Un tournant dans les relations entre la France et l’Afrique. Ce 10 juin, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé la fin de l’opération Barkhane, anciennement connue sous le nom de Serval et qui a été mise en place depuis 2013 pour lutter contre le terrorisme au Nord Mali et dans tout le Sahel.
Huit ans après sa mise en place, le bilan est très mitigé. En France, beaucoup de voix se sont levées pour demander le retour des soldats et au Mali, ces dernières années, la présence de l’armée française est très sérieusement remise en question par des mouvements nationalistes qui la perçoivent comme une violation de la souveraineté de leur Etat.
Mais, il faut dire que la décision d’Emmanuel Macron intervient dans un contexte politique extrêmement tendu en Afrique où l’image de la France se dégrade de plus en plus par une série d’événements. En effet, il y a deux ans (en 2019), la signature d’un accord entre Emmanuel Macron et Alassane Ouattara (président de la Côte d’Ivoire) pour la création d’une nouvelle monnaie baptisée « ECO » (qui devrait remplacer le FCFA) a été perçue comme un stratagème ourdi par Paris pour perpétuer sa politique coloniale.
Et ce n’est pas la seule source de conflit entre la France et ses anciennes colonies. Ces dernières années, une série de coups d’Etat frappe le Mali où une immense partie de la population exige le départ des troupes françaises de son sol. Dans ce pays, certains vont jusqu’à accuser l’ancienne puissance coloniale (sans aucune preuve) de financer les Djihadistes.
En Centrafrique, le même problème se pose. Dans cette ex colonie française située en Afrique centrale, Paris achoppe sur la Russie dont l’influence ne cesse de gagner du terrain dans un pays dont le sous-sol est très riche en matières premières (or, diamant…). D’ailleurs, face à l’influence russe que la France ne digère plus, Emmanuel Macron a récemment suspendu une aide de 10 millions d’euros destiné à Bangui (capitale de la Centrafrique). A partir de là, il est donc clair que les rapports entre Paris et ses ex colonies ont complètement changé et un vent de révolte souffle pour mettre définitivement fin à la FrançAfrique.
Barkhane est donc en train de vivre ses dernières heures en Afrique. Et la grande question est celle de savoir si sa fin annonce le début du départ des troupes françaises de ce continent. A cette question, aucune réponse n’est encore trouvée. Cependant, tout laisse à croire que ce ne sera point le cas.
En effet, d’après les dernières informations obtenues par Lecourrier-du-soir.com, la France envisage de remplacer Barkhane par Takuba, une force européenne composée de plusieurs pays dont la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Grèce et l’Allemagne. En gros, on assiste à un nouvel habillage de Barkhane.
Et c’est là où la France commet une erreur de calcul fatale. Car, Paris, en décidant de remplacer l’opération Barkhane par une force européenne, semble faire une très mauvaise lecture de la situation actuelle. Et ce triste constat nous oblige désormais à dire les choses sans état d’âme ni langue de bois.
La réalité actuelle de l’Afrique subsaharienne est que ses peuples ne veulent plus entendre parler de présence militaire occidentale sur leur sol. Ils se trompent lourdement peut-être mais depuis quelques années, ils ont le sentiment que l’Occident instrumentalise la guerre contre le terrorisme dans le seul but de maintenir ses troupes sur leur sol et, in fine, chasser la Russie et la Chine et s’accaparer des ressources naturelles.
Ne nous voilons pas la face. Ces deux dernières années, les jeunes du Sahel ont ouvertement exprimé leur souhait d’expulser la France et de renverser la table des alliances nouées avec cet Etat qui, selon eux, a largement contribué à la misère des Africains en pillant sauvagement leur sous-sol, en exploitant la main d’œuvre et en empêchant tout progrès dans cette partie d’Afrique.
La réalité actuelle est que dans cette détresse et dans ce désespoir que les animent, ils ont trouvé un messie nommé « La Russie » devenue un allié fondamental de la République Centrafricaine mais aussi de la République du Mali contre une France dont ils ne digèrent plus la présence sur leur sol et qu’ils veulent bouter hors de leur continent.
L’idée de faire disparaître Barkhane et de la remplacer par une nouvelle force européenne est à saluer car, au bout du compte, ce dont il est question est d’assister ces pays à mettre les groupes djihadistes hors d’état de nuire. Cependant, le gros risque est que ce changement de cap soit interprété comme une stratégie déguisée de la France pour maintenir sa présence dans cette partie du continent africain.
Face à une telle situation, il devient urgent d’établir un dialogue franc avec les Etats du Sahel et leur demander ce qu’ils veulent réellement, quitte à organiser des référendums comme ce fut le cas dans les années 50 sur la question de l’indépendance. S’ils ne veulent plus de la France (ce qui semble être le cas en l’état actuel), alors, dans ce cas, il faudra déguerpir et les laisser se démerder tout seul s’ils pensent pouvoir le faire.
Macron a mis fin à Barkhane mais les peuples du Sahel veulent le départ des troupes françaises de leurs sols.