Dans une tribune publiée ce 16 janvier par L’Opinion et intégralement lue par Lecourrier-du-soir.com, Marine Le Pen, cheffe de file du parti Rassemblement National, exige un poste de représentant de l’Afrique comme membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU et prône un meilleur partenariat entre l’Afrique et la France dans un contexte géopolitique mondial marqué un rejet de la présence française sur le continent noir
Cette tribune est publiée ce lundi 16 janvier, date à laquelle Marine Le Pen s’est rendue à Dakar, première étape d’une visite de trois jours en Afrique
Lecourrier-du-soir.com vous invite à lire la tribune dans sa version intégrale
Excellente lecture
« Sans racine, sans culture ou sans histoire, les nations perdent l’équilibre, et quand celui du monde est rompu, ce sont les peuples qui en paient le tribut. Or, l’Afrique, qui a vu naître les racines de notre humanité, n’occupe aujourd’hui, ni dans l’ordre politique ni dans l’ordre économique, la place qui devrait être la sienne dans la marche du monde, participant ainsi à son déséquilibre. Pour améliorer la stabilité du monde, il faut cesser de dénier à l’Afrique, qui compte près d’un milliard et demi d’habitants, la place légitime qui doit lui revenir.
J’ai défendu à plusieurs reprises un élargissement raisonnable des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est le seul moyen pour l’ONU de retrouver les voies de l’universel et donc sa légitimité à dire le droit. Par esprit de justice et parce que rien ne serait pire aussi qu’un système onusien donnant le sentiment d’une nomenklatura de puissants, il m’apparaît évident qu’un représentant de l’Afrique doit siéger comme membre permanent du Conseil de sécurité.
Etat de droit respectueux des alternances politiques, pays à majorité musulmane où les chrétiens vivent en fraternité et en parfaite citoyenneté dans une société unie autour de ses cultures séculaires, doté d’une diplomatie rayonnante, je pense que le Sénégal pourrait assumer cette charge si particulière. Cette proposition pourrait devenir celle de la France auprès des quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité.
Identités singulières. Sur le plan économique, l’Afrique n’a pas vocation à demeurer un éternel pourvoyeur de biens primaires pour la satisfaction du reste du monde. Mais son insertion croissante dans le commerce international des biens manufacturés et l’élévation corrélative du niveau de vie ne devra pas se faire sans évolution. Je pense notamment à une vision moins dogmatique des termes des échanges Nord-Sud, ou à l’acceptation de l’idée que l’homme, qu’il soit africain ou européen, n’est pas seulement un agent économique mais un être d’affection, de filiation et de transmission qui ne peut pleinement s’épanouir dans un système économique qui ignore ces valeurs anthropologiques fondamentales.
A nous de peser ensemble, France et Sénégal, à l’OMC comme dans les négociations de bloc à bloc, pour réussir cette conciliation complexe de l’équilibre des sociétés avec les exigences d’une croissance soutenable. Je crois à l’importance d’un authentique co-développement euro-africain. Or, le nouveau dispositif d’aide européenne au développement pour les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique a fait l’objet d’une négociation sous contrainte marquée par le culte du secret de la Commission européenne et son manque d’empathie pour ses interlocuteurs.
De même, si l’impératif d’industrialisation de l’Afrique doit entendre les exigences climatiques actuelles, nous observons que Bruxelles a plus souvent la tentation d’imposer à ses partenaires africains des conditionnalités sociétales, ignorants leurs identités singulières plutôt que de trouver le moyen de leur permettre de s’adapter aux critères climatiques et de durabilité qui transforment le commerce mondial.
Francophonie. Politiquement et économiquement, nous devrons retrouver un cadre de coopération Europe-Afrique plus transparent et plus efficace dans laquelle France et Sénégal ont un rôle crucial à jouer. Le beau concept de francophonie doit s’élargir pour contribuer de façon plus active à la promotion de l’industrialisation et de l’entreprenariat en Afrique ; il s’agit là d’armes de construction massive au service du continent. L’idée initiale des pères de la francophonie, dont beaucoup étaient africains, comme le président Léopold Sédar Senghor, était d’affronter ensemble, francophones du Nord et du Sud, les injustices de l’économie mondialisée par une solidarité intercontinentale cimentée par la langue française. Il nous faut retrouver cette ambition et cette dynamique originelles.
Il existe encore une envie de France en Afrique et un espace d’action commun qui peut se déployer avec succès dans le cadre d’une relation mature, fondée sur la prise en compte des réalités et des intérêts mutuels, à commencer par la stabilité de nos pays respectifs, en bannissant certains travers du passé qui ont pu pervertir les relations entre la France et l’Afrique.
Sécurité et stabilité constituent une condition indispensable au développement des nations. La France a dans ce domaine une place singulière. L’implication éventuelle de nos armées en Afrique doit répondre à des objectifs politiques et stratégiques clairs et se faire dans un cadre strict notamment limité dans le temps. En revanche, apporter aux armées de pays amis et alliés qui le souhaitent, le concours d’une coopération dans la durée, correspond en tout point à la vocation naturelle de la France.
En matière de stabilité monétaire, la zone franc a constitué un outil puissant de promotion des échanges et d’intégration régionale, mais c’est aux gouvernements concernés de décider souverainement s’ils souhaitent poursuivre cette coopération avec le trésor français ou s’ils font le choix de solutions alternatives.
Mais ce sont bien les questions de sécurité alimentaire et de santé qui m’apparaissent les plus structurantes pour l’avenir de l’Afrique.
Sagesse. Le secteur agricole africain connaît la croissance la plus forte au monde. La guerre en Ukraine a montré aussi la grande dépendance du continent aux importations de céréales ou de protéines animales. Il convient donc que la France accompagne de façon plus innovante les agriculteurs africains et les aide en particulier à se saisir du grand potentiel de développement que constituent les terres arables non cultivées, dont 60 % des réserves mondiales se trouvent sur le continent. Paradoxalement, le caractère extensif de l’agriculture africaine, décrié par le passé, constitue désormais un avantage comparatif indéniable en la rendant moins dépendante de techniques intensives et d’intrants aux coûts impactés par la hausse vertigineuse des prix de l’énergie.
Je souhaite voir cette dynamique, réelle mais encore trop lente, de l’autosuffisance alimentaire continentale, accompagnée plus fortement par la coopération française, grâce à nos centres de recherche agronomiques.
Concernant la santé, de grands progrès ont été enregistrés dans la quasi-totalité du continent ces dernières années et chacun peut s’en réjouir. Des efforts conjoints doivent encore être mis en œuvre. La déclaration d’Abuja de 2001, qui engageait les gouvernements africains à consacrer 15 % de leur budget national au secteur de la santé, n’a pu être partout suivie d’effets. La France a joué un rôle majeur dans certaines initiatives internationales au service de l’Afrique, en particulier pour l’accès aux trithérapies. Je salue cet effort qui mérite d’être poursuivi et amplifié en direction des nouvelles menaces épidémiologiques, mais aussi pour ne pas délaisser les maladies oubliées comme la lèpre en Afrique centrale, la drépanocytose au Sahel et le paludisme sur la quasi-totalité du continent.
C’est de tous ces sujets que je pars m’entretenir au Sénégal avec la profonde conviction que c’est par l’échange et la parole que la sagesse trouvera son chemin. Je ne doute pas de la rencontrer au pays de la Teranga ».