A son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron était un jeune banquier d’affaires qui avait conquis, par son charme et son intelligence, les médias du monde entier. A l’époque, son obsession numéro 1 était de changer le visage de la France et dans ses interventions publiques, il avait recours sans cesse au vocable « réformer ».
Parmi ses projets phare, figurent : la réforme de la SNCF, la fin du statut des cheminots, la réforme du marché du travail, la réforme de la retraite entre autres. Pour faire passer ses réformes, le plus jeune président de la Vème République n’hésitait surtout pas à recourir aux ordonnances, une méthode aux relents de totalitarisme vigoureusement décriée par l’opposition .
Il est intéressant de faire remarquer que chacune des réformes susmentionnées a suscité une vague d’indignations en France et a drainé dans les rues du pays des milliers de manifestants. Cependant, aucune des manifs n’a fait reculer Emmanuel Macron dont l’obsession à réformer la France était finalement comparable à une religion.
Il a fallu attendre novembre 2018, date à laquelle des centaines de milliers de Français (appelés Gilets Jaunes) ont arpenté les rues du pays pour s’opposer violemment à la hausse de la taxe carbone (qu’ils ont assimilée à une arnaque déguisée pour les tondre) pour voir Macron effectuer un virage à 180 degrés.
Terrorisé par la brutalité du mouvement qui était à deux doigts de l’évincer, il se débarrassera de son déguisement de banquier d’affaires réformateur pour enfiler celui d’un dictateur prêt à affronter le peuple. Et pour prendre le dessus sur celui-ci, tous les coups sont permis.
Jamais dans l’Histoire récente de la France, un gouvernement n’a autant eu recours à la violence pour sauver son pouvoir. Ainsi, entre 2018 et 2020, plusieurs dizaines de Français ont été mutilés. Certains ont définitivement perdu l’usage d’un œil, d’autres un bras ou une main.
Et pour la première fois depuis plusieurs décennies, la France est dans le collimateur des organisations de défense des droits de l’Homme qui ne peuvent plus garder le silence face aux violences policières sur des citoyens dont le seul tort est d’exiger des meilleures conditions sociales dans leur pays. En effet, dans des rapports de grandes organisations internationales telles que Human Rights Watch ou encore Amnesty International, on n’a plus peur d’utiliser le terme « répression » pour décrire une violence inouïe qui restera à jamais gravée dans la mémoire collective.
Depuis 2018, l’Etat ne se gêne plus de recourir aux forces de l’ordre pour se maintenir au pouvoir au moment où une importante partie du peuple manifeste ouvertement son ras-le-bol en exigeant sans délai la démission d’Emmanuel Macron. Mais, craignant que le pouvoir ne finisse par s’effondrer, le plus jeune président de la Vème République, dans ses rapports avec la police, joue la carte de la séduction.
Les détails suivants peuvent nous aider à comprendre le rapport très étroit entre pouvoir et forces de l’ordre. Fin octobre 2020, peu après la « marche de la colère » organisée par les policiers de France, le gouvernement avait immédiatement déloqué 50 millions d’euros pour indemniser près de 3,5 millions d’heures supplémentaires. Et ce ne sera pas tout. L’Etat, dans sa volonté d’apaiser la colère des policiers (la seule qui pourrait véritablement précipiter la chute de Macron), annoncera en octobre 2020 une augmentation historique du budget 2020 de la police de 325 millions d’euros. Une somme colossale qui n’est pas passée inaperçue et qui a très largement alimenté la polémique en France, notamment sur les réseaux sociaux.
Désormais, l’Etat est conscient que tant qu’il a les forces de l’ordre à ses côtés, il est certain de conserver son pouvoir et pour éviter toute révolte sociale dans un contexte extrêmement sensible marqué par la restriction presque totale des libertés individuelles, il cherche à accorder aux policiers des pouvoirs extraordinaires qui finiraient par faire de ces derniers des fonctionnaires intouchables exempts de tout reproche et qui n’auraient aucun compte à rendre à personne.
En effet, nous avons tous entendu parler de la loi « Sécurité Globale ». Il ne sera pas question d’entrer dans les détails de cette loi liberticide dont le texte a été débattu à l’Assemblée Nationale ce 17 novembre. Ce que l’on peut dire est qu’en vertu de l’article 24 de cette loi, il est interdit de diffuser des images ou tout autre élément d’identification d’un policier ou d’un gendarme en intervention. Et tout citoyen qui prendrait le risque de le faire s’expose à une amende de 45 000 euros. Pire, en vertu de cette loi, la reconnaissance faciale sera bientôt une réalité en France où des drones seront utilisés pour surveiller des manifestations au nom de la sécurité nationale.
Les Français sont désormais conscients que la liberté et la démocratie, arrachées dans le sang en 1789, sont en danger de mort et que la dernière digue qui les tenait jusqu’ici est en train de s’effondrer. C’est certainement ce qui explique cette forte mobilisation organisée en plein confinement devant le siège de l’Assemblée nationale ce 17 novembre pour crier haro sur une loi anti-démocratique, pour ne pas dire totalitaire.
En plein confinement, alors que des milliers de Français sont contraints de rester chez eux pour éviter de propager le virus, l’Assemblée nationale sert encore de refuge à des représentants du peuple qui y votent, dans la plus grande discrétion, des lois scélérates totalement défavorables à celui-ci. Et ce, trois jours seulement après l’adoption de la réforme des retraites par des sénateurs de droite et du centre en pleine nuit ce samedi 14 novembre.
Emmanuel Macron est un jeune président très engagé dans sa politique de réforme sociale. Il est un brillant banquier d’affaires qui a servi dans l’une des plus grandes institutions financières du monde avant de prendre la tête du ministère de l’Economie de la France en 2014 sous François Hollande.
Il faut être de très mauvaise foi pour remettre en cause sa volonté de sortir la France de l’ornière. Il faut être aussi de très mauvaise foi pour le traiter de dictateur. Toutefois, sa gestion sectaire du pouvoir qui ne repose que sur le soutien des forces de l’ordre pour obtenir une certaine légitimité internationale donne le sentiment que la grande démocratie française, sous son mandat, est en train de se transformer petit à petit en une dictature molle.
Les restrictions des libertés individuelles résultant de la crise sanitaire, les mesures répressives contre les Gilets Jaunes et la loi sécurité globale nous préviennent qu’il y a un gros risque de voir l’ancien banquier d’affaires quitter la France en la laissant dans un état anti-démocratique d’où elle se sortira plus jamais. Ce risque doit être évité à tout prix car la probabilité qu’il se réalise est malheureusement très proche.
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