« Quand l’Afrique était un laboratoire allemand ». Tel est le titre d’une excellente analyse produite par Edna Bonhomme, auteure et historienne de la Science basée à Berlin, en Allemagne. En effet, dans un article publié sur le site du média Al-Jazeera, elle y raconte comment, au 20ème siècle, Robert Koch, célèbre scientifique allemand, ex Prix Nobel, a transformé la population noire d’Afrique de l’Est en cobaye pour traiter une épidémie connue à l’époque sous le nom de « maladie du sommeil ».
Que sait-on de cette épidémie? Il s’agit d’une maladie causant de l’apathie, des troubles de la parole, une faiblesse physique et qui, à la longue (si elle n’est pas traitée), peut provoquer la mort de celles et ceux qui en souffrent. La maladie, apparue au début du 19ème siècle, avait suscité l’immense inquiétude des colons qui craignaient que l’épidémie n’ait une conséquence néfaste sur leur main-d’œuvre et leurs projets coloniaux.
C’est ainsi qu’en 1906, Robert Koch effectue un voyage en Afrique de l’Est en compagnie de sa femme et de quelques assistants. Son objectif était de trouver un remède pour vaincre rapidement cette maladie qui gagnait encore du terrain en Afrique. Pour éliminer la maladie, il mit en place ce qu’il a lui-même appelé « camps de concentration » pour les malades de l’Afrique de l’Est et commença à les traiter avec de l’Atoxyl, même si tous les experts étaient d’accord sur le fait que ce traitement causait de la douleur et pouvait même entraîner la cécité et la mort.
Selon l’auteure, une fois installé en Afrique, Robert Koch y installa son camp de concentration et environ 1 000 personnes étaient traitées chaque jour avec de l’Atoxyl et d’autres réactifs. Pour l’heure, rien ne permet de dire que les africains réunis dans les camps de concentration étaient informés des effets toxiques du traitement qui leur était réservé.
Cependant, ce qui est sûr est que la méthode Koch qui consiste à ériger des camps de concentration a été généralisée dans toutes les colonies allemandes en Afrique car d’après l’auteure, lorsque le scientifique allemand a quitté l’Afrique en octobre 1907, trois camps de concentration existaient dans les colonies allemandes de l’Afrique de l’Est et cinq autres ont été trouvées dans les colonies allemandes de l’Afrique de l’Ouest.
Dans son analyse, l’auteure cite le chercheur allemand Wolfgang U Eckart qui, dans une étude intitulée : « La Colonie comme laboratoire », explique que dans ces camps de concentration, les Africains faisaient l’objet de dangereuses expériences scientifiques. En effet, les scientifiques allemands leur procuraient différents doses d’Atoxyl tout en surveillant les effets secondaires que ces doses pouvaient avoir sur eux.
Autre scientifique américaine citée dans le texte et portant le nom de Mary K. Webel a aussi révélé que dans ces camps de concentration, les malades portaient autour du coup ou au niveau du poignet une étiquette d’identification en bois. Et ce n’est pas tout. D’autres traitement dégradants leurs étaient aussi réservés. Par exemple, pour certains, les yeux, les oreilles et des membres de leur corps étaient souvent percés par des aiguilles pour extraire le microbe et la pratique était courante dans presque toutes les colonies car les résultats obtenus dans ces camps étaient aussi partagés avec les Britanniques qui faisaient face à la même épidémie dans leurs colonies.
Koch était-il raciste? Rien ne permet de le confirmer. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’il a été dépêché par l’administration coloniale allemande en Afrique pour mettre fin à une épidémie qui pouvait avoir des conséquences drastiques sur l’économie coloniale. Cependant, comme le fait remarquer Edna Bonhomme, les expériences dangereuses menées sur des Noirs et non pas sur des populations blanches européennes laissent croire qu’il y a bien eu « une hiérarchie raciale ».
L’auteure finit son analyse en soulignant l’importance pour les populations africaines d’éviter qu’une telle expérience ne se reproduise en Afrique en pleine lutte contre le Coronavirus. D’ailleurs, elle n’a pas oublié de mentionner l’échange de deux médecins français en avril 2020 qui avait défrayé une véritable polémique en France et un partout dans le monde.
L’auteure déplore dans son article que le passage de Koch en Afrique soit totalement effacé en Occident où il est d’ailleurs traité comme un prophète.
Pour lire l’article dans sa version originale, cliquez ici : Edna Bonhomme