeurs. D’une part, dans cinq à dix ans, le stockage ADN devrait conquérir trois marchés de niche : le secteur de l’archivage culturel, pour la conservation des films et des musiques ; celui des données scientifiques, comme pour les 100 pétaoctets de données accumulées par le CERN (Conseil européen sur la recherche nucléaire) sur la physique nucléaire, par exemple ; et le domaine des informations sensibles et confidentielles, qui demandent d’être reproduites facilement et discrètement mais aussi d’être détruites sans laisser de trace. D’autre part, d’ici 2040, le stockage ADN pourrait devenir la technologie d’archivage à long-terme pour des marchés plus globaux comme le stockage des données pour les réseaux sociaux ou pour des grandes bibliothèques publiques ».
Pour lire l’interview dans sa version originale, cliquez ici : Journal du Geek