Coup dur pour la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Alors que la réforme du Code du Travail par ordonnances bat son plein, la ministre a été interpellée jeudi 27 juillet au Sénat. En cause, sa plus-value boursière de près d’un million d’euros réalisée lorsqu’elle était patronne des ressources humaines chez Danone alors que le groupe s’apprêtait à supprimer plus de 900 emplois.
Une plus-value de 1 129 034,54 euros alors que Danone annonce 900 suppressions de postes.
Plus d’un million d’euros, soit 80 années de SMIC net, c’est ce qu’a gagné Muriel Pénicaud en quelques heures le 30 avril 2013 en profitant de la flambée boursière en faveur de Danone après l’annonce de la suppression de 900 emplois.
Car c’est bien une transaction d’un lot de 55 120 actions acquises à une valeur de 34,85 euros l’unité, soit une somme bien inférieure du cours de l’action, que Muriel Pénicaud a revendues aussitôt – ainsi qu’une centaine d’autres- à 58,41 euros l’unité, au cours du marché. En clair, 1 920 932 euros à l’achat pour 3 049 966,54 euros après la revente. Bilan : une plus-value de 1 129 034,54 euros ainsi que les 2 900 stock-options restant alors en sa possession. La ministre a ainsi profité de la remontée de l’action qui a suivi l’annonce du licenciement de 900 personnes dans 26 pays européens, faisant grimper le cours dans les semaines qui ont précédé la transaction. « À court terme, des destructions d’emplois peuvent remonter le cours de l’action et vont donc bénéficier au capital, contre la production et la valeur ajoutée », confirme l’économiste Frédéric Boccara, spécialiste des entreprises qui siège au Conseil économique, social et environnemental (Cese) et membre des Économistes atterrés et de la direction du PCF.
Pourtant, quand Danone procède à cette restructuration, le groupe est pourtant loin d’être au bord de la faillite. Au contraire, il vient de battre le record de son chiffre d’affaires, passant pour la première fois en 2012 le cap des 20 milliards d’euros, avec une hausse de 8 % en un an. Par ailleurs, les perspectives pour 2013 sont plutôt bonnes avec une progression attendue d’au moins 5 %.
Éliane Assassi, la présidente du groupe Communiste, sénatrice de Seine Saint Denis a dénoncé à l’Hémicycle une plus-value boursière faramineuse « Ce point est extrêmement grave sur le plan éthique, et peut-être sur le plan juridique, car de par vos fonctions vous avez organisé ce plan social et en avez récolté les fruits pour votre profit personnel », a-t-elle jugé.
« Elle n’a rien à voir avec le monde du travail »
« C’est quelqu’un qui se prétend salarié mais qui se situe objectivement du côté des intérêts du capital, et qui s’est trouvé à ce titre directement intéressé aux destructions d’emplois, déclare l’économiste Frédéric Boccara. « Elle a peut-être une fibre sociale quand elle va à confesse, mais elle n’a rien à voir avec le monde du travail, celui des salariés, mais aussi celui des artisans et même des petits patrons. »
Pour rappel, Muriel Pénicaud a cumulé les rémunérations de Danone avec celles perçues au conseil d’administration d’Orange (58 000 euros pour sa prestation en 2012) tout en ayant occupé les fonctions de directrice générale adjointe de Dassault-systèmes ainsi qu’administratrice de la SNCF. Soit un très beau pactole rien que pour l’année 2013.
Le plus embarrassant reste certainement la réaction de la Ministre du Travail le 12 juillet lors des négociations autour de l’amendement de Sébastien Jumel (PCF) visant à interdire « toute suppression d’emploi (…) lorsque l’entreprise a distribué des dividendes ou des stock-options ou des actions gratuites ». En clair, faire en sorte qu’une situation comme celle de Danone ne se répète plus. Le député LREM Laurent Pietraszewski a réagi à l’Hémicycle « Nous sommes tous au clair là-dessus. Nul ne souhaite en effet qu’une entreprise qui réalise un bénéfice ou distribue des dividendes à ses actionnaires puisse en même temps licencier en toute impunité des salariés pour des raisons d’opportunité financière » Ce à quoi Muriel Pénicaud a ajouté « Même avis ».
Sur la toile, les réactions ne se sont pas faites attendre.
Adrien Quatennens (LFI) a tweeté : « Les suppressions d’emplois sont un business lucratif, un secteur plein d’avenir ! La ministre du #travail en sait quelque chose… » tandis que l’ex-candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon lance : « La très sociale @murielpenicaud a réalisé une plus-value personnelle de 1.266 euros par salarié licencié chez Danone ». Ce à quoi renchérit le député PS Régis Juanico écrit « l’esprit de la #loitravail résumé ».
Une information qui vient ternir l’image de la Ministre du Travail qui soutient l’idée que faciliter les licenciements sera bénéfique à l’emploi et donc aux salariés.