(Une analyse du journaliste, Cheikh DIENG)
Le mouvement des Gilets Jaunes a-t-il été brisé ? Je pose cette question après le lancement inattendu d’une liste Gilets Jaunes aux européennes et qui sera menée par Ingrid Levavasseur. Cette annonce faite cette semaine a cueilli à froid des milliers de sympathisants Gilets Jaunes et risque de fragiliser fortement le mouvement.
En effet, deux camps s’opposent désormais : un favorable à la liste européenne et un autre qui refuse catégoriquement toute démarche tendant à transformer ce mouvement en parti politique. Dans ce conflit interne qui risque de sonner le glas du mouvement, il n’y a qu’un seul gagnant : le pouvoir en place.
Pour comprendre cette crise endogène qui pourrait paralyser le fonctionnement du mouvement, je me focaliserai sur le discours des uns et des autres. Cela nous permettra de voir qu’entre Gilets Jaunes, le torchon brûle et que désormais, rien ne sera plus comme avant.
Ce 23 janvier, dans une interview accordée à France TV Info, Haky Shaninyan, directeur de la liste « Gilets Jaunes », s’était expliqué sur le lancement de cette liste. « Nous avons évoqué cette possibilité au sein d’une coordination nationale, qui regroupe plusieurs dizaines d’initiatives. Certains étaient pour, d’autres étaient contre l’idée d’une liste aux européennes. Nous avons beaucoup discuté, et finalement nous avons décidé que l’ensemble des initiatives qui permettent de porter nos idées, nos revendications devant les Français sont bonnes. Les européennes doivent être l’une de ces expressions », disait-il.
Dans l’interview, Hayk avait nié toute rumeur sur une éventuelle division des voix en faveur Macron. « C’est une fausse critique, à mon sens, pour deux raisons. (…) Il faut regarder les choses sur le long terme : est-ce que, vraiment, Emmanuel Macron, ou tout autre parti politique, a vraiment intérêt à voir un mouvement citoyen, horizontal, avec de la révocabilité, un fonctionnement innovant, partant de la base, s’imposer sur le champ politique ? Evidemment que non », répondait-il à ses détracteurs.
Quelques heures après cette interview, Eric Drouet, l’une des figures emblématiques du mouvement, a catégoriquement rejeté toute idée de se présenter aux européennes sous la bannière « Gilets Jaunes ». Dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, il a dit ces quatre vérités.
« Je voudrais lancer un message directement à Ingrid et tous les autres Gilets Jaunes qui décideraient de se lancer en politique. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent au final, mais pas de le faire au nom d’une cause qui a justement pour but d’être non partisan. (…) 98% des Gilets Jaunes, d’après un sondage, ne se sentent pas représentés par une liste aux européennes. J’aimerais bien qu’Ingrid et tous ceux qui comptent créer des listes retirent en fait le nom ‘Gilets Jaunes’ de leur mouvement politique », a-t-il déclaré.
Après cette déclaration, il est évident qu’entre Gilets Jaunes la rupture est consommée. Alors, ma question est la suivante : à qui profitera cette division ? Pourquoi l’avoir provoquée en un moment crucial où le mouvement est en train de reprendre du poil de la bête avec l’Affaire des passeports de Benalla qui a fragilisé un gouvernement désaxé ? Et qui est cette Ingrid Levavasseur qui a été choisie comme tête de liste du mouvement aux européennes ?
Je n’émettrai aucun jugement de valeur sur la personne d’Ingrid Levavasseur. Je ne la connais pas et je ne remettrai pas en question son choix pour mener une liste politique au nom d’un mouvement qui se veut apolitique. Je tiens juste à souligner qu’Ingrid Levavasseur a été pressentie, il y a trois semaines, par la chaîne BFMTV pour être chroniqueuse.
Ce choix venait de la présentatrice Apolline de Malherbe. D’après mes informations, Ingrid Levavasseur devait toucher 150 euros brut par émission. Des sources révèlent que le choix d’Ingrid Levavasseur, en tant que chroniqueuse pour BFMTV, avait fortement divisé la rédaction de la chaîne où certains journalistes évoquaient des problèmes de déontologie.
Et comme par hasard, c’est cette même dame qui a été choisie comme tête de liste du mouvement aux européennes, une liste qui est loin de faire l’unanimité au sein des Gilets Jaunes. Je peux me tromper. Cependant, je pense qu’il s’agit d’une stratégie mise en place par les médias pour enclencher une guerre au sein du mouvement afin de l’affaiblir.
Cette stratégie portera-t-elle ses fruits ? Difficile de répondre à cette question. En tout cas, une chose est sûre : entre Gilets Jaunes, la guerre est bien déclarée.