Cet édito est signé Diane James, députée britannique au Parlement Européen. L’édito a été publié le 14 mars 2017 par le Huffingtonpost, l’un des rares médias mainstream à avoir relayé cette analyse
L’Euro peut-il s’effondrer ? Mon opinion est que l’effondrement de la monnaie unique est inévitable. Ceci n’est pas une pensée eurosceptique et je ne me réjouirai pas non plus des dégâts que ceci causerait. Je pense sérieusement cependant que les pressions internes au sein de l’Euro sont insolubles et que ceci mènerait à un effondrement. C’est le marché obligataire qui est au cœur du sujet.
Et cette situation touchera la Grande-Bretagne malgré que nous n’ayons jamais adopté l’euro. Les taux d’intérêts peuvent être définis comme le coût de l’argent. C’est aussi une mesure de risque. Les banques centrales élèvent les taux d’intérêts lorsqu’elles veulent réduire la somme d’argent en circulation.
Ceci peut aider à contrôler l’inflation car elle rafraîchit les augmentations du coût des avoirs et décourage les emprunts. Si la banque centrale souhaite rafraîchir l’économie, elle le fait souvent à travers les taux d’intérêts. De la même manière, si elle souhaite stimuler l’économie et regrouper les demandes, elle baisse les taux d’intérêts.
Les taux fixés par la banque centrale déterminent le plus bas coût d’emprunt disponible sur le marché et qui est réservé au pays lui-même. L’Etat emprunte auprès des marchés à travers l’émission d’obligations avec un taux d’intérêts fixe et une date fixe de remboursement.
Ces obligations sont ramassées par des investisseurs à long terme et les banques qui utilisent ces obligations en tant que garantie d’emprunt. En prêtant aux gouvernements, les investisseurs s’exposent au risque de défaut de paiement. L’emprunt à risque se reflète dans les taux d’intérêts qui sont liés à l’obligation. Plus le pays s’expose au risque, plus les taux d’intérêts sont élevés.
Et voici le problème
L’Union Européenne en effet mutualise tout l’Euro sous le nom de « Obligation d’Etat » au moment où la BCE (Banque Centrale Européenne) agit en tant que renforts. Pour exprimer les choses de manière plus simple, la Monnaie Unique est un Deutsch Mark par procuration. L’Allemagne, ayant l’économie la plus solide, est la référence pour l’Euro.
En conséquence, le marché attache une prime de risque plus basse aux pays. C’est Ok de prêter au Portugal parce qu’il ne peut pas faire défaut de paiement. Evidemment, il y a des taux très élevés attachés aux obligations du Portugal mais ce ne sont pas des taux qui reflètent suffisamment le risque réel de défaut de paiement.
Le Portugal est la 45ème économie la plus importante du monde. Cependant, en raison de son adhésion à l’Euro, il est capable d’emprunter à 4%. Etant donné que le pays (Portugal) vient de sortir d’un programme international de sauvetage économique, ce taux est ridiculement bas. La Grèce peut emprunter à 7% alors qu’elle a une dette de 350 milliards de dollars, une dette qu’elle ne pourra jamais rembourser d’après le FMI.
Les taux d’intérêts sont maintenus à un niveau en-dessous de 0 par la Banque Centrale Européenne pour stimuler la croissance, surtout dans la périphérie sud. Mais, c’est aussi une façon d’inciter les pays à emprunter. Depuis 2007, l’Espagne a vu sa dette nationale passer de 525 millions d’euros à 1,1 milliard de dollars en raison des taux d’intérêts bas. L’Italie a une dette de 2,2 milliards d’euros.
L’Allemagne par contre a beaucoup bénéficié des taux d’intérêts bas. Et en raison de la valeur basse de l’Euro créée par les taux d’intérêts bas, l’Allemagne a une part de 9% sur les exportations de biens dans le monde, une part plus importante que celle des Etats-Unis, alors que l’économie américaine fait 4 fois celle de l’Allemagne.
Elle est le leadeur européen en matière d’exportation et a renforcé sa position en tant que moteur de croissance européenne durant la crise au moment où les exportations ont recommencé à décoller pour atteindre les 14% en 2010 après une baisse en 2009. Mais, voici le problème.
