La politique de Donald Trump envers l’Afrique : trois priorités (par Kelsey Lilley)

Au moment où les Etats-Unis et le monde s’accordent sur le fait que Donald Trump sera en janvier 2017 le prochain président des Etats-Unis, il est important de jeter un regard sur les décisions qui seront prises par son administration. Les Etats-Unis font face à un monde plus connecté, plus dynamique et souvent plus dangereux que jamais. Dans une aucune partie du monde, les obstacles et les opportunités n’ont été plus importantes que dans une relation Etats-Unis-Afrique.

Le nouveau président américain, qui a livré quelques décisions de politique étrangère lors de la campagne, prendra fonction en faisant face à plusieurs défis concernant les intérêts américains en Afrique, mais aussi une chance sans précédent d’approfondir un partenariat avec un continent qui connaît la croissance la plus rapide au monde et faire avancer la sécurité américaine et ses intérêts économiques.

Ces priorités suivantes devraient être d’une importante capitale pour l’administration Trump :

  1. Combattre le terrorisme et l’instabilité

Les Etats-Unis font face à des défis sécuritaires graves et continus à travers l’Afrique. Le terrorisme, qui peut déstabiliser les alliés clé des Etats-Unis en Afrique mais aussi exporter la violence vers les Etats-Unis et l’Europe, doit être en tête de liste des priorités. Une intervention en Libye doit renforcer le gouvernement de ce pays tout en éradiquant les derniers vestiges des militants du groupe Etat Islamique.

Le groupe Boko Haram, affilié à Etat Islamique, continue de faire des ravages au Nigeria et en Somalie, le groupe Al-Shebab ne cesse de gagner du terrain et ce malgré la présence des forces de maintien de la paix de l’Union Africaine.

Dans un monde plus jamais que connecté dû à la mondialisation, aucune de ces menaces (y compris les nombreuses autres menaces qui surgiront durant la présidence de Trump) ne doit être isolée d’une autre et ne doit être confinée à l’intérieur d’une seule frontière. En conséquence, les Etats-Unis seront obligés de s’engager contre les menaces terroristes en provenance d’Afrique.

De surcroît, les Etats-Unis doivent répondre à d’autres sources d’instabilité en Afrique. Le Soudan du Sud, la nouvelle nation du monde, est en train d’être déchiré par des conflits internes. Le conflit a déjà fait plus de 1,6 millions de déplacés et a créé 1.2 millions de réfugiés sud-soudanais, menaçant d’ébranler la capacité de la région à y faire face.

Une partie des réponses à ces conflits doit être humanitaire (les Etats-Unis fourniront des milliards de dollars pour sauver des vies dans des pays vulnérables dans le monde), mais une diplomatie attentive est aussi nécessaire pour naviguer les conflits politiques qui annoncent les violences.

  1. Sécuriser le progrès économique fragile de l’Afrique

L’Afrique a l’une des plus rapides croissances économiques dans le monde et elle abrite l’une des plus grandes réserves de ressources naturelles. Parmi ces ressources, on peut en citer : le pétrole, le cuivre, le fer et l’or. Sans compter, la jeune population africaine qui s’accroît à un rythme rapide et qui deviendra demain le fer de lance de la main d’œuvre mondiale (d’ici 2050, environ 25% de la main d’œuvre mondiale sera africaine et 2/3 d’entre elle vivra dans les villes d’Afrique).

Le continent abrite une technologie de pointe (les entrepreneurs africains innovent dans le domaine de la médecine, de la banque, du tourisme et du transport). Des villes entièrement dédiées à la technologie telles que Nairobi et la ville de Lagos au Nigeria sont des incubateurs qui permettent aux jeunes africains de concevoir et de réaliser leurs idées.

Quelques pays africains ont été frappés de plein fouet par la chute des prix de denrées de première nécessité, par la chute des cours de pétrole et d’autres minéraux importants fragilisant une économie africaine très dépendante des denrées de première nécessité. Le Nigeria, malgré qu’elle soit la plus première économique africaine, dépend largement des revenus du pétrole et le pétrole a été très affecté par la crise. En août, le pays est entré en récession avec la chute de la valeur du Naira.

Soutenir le progrès de l’économie africaine (promouvoir à la fois l’intégration régionale et la diversification) est une opportunité pour les entreprises américaines d’investir et de faire du commerce avec le continent. Presque le potentiel de tous les secteurs d’économie africains reste non réalisé et la classe de consommateurs de plus en plus importante dans le continent deviendra de plus en plus une cible démographique pour les produits américains. Les entreprises chinoises ont déjà compris cela.

Le soutien des Etats-Unis à ce secteur agit également comme un pare-feu contre cette immigration de masse qui a envahi l’Europe ces 18 derniers mois. Au moment où beaucoup d’africains fuient leurs pays à cause des conflits, des persécutions politiques ou des désastres naturels, nombreux autres cherchent des opportunités économiques et espèrent échapper aux taux de chômage importants dans leurs pays d’origine.

