(Analyse de Monsieur Sidy Makhtar Touré)
La démocratie est la chose la mieux en partagée de notre temps. Le monde et les mœurs ont beaucoup évolué et ont consacré des valeurs et principes quasi sacrés qui incarnent l’humanité et la civilité politique. Le concept de démocratie répond à des piliers dont les plus importants sont «la séparation des pouvoirs», au nombre de trois et la garantie des libertés qui en découle. De cette séparation des pouvoirs résulte leur indépendance des uns et des autres, autrement dit la capacité et la force de décision sans entrave.
Dans nos pays d’Afrique, nous nous plaisons beaucoup à manipuler et à jouer de ce vocable sans trop nous soucier de ce qui constitue sa garniture ou beauté. La faute que nombre d’entre-nous commettent est sa réduction à la compétition électorale et ou à l’alternance politique plus ou moins régulière. Ainsi mettons-nous de côté l’autre volet très important, je dirais même crucial, de la démocratie qu’est la gestion du pouvoir. Cette gestion du pouvoir revient au Chef d’État, démocratiquement élu.
Il a l’obligation stricte de veiller à l’application de la loi, ce de la même manière à toutes et à tous, à l’accès équitable des ressources publiques, et leur bonne gestion, à la sécurité interne comme externe du territoire et à l’épanouissement politique, économique et social du peuple. Dans une démocratie affirmée, le Chef de l’État joue un rôle neutre mais efficace surtout sur le plan politique. Il veille à ce que ne soit d’aucun bord la justice de qui dépend la liberté des uns et des autres mais aussi l’existence de ce qu’on entend par république qui n’est rien d’autre que la somme de nos ressources et liberté mise en commun.
La vitalité d’une démocratie dépend alors du respect des lois et de l’indépendance totale de la justice. Cette justice n’est impartiale et indépendante que lorsque les décisions qu’elle rende adhère aux lois et règlements en vigueur et lorsque le rang social et ou l’appartenance politique ne l’influe nullement. La justice n’est indépendante et crédible que lorsqu’elle regarde et voit au-delà des intérêts particuliers en mettant celui général en dessus de tout.
Une justice nationale est libre quand tous les citoyens peuvent y recourir sans peur, réclamer justice et accepter ses décisions sans arrière pensée. Alors toutes ces conditions mises ensemble font le pouvoir de la démocratie et non la démocratie du pouvoir que nous voyons actuellement à Dakar avec l’affaire du Député-maire de la capitale.
Cette affaire nous fait penser à celle Karim Wade qui avait en son temps défrayer la chronique pendant très longtemps. D’aucuns pensent et disent qu’elle a des relents politiques tellement la manière dont elle est gérée est sombre et douteuse. Le concerné est en détention préventive pour mauvaise gestion et autres délits.
Dès l’entame de la procédure qui découle d’une investigation de l’organe étatique l’Inspection Générale d’État dont les rapports sont exclusivement réservés au Président de la République, le maire de Dakar est envoyé et maintenu derrière les barreaux. Ce n’est pas méchant puisqu’il n’est pas le premier homme politique à subir ce sort. Hélas, ce qui provoque des doutes et soupçons sur cette affaire se situe à deux niveaux : la similarité avec le cas Karim Wade, et le refus catégorique de la justice sénégalaise à accorder une liberté provisoire à un député qui jouit de l’immunité parlementaire, au Maire de Dakar qui satisfait toutes les garanties de liberté temporaire.
Les actes de la justice sentent le mauvais goût politicien. Il faut le dire cette justice, dans cette démocratie dont on précipite à chanter la maturité, est souvent penchée du côté du pouvoir à chaque fois que l’enjeu politique est fort. Depuis 2012 et même avant, il y a eu beaucoup de dossiers estampillés «classé» ou «liberté provisoire» dans lesquels l’empreinte du magistrat sous ordre est visible. Lorsqu’une justice élargit ou laisse libre des gens dont la place est la prison, tout bon citoyen doit s’interroger sur non seulement sa propre liberté mais aussi sur le devenir de son pays.
Je sens le regret dire que j’ai fait ce constat avec mon pays, et peut-être d’autres concitoyens ont fait ce même constat. C’est à rectifier car la justice ne doit être le bras armé qui fait taire les vérités. La justice ne doit pas être l’élément distinctif qui catégorise les citoyens selon le rang social ou l’inclination politique. La justice doit être l’ultime recours pour redresser les torts, et restituer les droits et libertés des citoyens. Quand la justice est vue et utilisée comme une force alors elle devient de «la tyrannie » et consacre la démocratie du pouvoir, le pouvoir de la démocratie. À l’école on nous disait que la démocratie était universelle, mais elle ne l’est pas car l’Afrique a sa propre démocratie qui se borne le plus souvent à l’organisation d’élection.
Sidy Moukhtar Touré
Sidy8619@gmail.com.
Maryland, USA.