Le paradoxe français ! Les Européennes de ce dimanche 26 mai ont apporté leur lot de surprises. Agréables pour certains, désagréables pour d’autres. C’est normal. Ainsi va la démocratie. Cependant, la grosse surprise, à mon avis, de ce dimanche n’a pas été la victoire du Rassemblement National qui était attendue de toute façon.
En plus, ce n’est pas la première fois que le parti de Marine Le Pen arrive en tête d’une élection européenne. En 2014, le Front National avait remporté les Européennes avec 25,4% des voix. La surprise vient du résultat obtenu par la République En Marche de Macron. Si on se réfère aux chiffres, le parti de Macron a certes perdu. Mais, dans un contexte actuel extrêmement difficile pour l’Exécutif, ce fut une victoire.
Ce dimanche, 26 millions de Français-e-s se sont rendus aux urnes. A l’issue du vote, le Rassemblement National est arrivé en tête avec 23,31% des voix. Contre toute attente, il est suivi par la République En Marche qui obtient 22,41% des voix. L’unique surprise a été créée par Les Verts (13,47%) qui ont devancé Les Républicains (8,2%), La France Insoumise (6,3%) et le Parti Socialiste (6,3%).
Au final, malgré tout le bruit qui a eu autour des Européennes, le Rassemblement National a obtenu le vote de 5 281 576 Français-e-s et son principal rival, La République En Marche obtient le soutien de 5 076 363 de Français-e-s. Le parti Les Verts qui arrive en 3ème position n’a même pas franchi la barre des 4 millions. Il n’a obtenu que 3 052 406 d’électeurs.
Franchement, je ne pensais pas que la vie politique française était si paradoxale. Je ne pouvais, en aucun cas, imaginer que la République En Marche qui traverse une crise politico-sociale qu’aucun gouvernement français n’a traversée ces dernières années s’en sortirait avec autant d’électeurs.
En effet, quelques semaines avant l’Election, le pays a connu la révolte des Gilets Jaunes, le mouvement social le plus important que la France n’ait jamais connu depuis Mai 68. Depuis plusieurs mois, la colère sociale contre Emmanuel Macron et son gouvernement avait presque atteint son paroxysme.
Le président français, durant les six mois qui ont précédé les Européennes, était devenu la cible de tout un pays. D’ailleurs, le seul point commun qui fédérait l’opposition de gauche comme de droite était la figure du plus jeune président de la Vème République dont la gestion du pouvoir est largement décriée.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je rappelle qu’au début de la crise des Gilets Jaunes (en novembre 2018), le mouvement social avait obtenu le soutien de 80% des Français-e-s. En décembre de la même année, une baisse a certes été notée, mais le soutien se situait autour de 72%.
Je rappelle aussi qu’au début des manifs Gilets Jaunes, plus de 200 000 Français-e-s avaient manifesté dans les rues du pays contre la politique d’Emmanuel Macron. Je tiens aussi à rappeler qu’en mars 2018, en pleine crise sociale sur la réforme de la SNCF annoncée par le gouvernement, environ 400 000 Français-e-s s’étaient manifestés pour s’opposer à une mesure impopulaire qui avait suscité des réactions d’une rare violence dans la classe politique française.
Le fait que le parti de Macron arrive en seconde position dans ces élections européennes dépasse toute logique. Nous savons en effet tous que dans ces Européennes, le duel opposait deux Frances. Celle du repli sur soi incarné par Jordan Bardella (candidat RN) et celle de l’ouverture incarnée par Nathalie Loiseau (LREM).
La confrontation entre ces deux partis s’est jouée sur une question essentielle et qui a fortement divisée l’Union Européenne et ses citoyens européens : l’immigration. Le parti de Marine Le Pen ne s’est pas imposée ce dimanche parce qu’il avait les meilleurs arguments. Il a gagné pour avoir joué la carte de la peur. D’ailleurs, en 2015, Marine Le Pen comparait l’immigration en Europe à l’ « invasion barbare » au IVème siècle.
La question de l’immigration a donc été essentielle dans ces élections européennes. Non seulement en France, mais aussi en Italie, en Hongrie et en Espagne. Et sur ce sujet précis, la position des Français-e-s, en décembre 2018, était claire et nette. En effet, à cette date, un sondage du JDD révélait des détails impressionnants : 8 Français sur 10 étaient contre l’immigration.
Et comme par hasard ! Malgré la crise des Gilets Jaunes, malgré la réforme SNCF largement décriée par une grande partie des Français-e-s, malgré une série de scandales (Affaire Benalla) qui ont fortement fragilisé Emmanuel Macron et son gouvernement, le RN n’a obtenu que 205 213 voix de plus que la LREM. C’est juste insignifiant !
Autrement dit, si le gouvernement de Macron n’avait pas été fragilisé par une série de crises politico-sociales, il l’aurait certainement atomisé son principal rival qui a été incapable de creuser l’écart. Si à cela, on ajoute la chute de la LFI et surtout de la droite LR, on se rend compte que le paysage politique français a complètement changé.
En tout cas, les résultats de ce dimanche nous ont appris deux choses : Macron n’est pas si détesté qu’on ne le pense et le paysage politique français est devenu un duel entre deux partis (la LREM et le RN). Un paradoxe français !