  1. Réconcilier les intérêts de sécurité nationale avec les objectifs de la démocratie

Dans un discours tenu au Parlement ghanéen en 2009, Barack Obama avait déclaré qu’il soutenait la démocratie et la bonne gouvernance en Afrique. « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin de fortes institutions », avait-il déclaré. L’administration Obama avait par la suite fait de la démocratie et de la bonne gouvernance sa pierre angulaire dans sa politique étrangère envers l’Afrique. Malgré une série de revers, le continent a été le témoin d’une transition démocratique pacifique au Nigeria avec la victoire de Muhammadou Buhari. Dès son élection, Buhari avait noté le rôle « vital » des Etats-Unis qui ont soutenu son élection.

Mais, la nouvelle administration devra répondre à des questions dures concernant la manière dont les Etats-Unis balancent leurs intérêts nationaux en matière de sécurité tout en souhaitant renforcer la démocratie africaine et la bonne gouvernance. En Ethiopie, une alliée clé dans la lutte contre le terrorisme dans la région, le gouvernement a déclaré l’Etat d’urgence à la suite de nombreuses manifestations anti-gouvernement qui sont survenues une année après qu’Obama a salué la démocratie de ce pays (dans lequel aucun député n’occupait de sièges au parlement et dans lequel les activistes se moquent de la restriction de l’espace politique).

En République Démocratique du Congo (RDC), le président Joseph Kabila s’apprête à rester au pouvoir au-delà même du mandat prévu par la Constitution, ce qui risque de créer une instabilité générale en Afrique centrale. A l’est de la RDC, le Burundi, ce petit pays des Grands Lacs, est assailli par des violences politiques après l’annonce du président Kagamé de briguer un troisième mandat présidentiel. Si l’instabilité se poursuit dans ce pays, le Burundi pourrait se retirer de la mission de maintien de la paix en Somalie, une mission à laquelle sa contribution est cruciale.

Obama finira son mandat en tant que premier président américain de descendance africaine, une contribution puissante en elle-même, au moins pour ce qui est de la rhétorique pour les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique. Parmi ses contributions les plus importantes, il y a la mise en place de « Power Africa » (Electricité Afrique), ce projet ambigu de 7 milliards de dollars destiné à alimenter l’Afrique en électricité. Il a également organisé le premier sommet des dirigeants africains et américains et les forums d’affaires Etats-Unis-Afrique.

Trump candidat a prêté très peu d’intérêt à l’Afrique. Dans ses discours, il ne s’est référé au continent africain que pour évoquer le bombardement des ambassades américaines au Kenya et Tanzanie en 1998. Et très récemment, Trump a été sous le feu des critiques pour ses déclarations concernant les nombreux réfugiés somaliens présents à Minnesota, un Etat remporté par Hillary Clinton.

Trump candidat devra réconcilier ses commentaires sur les réfugiés (30% des réfugiés accueillis aux Etats-Unis en 2015 sont africains) et les musulmans (dont 250 millions de musulmans vivent en Afrique subsaharienne) avec les réalités avec lesquelles les Etats-Unis doivent et devraient s’engager avec l’Afrique.

Ses commentaires sur la politique étrangère laissent entendre que les Etats-Unis doivent repenser leur aide allouée aux Etats étrangers et leurs déploiements à l’étranger, dont beaucoup affecteront les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique. L’insistance de Trump de renégocier les traités commerciaux pourrait aussi avoir un impact sur des législations déjà faites telles que la Loi sur l’Opportunité et la Croissance en Afrique (AGOA), un accord préférentiel signé entre des Etats africains sélectionnés et les Etats-Unis et qui a été renouvelé en 2015.

L’Afrique a été un rare endroit d’accord bipartisan pendant des décennies. Le président, George Bush, par exemple, est très apprécié dans le continent pour avoir mis en place le PEPFAR, plan d’urgence destiné à l’Afrique. AGOA a été créé par Bill Clinton, elle a été renouvelée sous les administrations Bush et Obama. De ce fait, Trump entre en fonction avec l’unique opportunité dans les relatons entre l’Afrique et les Etats-Unis de proposer des politiques acceptables à travers le spectre politique, tout en faisant avancer les intérêts économiques et sécuritaires des Etats-Unis.

Analyse faite par Kesley Lilley, directrice associée du Breau Afrique de Atlantic Council et publiée par Newsweek. L’analyse a été intégralement traduite de l’anglais au français par www.lecourrier-du-soir.com

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Cheikh DIENG est fondateur et rédacteur en chef du site www.lecourrier-du-soir.com. Diplômé en Médias Internationaux à Paris, en Langues et Marché des Médias à Dijon et en Langues étrangères (anglais, espagnol et italien), ce passionné de journalisme intervient dans des domaines aussi divers que la politique internationale, l’économie, le sport, la culture entre autres. Il est aussi auteur du livre : "Covid-19 ; le monde d'après sera une dictature". Contact : cheikhdieng05@gmail.com