L’Afrique rate encore une fois une énorme occasion d’entrer dans l’Histoire. En effet, dans une analyse publiée il y a un peu plus d’une semaine, j’avais évoqué quatre scénarii qui allaient probablement se réaliser à la fin de la pandémie, parmi lesquels un éventuel affranchissement de l’Afrique de la tutelle de l’Occident.
Le moment n’a jamais été aussi propice pour que le continent noir brise enfin les chaînes de l’esclavage économique qui représentent un frein pour son développement. Contre toute attente, le continent semble, étrangement, prendre un énorme plaisir à laisser la situation perdurer. L’Afrique semble avoir fait son choix : demeurer dans la servitude volontaire éternellement.
C’est consternant de voir que l’Afrique dont le sous-sol regorge de richissimes matières premières, suscitant ainsi la convoitise des plus grandes puissances économiques de la planète doit toujours quémander pour qu’on lui annule une dette dont le montant est dérisoire : environ 365 milliards de dollars.
J’ai encore du mal à croire que nos Etats africains, toujours premiers de la classe en matière de corruption et de concussion, ne sont pas capables de rembourser 365 milliards de dollars dans un continent où les hommes politiques détournent des milliards de dollars à une vitesse éclair. C’est juste hallucinant.
Désormais, en défaut de paiement et totalement ravagés par la pandémie, les chefs d’Etat africains qui auraient dû rembourser l’intégralité de cette dette (ne serait-ce que pour sauver l’honorer de leur peuple) se sont dirigés, comme à l’accoutumée, au Club de Paris (on va dire à la France) pour obtenir une annulation. Finalement, ils ont obtenu un moratoire aux niveaux des créanciers bilatéraux et privés. Sur 32 milliards de dollars qui devaient être remboursés aux pays du G20, la France a obtenu auprès de ces créanciers un moratoire de 20 milliards et les Etats africains, éternels mendiants, devront s’acquitter des 12 milliards qui restent.
C’est honteux d’en arriver à ce stade. Et ce qui est triste dans cette histoire est qu’il semblerait que nous aimons nous auto-humilier pendant que le reste du monde se rue dans notre continent pour se partager nos richesses naturelles. Jusqu’à quand devrons-nous nous mettre à genoux devant les puissances du monde pour leur supplier de nous annuler nos dettes ? La Chine, l’Inde, le Qatar, le Japon…ont tous été pauvres mais ont appris, avec le temps, à se faire respecter.
Nous venons d’entrer dans une nouvelle ère (pour ne pas dire un nouveau monde) dans lequel tout est refaire. Dans ce nouveau monde qui s’annonce et qui est marqué par une fragilité patente des puissances occidentales très affectées par la crise, tout recommence à zéro. Dans un tel contexte, l’Afrique ne peut pas se permettre de passer à côté de l’Histoire, de rester le dindon de la farce, l’éternel mendiant à qui on doit tout offrir, mais qui, au contraire, n’a rien à offrir au reste de la planète ni sur le plan politique, ni sur le plan économique, encore moins sur le plan culturel.
Face à cette lamentable situation, il va falloir très vite qu’une jeunesse africaine consciente des enjeux du moment prenne les choses en mains pour mettre fin à ce triste sort qui semble nous être réservé : les éternels assistés de la terre. Certes, l’Afrique ne saurait vivre en autarcie. Ni aucune autre puissance d’ailleurs. En effet, le Covid-19 nous a rappelé que nous avons tous besoin de notre prochain pour nous en sortir.
Cependant, à l’instar de la Chine et de l’Inde qui ont réussi à se faire une place dans cette guerre d’influence planétaire, l’Afrique doit aujourd’hui savoir ce qu’elle veut vraiment : devenir une puissance dans une économie mondiale en pleine mutation ou rester en marge de celle-ci.
La reprise de notre destin passe inéluctablement par la reconnaissance de nos capacités à nous imposer dans une géopolitique mondiale marquée par les rapports de force. Et cette bataille, l’Afrique, pour n’avoir jamais cru en elle et en ses potentialités, l’a même perdue sans jamais la livrer.
Et le résultat est triste. En effet, ce sont des puissances occidentales qui aujourd’hui militarisent le Sahel pour contrôler les ressources naturelles africaines et des puissances du Golfe qui opèrent un changement de régime en Libye pour y placer un larbin qui aura pour mission de leur faciliter l’exploitation du pétrole au grand dam des Libyens. Pendant ce temps, elle est où l’Union Africaine ? Elle n’existe plus.
La Chine s’est réveillée même s’il lui reste encore un long chemin à parcourir avant de se positionner en première puissance du monde, et encore faudrait-il qu’elle le veuille. L’Inde est en train de devenir un géant de la technologie qui fournit son capital humain à la Silicon Valley. Les pays du Golfe, à travers le pétrole et le gaz, se sont érigés en redoutables puissances régionales. L’Iran tente à tout prix de s’engouffrer dans ce cercle restreint et a déjà commencé la conquête d’une partie du monde où il propage son chiisme et sa vision du monde. La Russie, devenue une véritable puissance militaire, a profité de la crise sanitaire pour venir en aide à l’Italie et aux Etats-Unis. Même le Cuba, jadis qualifié de communiste, a su profiter de cette crise sanitaire pour montrer ses muscles, déployant des médecins au cœur de l’Europe.
L’Afrique, elle est où ? Elle a complètement disparu de la circulation et quand les autres parlent d’elle, c’est pour définir les stratégies et moyens à mettre en place pour la sauver d’un désastre à venir. Elle est incapable de se prendre en charge et, tel un enfant, doit toujours attendre que les autres décident à sa place.
Pourtant, ses matières premières tant convoitées par la Chine et les pays occidentaux auraient dû lui permettre de reprendre le contrôle total de la situation et s’ériger en leader planétaire. Malheureusement, il faudra encore attendre des décennies pour que ce scénario puisse se produire. Dans cette course pour le contrôle du monde, l’Afrique semble avoir déjà fait son choix. Sa position d’éternelle mendiante lui va parfaitement.