La croissance économique allemande en cours a ramené l’inflation qui a atteint les 2,2%. Avec les banques offrant des taux d’intérêts négatifs (elles vous facturent pour garder votre argent), les épargnants (les fonds de pensions) sont en train de perdre 3% de la valeur d’achat de leur capital chaque année. Pour rafraîchir l’inflation, les banques centrales doivent augmenter les taux d’intérêts (un Euro plus fort aide aussi l’Allemagne à faire face à sa balance des paiements en important des denrées, telles que le pétrole, plus cher).
Toutefois, prendre les taux de -0,15% choquera les marchés et c’est précisément les pays de la périphérie sud qui ressentiront le plus les effets. Au Portugal, les taux croîtront de manière dramatique pour atteindre les deux chiffres, ils ne pourront plus rembourser et le pays sera en défaut de paiement, les banques s’effondreront (bien que beaucoup d’entre elles soient des banques zombie qui ne sont en vie que grâce à la BCE). Idem pour l’Espagne, l’Italie et la Grèce.
La politique actuelle qui consiste à inonder les marchés d’argent ne fera que favoriser l’inflation et le fait d’acheter des obligations d’Etat a l’effet de réduire les taux d’intérêts en encourageant l’accumulation de plus de dettes dans une phase inflationniste du cycle. L’achat d’obligations de la BCE déjà à plus d’1 mille milliard d’euros n’est qu’un répit temporaire de toute façon étant donné que les obligations ne sont pas retirées, les dettes doivent toujours être remboursées.
L’Allemagne autorisera-t-elle ses épargnants et des fonds de pension à financer la poursuite d’un emprunt dangereux au sud ? Non. Les taux augmenteront et l’euro se fragmentera. Notre seul espoir est que cela se fasse en ordre. Nous vivons dans un monde qui n’a jamais été aussi connecté et les conséquences d’une explosion de l’Euro nous affecteront. Le Brexit offrira quelques protections mais pas une immunité totale de tout cela.
Le commerce sera perturbé car les pays de l’Eurozone devront abandonner leurs euros et retourner à leurs monnaies d’origine : Escudos, Pesetas, Deutsch Mark, ainsi de suite. Le commerce concernant les marchandises physiques sera volatile au moment où les nouvelles valeurs des devises seront établies et nos balances commerciales seront excédentaires. Mais la ville de Londres s’en tirera bien grâce au fait qu’il est le centre financier numéro 1 au monde.
Les obligations de la Grande-Bretagne seront aussi valorisées lorsque les investisseurs abandonneront leurs obligations italiennes pour acheter des dorures britanniques plus fiables, ce qui fera chuter nos taux d’intérêts à long terme. Quand l’Euro sera abandonné en tant que fonds de réserve, les banques seront obligées d’acheter des livres sterling. En tant qu’havre de paix, les biens de Londres agiront comme un aimant pour attirer les capitaux qui fuiront les pays faibles et des contrôles temporaires pourraient être introduits.
De la même manière, les avoirs éjectés dans les pays pourraient être à bas coûts et attirer l’investissement en Grande-Bretagne car ils s’arracheront les marchés, mais ceci arrivera à un coût de cet investissement qui sera détourné des projets de la Grande-Bretagne. Comme toute chose dans la vie, il y aura des gagnants et des perdants mais remettre le marché à l’ordre est essentiel.
En raison du bordel qu’est l’Euro et en raison du fait que les balances commerciales ont été déformées d’une manière ou d’une autre et qu’il est essentiel que l’économie mondiale commence à fonctionner de manière efficace, il est nécessaire de refixer les prix et de les balancer. Il est inévitable et comme je l’ai dit, nous devons espérer que cela se fasse d’une façon ordonnée sinon le chaos que j’ai décrit arrivera.
Pour une fois, je peux honnêtement remercier Gordon Brown de ne pas nous y avoir mené, mais s’il vous plait, notez ceci : si nous n’avions pas voté en faveur du Brexit, nous nous serions fait sucer au sein de l’Euro pendant des années et nous serions l’un des pays à faire face à cette crise.
Edito intégralement traduit de l’anglais au français par l’équipe de www.lecourrier-du-soir.com.
Si vous souhaitez lire l’original de cette analyse en anglais, cliquez ici : Diane James