Massacre de musulmans Rohingya en Birmanie : pourquoi la Ummah Islamique est-elle si hypocrite ?

La communauté musulmane à nouveau prise dans ses propres contradictions. En effet, depuis 48 heures, les appels des chefs d’Etats musulmans se multiplient. Tous demandent que la communauté internationale réagisse par rapport à la persécution à laquelle la minorité Rohingya vivant en Birmanie fait face.

Depuis le début des violences, plus de 120 000 Rohingya ont fui la Birmanie pour se réfugier au Bangladesh et quelque 400 000 d’entre eux sont pris au piège dans les zones de conflits, incapables de sauver leurs vies et celles de leurs familles. Nous sommes tous d’accord qu’il s’agit d’une tragédie qui, sans aucun doute, doit faire réagir la communauté internationale.

Ce qui se passe en Birmanie aujourd’hui montre tous les signes précurseurs d’un génocide qui pourrait être plus grave que celui du Rwanda (1994) ou le Massacre de Srebrenica qui avait fait plus de 8 000 morts en Bosnie-Herzégovine en juillet 1995. Tous ces massacres avaient suscité un tollé international et ce serait une injustice totale que cela ne soit pas le cas pour la minorité Rohingya en Birmanie.

Mais, un fait marrant a attiré mon attention. Au moment où les Rohingya sont persécutés par le régime de Myanmar, les musulmans, à leur grande majorité (à l’unisson et comme par hasard), s’émeuvent de voir des membres de la Ummah islamique se faire massacrer par des non-musulmans. Beaucoup d’entre eux pointent du doigt la responsabilité de la communauté internationale qui, il faut le dire, a montré très peu d’intérêts à cette affaire.

Deux pays qui apparemment « se préoccupent » du sort des musulmans se sont prononcés sur le sort des Rohingya : l’Arabie Saoudite et la Turquie. En effet, ce 2 septembre 2017, la mission de l’Arabie Saoudite auprès de l’ONU a fait part de son indignation en condamnant « les atrocités et les violations des droits de l’Homme commis contre la minorité musulmane Rohingya à Myanmar ».

Au moment où j’écris ces quelques lignes, j’apprends, par la presse turque, que Mevlüt  Cavusoglu, ministre turque des Affaires étrangères, se rendra au Bangladesh ce 6 septembre pour trouver, avec son homologue bangladais, une solution à la « tragédie » qui touche aujourd’hui des dizaines de milliers de Rohingya.

Certains m’en voudraient certainement après cette petite analyse. Mais bon, mon objectif n’est point de faire plaisir à mes lectrices et lecteurs, mais plutôt de mettre le doigt là où cela fait mal. Permettez-moi de dire à toutes celles et tous ceux qui s’émeuvent du sort des Rohingya que, malgré tout le respect que j’ai pour vos sentiments envers ce peuple persécuté, nos larmes auraient également dû être versées lorsque d’autres musulmans sont massacrés et persécutés par leurs propres « frères musulmans ».

Permettez-moi de vous rappeler qu’au moment où l’Arabie Saoudite s’indigne du sort des Rohingya, elle mène, en toute impunité, sa guerre contre le Yémen, pays musulman. Aujourd’hui, à cause de l’Arabie Saoudite, « pays musulman », plus de 20 millions de Yéménites vivent dans une misère extrême et font face à une pénurie d’aliments pour survivre.

Depuis le début du conflit au Yémen, l’Arabie saoudite et sa coalition arabe mènent régulièrement des frappes aériennes contre des populations civiles yéménites, dont des enfants et des femmes. Ce 23 août, les bombardements saoudiens avaient fait au moins 35 morts et les chiffres ne sont pas exhaustifs.

Pour ceux et celles de la Ummah qui s’indignent de l’inaction et du laxisme de la communauté internationale face à ce qui se passe en Birmanie, permettez-moi de vous dire que cette même communauté internationale soutient ouvertement le massacre des Yéménites, en autorisant la vente d’armes à l’Arabie Saoudite.

N’oubliez pas que l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis ont signé en mai dernier des contrats d’armements estimés à plus de 380 milliards de dollars. Ce 10 juillet 2017, la Cour Suprême de Londres a autorisé les exportations d’armes lourdes vers l’Arabie Saoudite dans le cadre de contrats d’armements signés entre les deux pays. A votre avis, où vont ces armes ?

Elles sont utilisées par des nations soi-disant musulmanes pour massacrer des musulmans, telles que les Yéménites et les Syriens et briser ainsi l’avenir de milliers, voire de millions de jeunes musulmans dans le monde. Et pourtant, il y a très peu de réactions de la communauté musulmane.

A cela, s’ajoute le sort de nombreux chiites vivant en Arabie Saoudite et qui sont dépourvus de tout droit. Ils sont souvent persécutés et exécutés pour la simple raison qu’ils ne sont pas Sunnites. L’exécution lâche du dignitaire chiite Nimr al-Nimr ce 2 janvier 2016 n’est que l’arbre qui cache la forêt. En Turquie, les minorités kurdes n’ont plus de droits et sont systématiquement persécutés par le régime d’Erdogan. Toute la communauté musulmane est au courant de ces dérives commises par le régime saoudien et turc. Et pourtant, très peu d’entre nous font part de leur indignation.

Il y a énormément de choses à dire sur les contradictions de la communauté musulmane qui, au-delà de sa division, est devenue la risée du monde entier. Notre problème, il faut oser le dire, vient de notre fourberie et de notre hypocrisie. Il est bien, et d’ailleurs tout à fait légitime, de s’émouvoir du sort des Rohingya et des tous les musulmans persécutés dans le monde.

Toutefois, il serait bien de nommer nos propres ennemis par leurs noms. L’ennemi de la Ummah n’est ni les Etats-Unis, ni la France, ni la Grande-Bretagne, mais l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe qui persécutent des milliers de musulmans tous les jours sans qu’aucun membre de la Ummah n’ose le dénoncer. Honte à nous, honte à cette Ummah islamique.

Edito signé : Cheikh Tidiane DIENG

Rédacteur en chef et fondateur du site d’information : www.lecourrier-du-soir.com

Email : cheikhdieng05@gmail.com