(Par Hamid Enayat, journaliste iranien basé à Paris)
Un accord entre les États-Unis et la Russie sur un cessez-le-feu en Syrie « n’aura aucun impact pratique et effectif » sur la présence des forces armées de la République islamique dans ce pays, a dit le 18 juillet, un adjoint du ministre iranien des Affaires étrangères. « La présence de l’Iran dans la crise syrienne dans toutes ses formes et à tous ses niveaux fait suite à la requête du gouvernement syrien et des accords entre les deux pays et n’a rien à voir avec tout autre accord entre toutes autres parties régionales et internationales », a dit Hussein Jaberi-Ansari, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, au terme d’une rencontre avec Alexander Lavrentiev, le représentant spécial de Poutine pour la Syrie, dans des propos relayé par l’Agence de presse Irna.
Les États-Unis, la Russie et la Jordanie se sont entendus vendredi, le 7 juillet, sur un cessez-le-feu dans le sud-ouest de la Syrie et l’établissement de « zones sécurisées ». L’accord a été mis à application le dimanche 9 juillet, après une rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Hambourg. Si nous ne combattons pas en Syrie, il faudrait combattre à Téhéran, avait dit le Guide suprême de la théocratie iranienne, Ali Khamenei, lors d’une rencontre avec les familles des Gardiens de la Révolution tués en Syrie.
Hassan Rouhani s’était récemment vanté d’avoir financé les frais de l’intervention militaire iranienne en Syrie, malgré toutes les crises économiques et le manque d’argent que connaissait son gouvernement.
Quels sont les intérêts de Téhéran dans la guerre en Syrie ?
Une analyse des plus objectives des évènements régionaux et internationaux nous amène à cette conclusion que sans le soutien tous azimuts de Téhéran, Bachar Al-Assad n’aurait pas été au pouvoir depuis bien longtemps. Cet apport continue de plus bel, alors que le conflit en Syrie s’est transformé en une guerre d’usure et son coût en vies humaines et en financement extravagant qu’il nécessite, devient de plus en plus lourd pour l’Iran. Les analystes évaluent de 15 à 20 milliards de dollars par an, les frais de cette guerre pour l’Iran. Des milieux bien placés dans le pouvoir à Téhéran avancent le chiffre de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Le plus grand intérêt de la théocratie iranienne en Syrie est la profondeur stratégique de ce régime. Les chefs de Téhéran sont persuadés que sans cet engagement dans le conflit syrien, ils auraient à combattre les opposants dans leur propre capitale.
La guerre de la Syrie est désormais appelée « le Vietnam de Téhéran » et le régime iranien s’enlise chaque jour d’avantage dans ce marécage. Il est plus qu’évident que ni les Takfiri ni le Daech que Téhéran prétend combattre en Syrie ne constituent une quelconque menace pour un pays aussi vaste que l’Iran avec ses 99,9% de chiites. L’alibi n’est pas bien choisi pour justifier une guerre aussi coûteuse.
Dans l’ère de la Révolution des communications et du net, la jeune population iranienne avec un taux élevé de personnes issues des universités, aspire à une société laïque, pluraliste et moderne comme l’Europe ; une société qui offre ses libertés aux femmes pour qu’elles puissent voyager sans l’autorisation de leur époux. Véhiculée par un dogmatisme archaïque qui ne tolère pas la moindre mèche de cheveux qui dépasse le tchador, la théocratie de Téhéran est loin de pouvoir satisfaire les revendications économiques et culturelles de cette jeunesse.
La profondeur stratégique, la guerre en Syrie et les interventions militaires en Irak et au Yémen par le biais des miliciens chiites qui soufflent dans le brasier des guerres ethniques, servent donc à maintenir le conflit à l’extérieur de ses frontières plutôt qu’à avoir à combattre des jeunes insurgés à Téhéran et dans les grandes agglomérations du pays. Il reste à savoir jusqu’à quand Téhéran pourra tenir bon dans le marécage de la guerre syrienne ?
NB: cette analyse n’engage que son auteur. Elle ne reflète en aucun cas la ligne éditoriale du média, Lecourrier-du-soir.com