L’univers orwellien tant redouté est désormais là et chaque citoyen est devenu une menace potentielle pour l’Etat. Si jusqu’ici, l’idée de vivre dans une société où la surveillance de masse serait tout à fait normalisée était considéré comme une utopie, ce n’est plus le cas. En tout cas, pour ce qui est de la France, c’est une réalité indéniable.
En effet, dans la nuit du 29 au 30 juin, un événement passé complètement inaperçu a eu lieu au Sénat français où un projet de loi renforçant la prévention du terrorisme et du renseignement a été adopté en première lecture. D’après Le Monde qui donne l’info, 251 voix ont voté pour contre 27 et 66 abstentions.
Le Monde fournit des détails de ce projet de loi très controversé : « le texte, dont les sénateurs ont modifié plusieurs articles, pérennise des mesures inspirées de l’état d’urgence. (…) Il (ce projet de loi) vise notamment à faire entrer définitivement dans le droit commun quatre mesures emblématiques mais expérimentales de la loi ‘sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme’ (Silt) de 2017. »
Mais, de quoi s’agit-il vraiment? A cette question, Le Monde répond : « périmètres de sécurité, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et visites domiciliaires : ces quatre dispositions de police administrative avaient pris la suite de mesures de l’état d’urgence, mises en œuvre pendant deux années après les attentats de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015. »
« La surveillance par les algorithmes entre en action »
Le média français poursuit : « concernant le volet renseignement, le Sénat a voté la pérennisation de la technique dite « de l’algorithme » qui permet d’analyser des données de navigation sur Internet fournies par les opérateurs de télécom. Mais pour son extension aux URL de connexion, il a préféré se limiter à une expérimentation. »
Mais déjà, quelques couacs sont notés. Car, le projet de loi, dénoncés par l’opposition de gauche, est déjà très violemment attaqué par deux juristes de l’organisme Quadrature du Net que sont : Arthur Messaud et Martin Drago. En effet, dans une tribune publiée dans Le Monde à quelques heures de l’adoption du projet de loi, les deux spécialistes ont dénoncé un projet de surveillance de masse qui, selon eux, « doit être rejeté entièrement ».
« Chaque citoyen devient un suspect »
« A partir du mardi 29 juin, les sénateurs examineront, dans l’Hémicycle, le nouveau projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. Nous les appelons à le rejeter entièrement », ont-ils martelé. Et d’ajouter : « Parmi les nombreuses dispositions de ce texte attentatoire à nos libertés, l’une des plus graves concerne la surveillance de masse des communications par des algorithmes que l’on appelle aussi ‘boîtes noires' ».
Sur le danger de ces algorithmes, les deux juristes ne mâchent pas leur mot. « Ces logiciels analysent l’ensemble des métadonnées (numéros de téléphone appelés, date et durée des appels, etc.) transitant sur les réseaux afin de détecter des comportements qui, d’après les services de renseignements, pourraient révéler des activités terroristes. Voté comme une mesure expérimentale en 2015, le nouveau projet de loi veut pérenniser ce dispositif et lui permettre d’analyser aussi, désormais, les adresses des sites Web consultés », préviennent-ils.
Le gros problème souligné par les deux juristes est que l’automatisation, contrairement à la surveillance dite humaine, « rend possible la surveillance de tout le réseau, c’est-à-dire de toute la population ». Autrement dit, chaque citoyen français devient un potentiel suspect qu’il faut traquer.
L’autre danger est que ce dispositif ne serve à espionner des opposants comme cela a été déjà été le cas dans le passé. « Le fait que le dispositif soit limité à la prévention du terrorisme ne doit en aucun cas nous rassurer : ce critère a déjà été dévoyé pour surveiller des opposants politiques, que ce soit dans l’affaire de Tarnac [affaire politico-judiciaire qui a abouti, en avril 2018, à la relaxe quasi générale de huit militants anticapitalistes] ou dans les diverses mesures de censure contre le réseau Indymedia [une plate-forme de médias alternatifs] en 2017″, s’inquiètent-ils.
George Orwell parlait de « Big Brother » dans son roman, 1984. Désormais, le « Big Brother » est là parmi nous, sans masque ni cagoule. Nous avons le choix entre : lui soumettre toutes nos libertés ou disparaître définitivement.
Cet article est écrit par Cheikh DIENG, auteur du livre : « Covid-19 : le monde d’après sera une dictature ». Pour acheter ce livre, merci de cliquer sur les liens suivants : COVID 19, COVID 19