La présidence française de l’Union Européenne est-elle au service de grandes entreprises et des lobbys au détriment des citoyens? Tel est pourtant le constat dressé par des ONG, dont l’observatoire des multinationales.
En raison du caractère très sensible du sujet, Lecourrier-du-soir.com vous propose de lire l’article de l’Observatoire des multinationales dans son intégralité
Excellente lecture!
« La présidence française du Conseil de l’UE, qui commence le 1er janvier 2022 pour une période de 6 mois, a été préparée en collaboration étroite avec les industriels et leurs lobbys. Derrière leurs grands discours sur la démocratie européenne, la souveraineté et le climat, Emmanuel Macron et le gouvernement français se sont alignés, en pratique, sur les demandes et les intérêts des grandes entreprises.
C’est ce que montrent l’Observatoire des multinationales et Corporate Europe Observatory dans leur nouveau rapport « Une présidence sous influence ? Les priorités biaisées du gouvernement français pour l’UE ».
La présidence française aura une résonance particulière, tant en France, où elle coïncidera avec la campagne présidentielle, qu’au niveau de l’Union européenne, où de nombreux textes législatifs cruciaux sont en cours d’examen, notamment dans les domaines du climat, du nucléaire, du numérique, de la défense, de la fiscalité et de la finance, ou encore de la santé.
Le gouvernement français semble prêt à sacrifier l’intérêt public au nom du soutien aux « champions industriels » européens et surtout français, dont ni les intérêts ni les priorités ne semblent très différents de ceux des multinationales américaines ou chinoises qu’Emmanuel Macron critique.
Les accords de « sponsoring » de la présidence française de l’UE conclus avec les constructeurs automobiles Renault et Stellantis ne sont que l’illustration la plus criante de cette approche biaisée.
Le rapport révèle que sur les 40 rendez-vous de lobbying rendus publics par le représentant permanent de la France et son adjoint à Bruxelles depuis le 1er juillet, 31 ont eu lieu avec des entreprises ou des lobbys industriels, et seulement 2 avec la société civile. Pendant ce temps, les « portes tournantes » entre secteurs public et privé vont bon train à Paris et à Bruxelles : un conseiller en énergie à la représentation française à Bruxelles a travaillé auparavant pour TotalEnergies, tandis que d’anciens conseillers sur les questions financières travaillent maintenant pour la Société Générale, Amundi et la Fédération bancaire française, principal lobby du secteur. Il en va de même dans les ministères parisiens chargés de la présidence française de l’UE.
Il faudra faire preuve d’un certain scepticisme à l’égard de la communication de la présidence française de l’UE, particulièrement en période électorale. Sur des sujets comme la fiscalité, le climat, les droits sociaux ou la démocratie au sein de l’UE, il est peu probable que la rhétorique grandiose d’Emmanuel Macron et de son gouvernement soit à la hauteur des réalisations concrètes. La volonté affichée d’Emmanuel Macron de « cesser de construire l’Europe en s’isolant des citoyens » est contredite en pratique par son gouvernement derrière les portes closes du Conseil.
« Sous prétexte de promouvoir la ’souveraineté économique’ de l’Europe, Emmanuel Macron et son gouvernement poussent surtout pour un soutien politique et financier de plus en plus massif aux grandes entreprises et à leurs technologies problématiques, explique Olivier Petitjean de l’Observatoire des multinationales. Notre rapport donne un aperçu du travail d’influence et de lobbying qui s’est exercé depuis des mois pour s’assurer que les priorités de la présidence française du Conseil de l’UE resteraient alignées sur les intérêts des grandes entreprises. »
« La prochaine présidence française ne peut pas se contenter d’être une courroie de transmission pour les milieux d’affaires et l’industrie, ajoute Vicky Cann de Corporate Europe Observatory. Pour empêcher la capture de l’UE par les entreprises, nous avons besoin d’ouvrir les décisions du Conseil de l’UE aux citoyens européens, de règles strictes pour empêcher l’accès privilégié des industriels aux décideurs, d’un blocage des portes tournantes et de véritables pouvoirs de contrôle pour les députés afin qu’ils puissent demander des comptes au gouvernement sur les décisions prises à Paris et à Bruxelles' ».