Les Africains sont-ils obligés de se maintenir dans la servitude volontaire ? Je pose la question réagissant au discours de John Bolton, actuel conseiller de Donald Trump à la Sécurité Nationale des Etats-Unis. En effet, ce dimanche 10 septembre, prononçant un discours devant les membres de la Federalist Society, le conseiller de Trump a tenu des propos extrêmement durs envers la Cour Pénale Internationale (CPI).
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de remettre les choses dans leur contexte. Il est important de souligner que le discours de John Bolton est une réponse à la CPI qui a demandé l’arrestation d’importantes autorités américaines accusées d’avoir commis des crimes en Afghanistan, un pays où sont présents d’importants Marines américains.
Je dirais que la CPI a cette fois-ci du pain sur la planche car, il faut bien reconnaître que depuis sa création en 2002, ce tribunal international s’est beaucoup focalisé sur les exactions commises par des dirigeants africains. Pourtant, lorsque ces mêmes exactions sont du fait de dirigeants blancs, ou plutôt occidentaux, le tribunal se réfugie dans un silence absolu.
En tout cas, le signal envoyé à la CPI par Bolton est très clair. Les Etats-Unis, contrairement aux nations africaines, ne sont pas une proie facile. L’Amérique du Nord est un Etat souverain, qui peut se permettre de violer librement le droit international sans avoir de compte à rendre à personne.
Ce serait intéressant que je souligne quelques unes des phrases proférées par John Bolton qui, ce dimanche, a ouvertement défié la Cour Pénale Internationale. S’adressant à son public, il dit ceci : « (…) En pratique, la Cour Pénale Internationale a été inefficace, irresponsable et très dangereuse ».
Et ce n’est pas tout. Abordant les relations conflictuelles entre la CPI et les Etats-Unis, John Bolton ajoute : « la CPI a été formellement mise en place en juillet 2002 suite à l’entrée en vigueur de ses statuts. En juin 2002, le président Bush avait déjà autorisé les USA à ne pas signer le statut de Rome parce qu’il était fondamentalement illégitime. (…) La CPI est une insulte aux droits constitutionnels du peuple américain et à la souveraineté des Etats-Unis. »
Face à son auditoire, le conseiller de Trump à la Sécurité Nationale étrille littéralement la CPI. « Nous ne coopérerons pas avec la CPI, nous ne fournirons aucune aide à la CPI et certainement, nous n’adhérerons pas à la CPI. Nous laisserons la CPI mourir de sa propre mort. (…) En fait, pour nous, la CPI est déjà morte ».
Dans cette dernière phrase, tout est dit. Mais, la partie la plus intéressante arrive au moment où Bolton justifie le rejet de la Cour par les Etats africains. « Plusieurs pays africains se sont récemment retirés du Traité de Rome et d’autres menacent de le faire, dénonçant les arrestations arbitraires visant les Africains. Pour eux, la CPI n’est rien d’autre qu’une entreprise néocoloniale européenne qui enfreint leurs droits souverains », lance-t-il.
Je conclue de ce discours que si les Etats africains qui, depuis plus de dix ans ont dénoncé les arrestations arbitraires de leurs dirigeants par la CPI, veulent se retirer du Traité de Rome qui a donné naissance à la CPI, c’est le moment où jamais. La décision de ne plus reconnaître la CPI doit être aujourd’hui mise en application et que les Africains se libèrent totalement du joug colonial dans lequel ils sont maintenus.
Que personne ne vienne nous parler de pressions de la part des Etats occidentaux. Ces dits Etats ne peuvent plus continuer à dicter leur volonté aux Africains et attendent que nos chers dirigeants béni-oui-oui appliquent au pied de la lettre tout ce qu’ils nous demandent de faire. J’appelle cette attitude la « servitude volontaire » pour reprendre Kako Napupko, l’éminent économiste africain et partisan de la sortie des Etats africains francophones du Franc CFA.
Le discours de John Bolton doit aujourd’hui résonner sur tout le continent. Car, tout comme les Etats-Unis, nos Etats, aussi pauvres et vulnérables soient-ils, sont des Etats indépendants. Même si la question de leur souveraineté reste toujours discutable. La CPI n’a existé que parce que les autorités politiques africaines l’ont voulu. Eux qui lui ont conféré (peut-être à leur corps défendant) une légitimité qu’elle ne mérite pas.
Depuis sa création, avez-vous entendu parler d’un seul président du monde occidental jugé par ce tribunal ? La France s’est chargée de la guerre en Libye où des milliers de civils ont été tués. Les Etats-Unis sous George W. Bush ont massacré des milliers de civils en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Pourtant, aucun des dirigeants de ces pays n’a été inquiété par la Cour Pénale Internationale. Aujourd’hui, au Yémen, l’Arabie Saoudite est en train de violer le droit international en écrasant des pauvres citoyens avec des armes fabriqués et vendus par l’Occident. La CPI n’a jamais ouvert sa gueule
Finalement, cette Cour ne s’attaque qu’à nos dirigeants (Laurent Gbagbo, Oumar el Béchir, Jean-Pierre Bemba…) parce qu’ils sont une proie facile. Il est temps que nous mettions fin à cette humiliation qui n’a que trop durer et nous nous posions la question de savoir si nous souhaitons être des Etats indépendants et souverains ((tels que les Etats-Unis) ou si nous souhaitons rester éternellement des esclavages de l’Occident.
Le monde avance. L’Occident a déjà fait son choix, l’Asie aussi. Et aujourd’hui, même les pays du Proche et du Moyen-Orient n’acceptent plus que leur souveraineté soit piétinée. Pendant ce temps, en Afrique, la servitude volontaire reste toujours à la mode et a un bel avenir devant elle.
Se retirer du Traité de Rome et ne plus reconnaître la CPI est une obligation. Il y va de notre dignité et nous ne devons pas attendre une seule minute pour arracher notre liberté.
Edito signé : Cheikh Tidiane DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site internet www.lecourrier-du-soir.com basé à Paris
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